Chapitre 18

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Les lèvres de Rosa se fendirent en un sourire qui fit fondre le cœur de l'homme. Elle était définitivement plus jolie quand elle souriait. Quand elle souriait, le monde reprenait des couleurs alors que ses yeux pâles s'illuminaient. Quand elle souriait, on pouvait la confondre avec un ange. Aras donnerait n'importe quoi pour que ces moments durent plus de trois secondes. Il était complètement mordu, ma parole ! constata-t-il. Qui l'aurait cru ? 

-En effet, vous n'êtes pas tout le monde, Monsieur l'orchidoclaste, dit-elle malicieusement.

Aras éclata de rire devant son audace. La liste de ses insultes était sans limites.

Elle réprimait son envie de rire mais peine perdue : son rire était communicatif.

-Vous n'êtes pas comme tout le monde non plus, Mademoiselle Hatier.

Dans un étrange silence, les deux s'observèrent attentivement, comme hypnotisés par l'autre. Lorsque Rosa brisa ce lien visuel, ce fut pour saisir son croissant et le porter à sa bouche sous le regard satisfait de son patron.

~~~

Deux semaines avaient passé et Aras n'avaient pas manqué une seule fois à sa promesse. Matin, midi et soir, il la rejoignait pour partager ses repas. Rosa pouvait enfin l'admettre : il lui était d'une aide remarquable. Toujours attentif à ses ressentis, il la poussait sans la brusquer en trouvant les bons arguments pour faire paraître cette épreuve moins difficile. Il décidait lui-même du contenu de son assiette, augmentant petit à petit les quantités. Bien sûr, si cela ne tenait qu'à elle, elle se nourrirait uniquement de salade et de mets trop peu caloriques. Généralement, Aras la rejoignait à son bureau quand il décidait qu'il était temps pour elle de faire une pause. 

Le premier rendez-vous de suivi médical arrivait à grand pas mais à ce rythme-là, elle était sûre d'avoir récupéré les deux kilos indispensables pour ne pas se refaire internée. Si tout allait bien...

Il était à peine vingt heures et la nuit était déjà tombée. Elle resserra son manteau sur ses épaules avant de se diriger vers les escaliers pour rejoindre son appartement. Aras venait de la déposer chez elle en voiture après une grosse journée de travail. Il refusait qu'elle parcourt la moitié de la ville seule. Et allez savoir comment, il était au courant qu'elle n'avait pas encore le droit de faire de l'activité physique.

Elle allait pousser la porte de son appartement quand un craquement dans les escaliers la fit sursauter. Elle sentit son cœur s'accélérer. Car il n'y avait personne. Le bâtiment avait beau être vieux, il n'en était pas encore à craquer tout seul. Les mains tremblantes et engourdie par le froid, elle peinait à entrer la clé dans la serrure. Une main sur son épaule la fit crier de terreur.

-Oulah ! Faut vous détendre, mademoiselle !

L'homme qu'elle avait vu déballer des cartons deux semaines auparavant lui faisait face. Il avait l'air fier de la panique qu'il avait généré en elle, ce crétin. Ce qu'elle ignorait, c'est qu'il s'était volontairement caché pour la surprendre.

Rosa le détailla du regard. Il était plutôt petit mais, la jeune femme mesurant elle-même à peine un mètre cinquante, il la dépassait quand même d'une bonne tête. Son sourire provocateur n'avait pas quitté une seule fois son visage d'ange. Ses petits yeux lui donnait un air sournois voire fourbe. Elle recula de quelques pas, cherchant à établir une certaine distance de sécurité. Il ne lui inspirait pas confiance et son attitude l'avait mise mal-à-l'aise dès les premières secondes.

Lui aussi l'observait. La dévorait du regard, plutôt. L'observer, il en avait largement eu le temps ces derniers jours. Bien que maigre, la femme qui lui faisait face avait des courbes délicieuses : des fesses rebondies à souhait, une poitrine bien développée... Quel dommage qu'elle se cache ainsi sous un manteau qui était tout sauf glamour. Elle fronçait les sourcils et se rapprochait de seconde en seconde de sa porte d'entrée. Elle se méfiait, constata-t-il.

-Des présentations s'imposent, je crois, commença-t-il toujours muni de son grand sourire jovial. Je suis Colin Jaydon, le petit-fils d'Anna Jaydon, votre ancienne propriétaire. Elle a dû vous expliquer, l'immeuble m'appartient désormais.

Rosa s'en était douté. Mais avait profondément espéré se tromper dès le soir durant lequel elle l'avait aperçu de loin. Sa voix débordait de fierté quand il avait confirmé être le nouveau propriétaire de l'immeuble. A croire qu'il attendait ce moment depuis fort longtemps. En y repensant, elle était sûre d'avoir entendu Anna lui dire qu'elle partait sous les conseils de son petit-fils. Il n'était qu'un homme ambitieux assoiffé de richesses. Comment pouvait-il être le petit-fils d'Anna et aussi différent d'elle ?

Il lui tendit la main et elle hésita un instant avant de lui tendre la sienne. Elle devait se montrer polie. Comment ferait-elle s'il la virait de son logement ? Hiérarchiquement, elle n'avait pas d'autre solution...

-Rosa Hatier, se présenta-t-elle méfiante. Locataire depuis...

-Je sais qui vous êtes et depuis quand vous habitez ici, la coupa-t-il brusquement. 

Choquée par la brutalité de ses paroles qui, malgré son grand sourire, n'avaient rien de sympathiques, elle chercha à se défaire de l'emprise de sa main. Mais la relâcher ne semblait pas être dans ses plan car il resserra sa poigne jusqu'à lui faire mal.

-Il faut que je vous prévienne que certaines choses vont changer ici. Ces bâtiments sont vieux, je pense qu'il est temps de faire quelques rénovations. Bientôt, ils seront à la pointe de la technologie en terme de respect de l'environnement et je ferai de ce quartiers un des plus attractifs de la ville.

Rectification : un homme ambitieux, doublé d'un assoiffé de richesses, et triplé d'un mégalomane narcissique. Anna avait vécu ici toute sa vie, jamais elle ne serait encline à accepter ce projet. Mais ce qui inquiétait surtout Rosa était son avenir dans cet immeuble. Son salaire avait beau être raisonnable, elle ne pourrait jamais payer un appartement dans le quartier qu'il décrivait.

Colin sembla lire dans ses pensées.

-Ne vous inquiétez, les travaux ne débuteront pas avant au moins un an. Laissez-moi vous dire que vous êtes une femme remarquable, et que je suis absolument ravi d'être à la fois votre propriétaire et votre voisin.

-Vous allez habiter ici ? pâlit-elle.

-Je récupère le logement de ma grand-mère donc oui.

Formidable... La vue de cet homme l'écœurait, sans compter qu'il tenait toujours fortement sa main malgré ses efforts pour se libérer de lui. Il fallait qu'elle rentre chez elle. Maintenant. Elle ne tiendrait pas beaucoup de temps ainsi.  

-Je dois... Euh... Je dois partir.

Son sourire à faire froid dans le dos s'agrandit et il libéra sa main quelques secondes plus tard. Rosa se dépêcha de déverrouiller sa porte et de lui claquer la porte au nez. Transie de froid, elle s'assit sur son lit encore sous le choc. Puis elle se précipita dans les toilettes pour y rejeter son repas du soir durement avalé. Ce porc lui avait fait des avances ! 

Ces dernières semaines avaient été les plus belles depuis une éternité. Mais elle aurait dû se rappeler que sa vie n'était qu'une série de catastrophes depuis sa naissance. Et que l'espoir ne pouvait que l'enfoncer davantage.

EffervescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant