Chapitre 21

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Aras avait raccompagné la jeune femme après le dîner, vers vingt heures. Rosa l'avait vraiment surpris. Non seulement elle s'était confiée à lui pour la première fois, mais en plus elle avait mangé sans se faire prier. Bien sûr, ça n'avait pas été facile pour elle d'ingérer ses pâtes. A plusieurs reprises, son teint était si pâle qu'il avait cru qu'elle allait vomir. Même situation pour le soir. Mais il n'avait au moins pas eu à batailler avec elle. Peut-être était-elle trop exténuée pour se rebiffer alors qu'elle perdrait de toute manière. 

Dans l'après-midi, elle s'était endormie devant "Le cercle des poètes disparus". Il faut croire qu'une certaine tension redescendait. A quoi était-elle due ? Elle n'avait rien voulu dire. Il s'était éclipsé quelques minutes pour passer des appels professionnels et, lorsqu'il était revenu, elle dormait à point fermé. Elle était belle ainsi. Ses traits étaient relâchés. S'agenouillant sans bruit devant elle, il avait repoussé délicatement une mèche de ses cheveux bruns qui s'échappait de sa tresse. Il ne l'avait jamais vue autrement qu'avec une tresse. Pourtant, sa tignasse était sensationnelle. Dans l'ombre, il apparaissait un mélange de brun et d'auburn. Mais à la lumière... Ses cheveux prenaient une teinte rouge flamboyant.

Il s'était résolu à aller travailler, comprenant qu'il agissait un peu comme un voyeur. Si Rosa s'était éveillée à cet instant, elle l'aurait encore qualifié de "pervers". Dommage. Il aurait pu rester à ses côtés des heures à admirer son beau visage d'ange. Il ne voulait pas lui faire peur. Depuis leur rencontre, il avait l'impression d'amadouer un animal blessé effarouché. Doucement, il la couvrit d'une couverture car, déjà, son corps commençait à frissonner.

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Rosa montait les derniers escaliers de son immeuble, déjà essoufflée de l'effort physique. Forcément, elle était en interdiction de pratiquer du sport depuis cinq ans. Sa discussion avec Aras l'avait aidée à retrouver sa motivation pour guérir. Elle n'avait pas parlé de sa rencontre avec Colin Jaydon. Tout comme elle avait gardé le silence sur les souvenirs qu'il avait douloureusement ravivé. Quant à son bras écorché, résultat de sa nuit d'horreur, il allait sans dire qu'elle l'avait caché. Surveiller son alimentation, c'était une chose. Mais accourir parler de ses problèmes du moment, il en était hors de question. Rosa était encore assez grande pour se débrouiller seule. Il fallait qu'elle garde son indépendance. 

Une véritable aide, se savoir soutenue, elle ignorait ce que c'était. Et la simple possibilité que son patron joue ce rôle la faisait rire. 

Elle claqua la porte et se débarrassa de ses chaussures. Alors qu'elle allait enfiler une tenue plus confortable, un papier se colla à la plante de ses pieds.

Bonsoir Rosa. Je n'ai pas réussi à vous croiser aujourd'hui. Vous vous faites rare, en ce moment. Venez me voir demain matin, j'ai à vous parler. PS : N'oubliez pas de m'apporter l'argent du loyer. Colin Jaydon.

Quoi !? Mais elle avait déposé le loyer il y a une semaine ! Il était absent donc elle avait glissé le chèque dans la boîte au lettres. C'était ainsi qu'elle procédait avec Anna, lorsqu'elle ne pouvait la croiser à cause de ses horaires. Elle était déjà limitée financièrement donc elle n'allait certainement pas payer le loyer deux fois ! Et pourquoi devrait-elle aller le voir si elle était dans les règles !? Furieuse, elle déchira le papier avant d'enfouir les morceaux dans la poubelle.

Même en sachant qu'elle n'était pas en tort, elle angoissait. Colin ne semblait pas vouloir la lâcher et il parlait comme s'il était normal qu'il veuille s'impliquer dans sa vie. Son éternel sourire l'effrayait le plus. Un sourire jovial, même quand ses paroles ou son regard disaient le contraire. Un sourire qui glaçait le sang. Un sourire machiavélique comme celui du clown démoniaque dans les films d'horreur. Rien qu'y repensait lui provoquait des frissons. 

Rosa voulait dédramatiser. Après tout, elle se basait uniquement sur ses ressentis qui, elle le savait, n'étaient plus objectifs depuis bien longtemps. Peut-être ne lui voulait-il aucun mal ? Mais dans tous les cas, elle n'irait pas le lendemain matin. De toute manière, elle savait qu'une dure nuit d'insomnie et d'horreur se préparait.

Et son patron ne devrait surtout pas être mis au courant du fait qu'elle était perturbée. Jusqu'à ce que la situation s'apaise, elle ferait comme si tout allait bien.

Deux jours passèrent. Elle s'investissait plus que jamais dans son travail, mangeait bien sous le regard attentif d'Aras. Il n'avait rien remarqué de ses bras bandés. Ses cernes était cachée par une fine couche de maquillage. Même si elle avait été dégoûtée de devoir investir dans du fond de teint qu'elle n'avait pas touché depuis un an, elle refusait d'attirer l'attention sur sa peau pâle de fatigue. 

C'était épuisant de devoir se cacher derrière une couverture de bien-être. Elle avait parfois l'impression de redevenir la femme qui cachait sa monstrueuse perte de poids il y a cinq ans. Celle qui cachait ses bleus au monde entier.

Rosa s'apprêtait à sortir de son appartement mais elle se cogna contre un mur. "Un mur de muscles, plutôt", remarqua-t-elle en se frottant le nez. 

-Oh mais quelle bonne surprise, Rosa ! s'exclama Colin, souriant.

La jeune femme émit un glapissement de peur avant reculer de quelques pas, les sourcils froncés. Elle avait réussi à l'éviter deux jours, mais il fallait croire qu'il était décidé à s'accrocher. 

-Oui... Surtout que mon appartement est le seul présent au dernier étage, grommela-t-elle. 

Comment pouvait-il espérer lui faire croire qu'il était là par hasard ? Elle cherchait déjà une échappatoire. Malheureusement, il bloquait les escaliers de son corps massif. Massif, mais tout de même pas autant que celui d'Aras. 

-Je t'ai laissée un mot sur votre porte. Ne l'as-tu pas lu ?

-Mmmh... fit-elle mine de réfléchir. Non, je ne vois pas de quoi vous voulez parler. Mais je préférerais que vous continuiez à me vouvoyer.

Le sourire déjà immense de Colin s'agrandit encore. Très intéressant. Elle lui résistait, essayait d'instaurer une distance avec lui. Et il adorait ça ! Sa victoire n'en serait que plus grande.

EffervescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant