Chapitre 1

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À la lumière d'un feu, une femme ferma les rideaux. En regardant par la fenêtre d'un rapide coup d'œil, elle pouvait observer la tempête de neige qui venait de débuter. Bien...

La femme rasa les murs pour fermer une à une toutes les fenêtres de la pièce. Quand cela fut fait, la grande dame ne fut toujours pas rassurée. Ses doigts se crispèrent inconsciemment contre le châle qu'elle portait. Elle espéra que ce chalet au beau milieu des terres des Golems de Glace pourrait les protéger de leurs nombreux ennemis.

Toujours en proie à sa nervosité, elle tripota l'une de ses mèches de cheveux châtains avant de soupirer d'un grand coup pour tenter de s'apaiser. Elle devait garder son sang-froid en ne cédant pas à la panique, pas seulement pour sa sécurité à elle. Cette dernière se permit de s'assoir sur le fauteuil de la pièce pour se réchauffer au coin d'un feu.

La grande femme sortit alors une vieille carte, dessinée sur un bout de parchemin jauni, de sa sacoche qui contenait le strict nécessaire. À l'aide d'un crayon, elle traça une petite croix à l'endroit où elle se trouvait, dans le territoire des Golems de Glaces, aux côtés des nombreuses autres croix déjà tracées sur d'autres territoires.

Elle posa le bout de parchemin sur la petite table près du fauteuil et s'apprêta à mieux s'y concentrer quand soudain un bruit vint troubler le silence ambiant. Ses yeux perçants bruns se tournèrent vers sa source en une vitesse éclair, vers le seuil de la pièce. Deux petits yeux bleus comme des saphirs brillants dans le noir trahirent une présence.

La nouvelle venue n'osa pas bouger pendant quelques secondes, cachée dans le noir, mais, devant la ténacité de la grande femme, le petit être céda à se montrer. Le regard rivé sur le sol, une petite fille s'approcha alors tout doucement, timidement.

Le regard de la femme s'adoucit immédiatement devant l'enfant. Cette dernière avança vers la femme et s'assit en silence sur le fauteuil, sur les genoux de l'adulte. Cette dernière lui sourit et lui demanda.

     - Ma chérie, pourquoi n'es-tu pas encore en train de dormir ? Il est tard, tu vas être fatiguée demain sinon.

La petite fille leva le regard pour croiser celui de sa mère.

      - J'aimerais savoir si on pourra rester ici, soupire l'enfant en ignorant la question. Pourquoi a-t-il fallu que nous quittions les terres des elfes des prés ? J'appréciais la compagnie de Thalia.

Malgré ses six ans, la petite avait déjà une grande maturité par rapport à d'autres enfants de son âge.

      - Je suis désolée, Selena. Mais tu le sais bien pourquoi, je te l'ai répété. Ton père, qui est un homme mauvais, ne doit pas nous retrouver, surtout pas toi. Il a essayé de t'utiliser à ses fins dès ton plus jeune âge, quand il a découvert l'étendue de tes pouvoirs, répondit sa mère en prenant sa petite main.

       - Mais pourquoi tu l'aimais autant si c'est un homme mauvais ?

Andrea, sa mère, sourit pendant quelques secondes devant la question sans gêne de sa petite fille qu'elle aimait tant.

      - Quand je l'ai rencontré, ton père était un bel homme. Il était gentil, ambitieux et passionné. Il rêvait de justice entre les humains et les autres clans, un territoire à nous car il pensait que malgré notre niveau faible de magie, nous méritions mieux. J'ai eu le coup de foudre pour lui et ses grandes et folles idées. Notre amour réciproque a porté ses fruits en nous donnant toi, une magnifique petite fille aux yeux bleus comme son père.

En continuant son histoire, le sourire d'Andrea se fana petit à petit.

      - Quand tu as grandi, tu as développé ce don si spécial. J'étais si fière de toi en te voyant faire. Mais ton père a vu l'arrivée de tes pouvoirs comme le signal pour les hommes de se rebeller contre les autres clans, paisibles et inoffensifs, et de gagner nos terres par le sang. J'appréciais ses idées mais jamais je n'aurais pensé une telle chose, ses idées de conquêtes n'étaient qu'un jeu pour moi. Quand il a voulu t'emmener dans sa folie, notre petite fille d'à peine quatre ans, je l'ai empêché de s'approcher et de là a commencé une violente dispute.

