Chapitre 40

1.6K 186 7
                                        

-Ely...

La jeune femme avait prononcé ce prénom si évocateur de souvenirs d'une voix si faible qu'Aras n'avait rien pu entendre. Ely Eltven. Il la connaissait uniquement à travers les magazines de danse dans lesquels se plongeait Rosa dès qu'elle en avait le temps. Ce sont ces magazines qui lui avaient donné l'idée de ce spectacle pour fêter son anniversaire, et qui lui avaient fait penser qu'Ely Eltven, cette magnifique étoile montante, était une personnalité que Rosa appréciait particulièrement. 

Rosa quant à elle, tremblait d'émotions. Ely était là, devant elle, à la place qu'elle avait toujours voulu. Pourtant, elle savait parfaitement à quel point celle-ci était devenue une référence dans le monde de la danse. Elle consultait toute son actualité depuis des années avec une assiduité irréprochable. Ses progrès, ses producteurs, les personnes pouvant lui faire de l'ombre. Seulement, elle n'avait pas prévu de se retrouver un jour dans la même salle qu'elle. Elle s'était résignée à ne plus jamais la voir autrement qu'à travers l'écran d'un téléphone. 

Comme il était étrange de retrouver ce sourire radieux qu'elle arborait toujours quand elle dansait. Elle avait pris quelques centimètres il lui semblait, et avait gagné en muscle. Dire qu'à l'époque Ely était tellement complexée. Aujourd'hui, elle ne dégageait que confiance en elle. Une aura douce, mais pleine de puissance. Au fur et à mesure que la danseuse avançait dans son solo, des images de leur enfance à toutes les deux s'affichaient dans l'esprit de Rosa. C'était la belle époque...

Quand les lumières se rallumèrent, Rosa se précipita hors de la salle, fébrile. Il fallait qu'elle la voit. Avec sa carrure fine, elle se faufilait entre tous les spectateurs qui prenaient bien trop leur temps à son goût. Tous s'extasiaient sur la performance d'Ely. 

Aras, lui, la suivait avec peine. Elle était partie tellement vite. L'homme sentait bien qu'il s'était produit quelque chose en elle durant le spectacle. Mais n'ayant aucune information, il pensait que l'agitation de la jeune femme n'était due qu'à l'émotion de voir ce spectacle de si grande envergure. Alors qu'il pensait l'avoir perdue dans l'immense structure, il l'aperçut à proximité d'un attroupement de journalistes et d'admirateurs. L'homme comprit immédiatement qu'il s'agissait d'Ely Eltven. Mais pourquoi Rosa cherchait-elle absolument à se rapprocher d'elle ?

Les journalistes parlaient forts. Rosa était petite et ses cris se perdaient sans que quiconque ne les ait entendus. Elle se faisait engloutir par la foule. Pourtant, elle se battait pour attirer l'attention d'Ely. Mais celle-ci ne la regardait jamais, ne l'entendait jamais. Elle était sous le feu des projecteurs et Rosa dans l'ombre. La jeune femme avait beau se battre, tenter de jouer des coudes, Ely rentra dans sa voiture sans la voir. C'était fini.

Un journaliste bouscula violemment Rosa qui tomba au sol sans opposer beaucoup de résistance. Elle fronçait les sourcils tout en regardant dans le vide, l'air de ne pas comprendre ce qui se passait. Aras se précipita pour la relever. Il grimaça en voyant que ses paumes de mains ainsi que se genoux étaient tout écorchés. 

-Rosa, qu'est-ce qui s'est passé ? Tout va bien ?

La jeune femme fixait la blessure sur ses mains, complètement en dehors de la réalité.

-Je... Je ne sais pas trop... murmura-t-elle.

Comprenant qu'il ne tirerait rien de plus d'elle pour l'instant, il la guida vers le port pour reprendre le bateau par lequel ils étaient arrivés. L'homme la conduisit immédiatement dans la cabine pouvant faire office de chambre et la força à s'asseoir sur le lit. Elle ressemblait un peu à poupée de chiffon, n'opposant de résistance à rien de ce qu'il pouvait faire. Il tira un tabouret et entreprit de désinfecter ses plaies.

-Tu ne t'es pas ratée, commenta-t-il.

Elle releva les yeux, et sourit doucement d'un air triste.

-Ça ne change pas vraiment de d'habitude.

-C'est vrai, tu ne fais jamais les choses à moitié. C'est une qualité, tu sais. Même si ça m'arrangerait que tu sois parfois plus prudente.

Rosa tripotait le tissu de sa manche machinalement, les yeux revenus dans le vague. Pour une fois, son geste n'était pas impulsif. Elle ne se battait pas contre une envie autodestructrice. Elle était juste plongée dans ses pensées silencieuses. Aras s'assit à côté d'elle sur le lit et passa une main derrière son dos. Au bout de quelques minutes, elle posa sa tête sur l'épaule de l'homme et poussa un petit soupir, profitant de sa chaleur. C'était étrange. Ce soir-là, elle se sentait vide et fatiguée, avec une multitude de pensées et de souvenirs qui l'assaillaient. Et à la fois, elle était bien. Tranquille. A sa place. Elle s'allongea sur lit, entraînant Aras à faire la même chose et se blottit contre lui.

-Si on m'avait dit qu'un jour je me sentirai aussi bien dans les bras de quelqu'un, je lui aurais ri au nez... murmura-t-elle.

Aras rigola doucement, faisant tressauter sa tête appuyée sur son torse. Elle n'imaginait pas à quel point ses paroles lui faisaient plaisir. Lui aussi se sentait bien et à sa place auprès d'elle. Leur étreinte était douce et chaude. Empreinte d'une incroyable tendresse. 

Il arrivait à l'homme de se demander si leur relation avait de l'avenir. Rosa était si insaisissable... Il la comprenait sur beaucoup de choses. Mais même après ces derniers mois, elle lui apparaissait parfois encore comme un ange mystérieux donc il ne saurait jamais tous les secrets. C'est ce qui faisait son charme. Elle comptait sur lui pour la guérir, tout comme il espérait qu'un jour son amour pour lui égalerait celui qu'il éprouvait pour elle. Mais une relation peut évoluer aussi vite qu'une vague qui avance sur la plage et recule presque immédiatement. Rosa était indépendante, ça faisait parti de son caractère. Si elle estimait un jour qu'elle n'était plus libre avec lui ou qu'il la blessait, elle s'en irait sans montrer un brin de regret.

La jeune femme avait fini par sombrer dans un sommeil profond, blottie sur lui et apaisée par sa présence.

-Et si on m'avait dit qu'un jour j'aimerai quelqu'un aussi profondément... murmura Aras.

EffervescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant