-Ça te plaît ?
La main de l'homme sur son épaule ramena Rosa de sa contemplation de la mer qui s'étendait à l'infini.
-Mais... Tu pleures ?
La jeune femme porta sa main à sa joue et se rendit compte seulement en sentant de l'humidité sous ses doigts qu'elle pleurait effectivement.
-Je... Je suis désolée, je ne sais pas ce qui m'arrive, bafouilla-t-elle avec difficulté. C'est magnifique...
Comprenant que les larmes n'étaient dues qu'à un trop-plein d'émotions, il prit son visage entre ses mains et essuya doucement les traces salées. Apaisée par ce contact et pour mieux le savoureux, elle ferma les yeux et soupira doucement. Il l'attira contre lui et elle ne résista pas. Ses mains fines s'accrochèrent même à son tee-shirt, comme pour le supplier de ne pas partir. Encore une fois, elle constatait à quel point il lui était devenu indispensable en si peu de temps. Était-ce mal ? Elle le croyait il y a encore quelques jours. Maintenant, elle n'en était plus sûre... Des sentiments incroyablement puissants la submergeaient, lui serraient le cœur à lui faire mal, et il était difficile de lutter. S'il ne la tenait pas aussi fermement, elle tomberait sûrement. Les larmes coulèrent de plus belle.
-Chhhh... souffla-t-il à son oreille. Tout va bien. Tout va bien...
A force de le répéter, peut-être commençait-elle à le croire ?
Quand sa crise de larme fut passée et qu'ils se furent un peu installés dans l'immense demeure, Aras la guida à la terrasse, celle qui se trouvait sur le toit et qui offrait une vue à couper le souffle sur l'océan. Une table garnie de plats en tout genre les y attendait.
-J'espère que tu as faim ? Tu n'as rien avalé depuis notre départ...
Pour la première fois, Aras avait lâché du lest sur l'alimentation, pensant qu'il valait mieux privilégier son sommeil compte tenu de la situation. Il espérait ne pas avoir à la forcer aujourd'hui. Pourtant, elle lui sourit et s'assit.
-Ne t'inquiète pas, je me sens bien aujourd'hui. J'ai envie de faire des efforts, assura-t-elle.
C'était la vérité. La faim qu'elle voyait habituellement comme une ennemie lui paraissait davantage naturelle, moins menaçante. Elle n'annonçait plus une perte de contrôle imminente qui pourrait la mettre dans tous ses états.
Aras, rassuré, la regarda grignoter doucement. Elle faisait parfois de petites pause, posait ses couvers pour prendre le temps de regarder la mer. Quand il s'apprêtait à lui signaler qu'elle devait manger un peu plus, elle reprenait d'elle-même son repas. Finalement, elle acheva le repas en ayant jamais autant mangé. Il se leva pour déposer une tendre caresse sur le sommet de son crâne.
-Je suis très fier de toi, Rosa. J'espère que tu te rends compte des progrès que tu fais.
La jeune femme rosit de plaisir à l'entente de ce compliment.
-Je le sais.
-Préfères-tu te reposer un peu pour te remettre du décalage horaire ou veux-tu aller nager un peu ? proposa Aras. Il y a la plage ou une piscine à l'arrière de la villa si tu préfères.
-Oh, je ne sais pas nager, dit-elle amèrement.
Elle manquerait quelque chose en ne pouvant pénétrer dans l'eau cristalline de la côte australienne. Personne n'avait tenté de le lui enseigner et jusqu'à aujourd'hui, ne pas savoir nager ne lui avait jamais posée aucun problème.
-Vraiment ? Je peux t'apprendre et tu pourrais ainsi aller admirer les récifs coralliens au large.
Rosa secoua la tête négativement. Si elle entrait dans l'eau, elle était certaine de couler immédiatement. L'idée même d'essayer durant ces vacances lui donnaient des sueurs froides. L'eau claire jusqu'à la taille seulement lui suffirait amplement, bien que la frustration grandissait en elle. Ce voyage lui donnait de plus en plus envie de partir à la découverte, d'essayer de nouvelles expériences. Plus simplement, elle voulait sortir de son cocon et de sa zone de confort.
L'homme l'observait pensivement, avant d'arriver à la conclusion qu'il valait mieux ne pas insister pour le moment.
L'étrange couple passa alors le reste de l'après-midi sur la plage. Aras avait vite compris que même si son employée ne savait nager, l'océan l'attirait irrémédiablement. Plusieurs heures durant, il avait entendu son doux rire retentir alors qu'elle jouait avec les vagues. Elle avançait quand l'eau reculait, et fuyait quand les vagues la rattrapaient. Le bas de sa robe légère et fleurie était trempé et pourtant, une grâce certaine émanait d'elle tandis qu'elle s'agitait dans tous les sens.
Elle semblait heureuse. Si seulement ces rayons de bonheur sur son visage pouvaient durer pour toujours...
Il sortit de ses pensées quand il se rendit compte qu'elle n'était plus devant lui. Alors qu'il s'alarmait de sa disparition, une gerbe d'eau l'éclaboussa par derrière. Rosa avait rempli d'eau son chapeau et magnifiquement réussi son coup. Elle arborait un fier sourire, les mains croisées innocemment derrière son dos et l'objet du crime dans celles-ci.
Dégoulinant, Aras la fixait d'un regard qu'il espérait sévère. Mais au bout où elle ouvrit la bouche...
-C'était très tentant. Histoire de vérifier que tu n'étais pas transformé en momie.
Peine perdue, Rosa avait déjà perçu la lueur amusée dans ses yeux. Il était trop faible face à elle.
-Mademoiselle Rosa Hatier, détachant bien toutes les syllabes de son nom. Etes-vous une enfant ?
-Il faut croire que oui. Et vous, en êtes-vous resté un, Monsieur Williams ?
Pour seule réponse, Rosa reçut son tee-shirt trempé en pleine face.
Elle réalisa trop tard ce que cela signifiait. Son torse dénudé lui apparaissait pour la première fois et elle sentit le rouge lui monter jusqu'à la pointe des oreilles. Elle ne put s'empêcher de détailler sa peau halée et ses muscles avant de détourner le regard, le cœur battant à tout rompre. Il faut dire qu'elle l'avait bien cherché... Il était tout sauf un enfant.
Aras, satisfait de sa vengeance et surtout de l'effet qu'il avait produit sur elle, saisit son chapeau et le reposa sur la tête de la jeune femme. Manquerait plus qu'elle ait une insolation avec ses bêtises.
D'un accord silencieux, ils se redirigèrent vers la villa. Le soleil descendait dans le ciel. L'heure tant attendue par Aras arrivait à grand pas et il fallait commencer à se préparer. Il espérait que la surprise ravirait sa petite protégée. Rosa allait entrer dans sa chambre quand l'homme dit mystérieusement :
-Il y a une tenue posée sur ton lit. Met-la, s'il-te-plaît. Un bateau vient bientôt nous chercher.

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Effervescence
RomantizmCe qu'elle cherchait, c'était blesser. Mais qui se cache réellement sous cette apparence superficielle et méprisable ? Qui se cache sous cette barrière infranchissable ? A la sortie de l'hôpital psychiatrique où Rosa est internée pour anorexie, la...