La mère hésita à continuer, connaissant la suite de l'histoire, mais continua sous le regard de sa fille.

      - Alors je me suis enfuie avec toi dans tes bras tandis qu'il jurait de nous retrouver avec l'aide de personnes qui croiraient véritablement à ses projets...

La gorge nouée, Andrea laissa sa phrase en suspens, ces anciens souvenirs étant douloureux à ressortir. En jetant un regard à l'enfant, elle remarqua que celle-ci affichait une mine affligée.

      - Quand tu me dis, j'ai l'impression que c'est moi qui dérange le monde. Tu aimais papa et lui aussi, c'est à cause de moi que tout va mal pour toi et que papa nous traque avec l'aide d'autres hommes.

Cette fois-ci, Andrea enlaça sa fille vigoureusement pour l'empêcher de continuer de parler. La mère gronda.

      - En aucun cas, ce qui nous arrive n'est de ta faute. Ton père, Aric, était déjà fou avec ses idées et j'aurais dû m'en rendre compte avant de le côtoyer. Ma chérie, tu ne dois jamais te dire que tu déranges le monde.

Andrea s'aperçut alors que Selena ne l'écoutait plus. Son regard était perdu dans le vide et sa peau était glacée. Immédiatement, sa mère bondit du fauteuil, laissant la place à sa jeune fille, et se précipita vers l'une des fenêtres.

Elle tira rapidement l'un des rideaux pour regarder le ciel. Malgré la tempête qui faisait rage dehors, la femme parvint à discerner une lumière vive à travers les nuages gris. La Lune.

      - Oh non, pas maintenant...

Elle revint précipitamment vers sa fille et lui enroula son châle autour des épaules. Elle chuchota à Selena tout en essayant de la réchauffer.

      - Tout va bien, ma chérie... Tu m'entends ? Tu peux parler ? Qu'est-ce que tu vois ?

Selena ne lui répondit pas tout de suite. Sa seule réaction fut sa petite main autour de celle de sa mère resserrant sa prise. Cette dernière soupira de soulagement, ce simple geste lui permettait de savoir que sa petite Selena pouvait l'entendre d'où elle était.

Quelques instants passèrent, Andrea attendit patiemment la fin de l'étrange transe de la fillette de six ans. Tout à coup, Selena esquissa un mouvement de recul et un cri puis ses yeux se posèrent sur sa mère, effrayés.

      - J'ai vu des cavaliers dans la neige... Les sabots de leurs chevaux se précipitant à bride abattue... Leurs souffles brulants haletants. Ils arrivaient ici, au chalet. La joie d'avoir atteint leur but se peignait sur leurs visages. Papa menait ses troupes à nous.

En entendant cela, sa mère ne prit plus la peine d'écouter la fin de son récit. Elle avait retenu l'essentiel ; Aric se rapprochait dangereusement de leur refuge et il leur fallait fuir à nouveau. Andrea se saisit leurs affaires encore dans leurs maigres sacoches et les mit sur ses épaules.

Après avoir enfilé rapidement un manteau chaud, Andrea prit Selena dans ses bras et sortit du chalet avec précipitamment. Malgré le froid et le vent violent, la mère continua de marcher courageusement, se frayant un chemin dans de la neige glacée. Elle sentit son enfant grelotter dans ses bras.

La femme persévéra sur sa lancée, la tempête avait déjà engloutit ses empreintes. Elle entendit soudain des sabots au loin. Cachée derrière un arbre, elle aperçut Aric et ses troupes arriver au chalet où elles se trouvaient il y a quelques minutes. D'un baiser sur le front, Andrea remercia sa fille.

Elle s'avança inlassablement dans la neige en espérant qu'elle et sa fille puissent trouver un refuge plus au nord pour échapper aux griffes d'Aric, sur les terres des vampires.

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