Chapitre 69

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Je fus soudainement projetée hors du tourbillon de lumière sans ménagements. Je dus faire plusieurs roulades en l'air avant de me stabiliser pleinement. À force d'avoir tourné indéfiniment dans le cyclone de lumière, je sentis le tournis me brouiller mes sens.

Après que ma nausée soit passée au prix de plusieurs haut-le-cœur, je me rendis compte que je flottais dans les airs, à quelque mètres du sol. Même en examinant de tous les côtés ma position, je ne parvins pas à comprendre ce prodige ; je n'avais pas d'ailes dans le dos, ni autre part et je n'utilisais pas ma magie.

En observant le décor autour de moi, je reconnus la clairière où Amber avait creusé un fossé pour dormir, que j'avais vu à travers les yeux de cette dernière. Je retrouvais même le fameux fossé où elle avait passé la nuit. Cette découverte me fit sourire ; même si je semblais voler d'une façon inconnue, j'étais revenue dans le monde matériel ! 

Cependant, en levant la tête pour tenter d'apercevoir le soleil et connaitre approximativement l'heure, je vis alors que le ciel était devenu gris, comme encombré de nuages. Sans m'alarmer, je rebaissais les yeux quand je m'aperçus de l'absence du chant des oiseaux. J'étais près de la forêt et il était impossible de les faire taire en journée.

Un peu intriguée, j'essayai de détecter le moindre bruit, me signalant la présence d'un animal mais rien ne vint, pas même la plus petite brise. Amber avait-elle décimé toute la population qui habitait cette forêt ?

En repensant à la sorcière, je tournai le regard vers le fossé mais ne vis pas la dragonne rouge. Sûrement déjà partie à la recherche d'autres troupes ennemies à massacrer. Sans me préoccuper de sa disparition, je me souvins que je n'avais pas manger depuis la fête en mon arrivée chez les créatures garous.

N'ayant pas l'envie, je me décidai quand même à manger un fruit par pur devoir de survie. Je réussis à léviter jusqu'à un arbre dont les banatines juteuses pendaient aux branches. Mue d'une envie incontrôlable de sentir le jus sucré sur ma langue, je tendis la main vers le fruit le plus proche, aidé de ma lévitation.  

Mais quand ma main se referma pour attraper le fruit, mes doigts ne rencontrèrent que du vide. Incrédule, je regardai ma main. Elle avait tout bonnement traversé la banatine. Je recommençai à maintes reprises mais le résultat était le même, il m'était incapable de toucher le fruit de ma main.

Prise d'une idée ridicule, j'essayai de mordre dans la chair sucrée du fruit encore attaché à la branche mais encore une fois, mes dents se refermèrent sur elles mêmes. Ne perdant pas espoir, je m'aventurai dans la forêt à la recherche d'autre nourriture mais je ne pus en cueillir aucun. Je fus sidérée face à la dure vérité, il m'était impossible de toucher quelque chose physiquement. 

Je réfléchis calmement en essayant de ne pas tomber dans une panique totale. Il y avait une explication à cela. Je repensai aux derniers mots de Amber, "âme errante" avait-elle dit sans que je puisse comprendre.

À ce que je connaissais sur les âmes errantes, d'après le peu d'écrits les mentionnant, il était dit que ces dernières étaient l'âme de personnes cherchant une place qui était la leur dans le monde. Dans mon cas, la place qui était la mienne dans ce monde était.. mon corps originel !

Je hoquetai de surprise en comprenant cela, bien sûr, c'était évident ! Le fait que je lévite, que je ne puisse pas attraper de banatines... C'était seulement mon esprit qui avait été rejeté de la tête de Amber car seul lui été rentré dedans. J'avais été bête de penser que si je me libérais, tout rentrerai dans l'ordre comme par magie. Mon corps physique était toujours près de l'arbre de pierre, chez les dragons, et il me fallait le rejoindre pour me retrouver toute entière.

Je tournai la tête de droite à gauche, je devais me repérer pour ensuite trouver mon chemin jusqu'à la Plaine fusion, chez les dragons. Mais comment me situer quand il n'y avait que des arbres autour ?

Avançant hasardeusement dans une direction, je me mis en route. Sur mon chemin, je ne croisai aucune âme qui vive, pas même le moindre escadron de soldats, uniquement la nature et sa végétation verdoyante. Volant paresseusement au dessus du sol, je continuai sans même entendre le moindre oiseau chanter. À force, ç'en devenait sinistre et effrayant.

En levant le nez, je ne vis que le ciel, encore embrumé de nuage, qui semblait n'avoir pas changé depuis que je m'étais libérée. Impossible de savoir l'heure, il me fallait me fier à ma notion du temps. Au bout d'une heure, je crois, à voler dans cette direction, je décidai de changer de méthode. Je ne pouvais pas me laisser flotter dans toutes les directions jusqu'à espérer arriver chez les dragons.

Le mot "flotter" se répéta dans mes oreilles puis une idée jaillit de mon esprit. Je pouvais voler alors autant en abuser. En me concentrant, je parvins à me faire élever petit à petit, centimètre par centimètre. Quelques instants plus tard, j'étais plus haute que la cime des arbres autour de moi et une vue s'offrit à moi.

Je me tournai dans toutes les directions pour tenter de reconnaitre quelques chose. La forêt que je parcourais s'arrêtait à quelque kilomètres de là, sur un plateau aride et stérile, dépourvu de nature. Au bout de celui-ci se trouvait au loin une mer déchainée qui s'écrasait sur ses falaises.

Je reconnus immédiatement les Falaises du Désespoir, et ses terres stériles. Là-bas, la pratique magique y était plus difficile comme si Seachain avait délaissé exprès cette parcelle de terre. Les humains, pourtant prêts à tout pour un territoire, avaient même refusé d'y vivre à cause de son inhospitalité et de sa mer agitée, la mer d'Ipar.

Ces falaises se trouvaient à l'est du territoire féerique, qui se trouvait au nord de celui des dragons. J'avais pris la mauvaise direction depuis le début. Aussitôt, je rebroussai chemin en m'orientant bien vers les hautes montagnes des dragons, qui se distinguaient à l'horizon.

Profitant de ma hauteur et de l'absence d'obstacle, je m'envolai en direction des hauts plateaux. Survolant le territoire des fées puis celui des métamorphes, je m'étonnai en ne voyant personne vu d'en haut. Je voyais bien leur château et leur palais respectifs mais aucune trace de troupes ou d'habitants.

Tandis que je survolais les terres des créatures garous, je ne résistai pas à l'envie de revoir Daniel. Tout le temps dans la tête de Amber m'avait faire comprendre combien il comptait pour moi. L'envie de le revoir et de le sentir me serrer dans ses bras me donnait des papillons dans le ventre.

Je descendis dans la forêt mais comme chez les fées, un silence inquiétant l'occupait. Revenue à une lévitation d'un mètre, j'inspectai la forêt à la recherche d'un garou, criant à tue-tête cherchant une réponse mais une fois encore personne ne répondit. Agacée par la disparition de tout le monde, je pris la direction dans la demeure des Loups, là où j'étais sûre de trouver quelqu'un ; Daniel, Firmin, Oscar... ou même Louis.

Quand je fus face à la grande maison, mes maigres espoirs s'envolèrent. Je n'avais pas besoin d'entrer dedans pour savoir que je ne trouverai personne. Dépitée, je rentrai par l'une des portes toujours ouverte et me retrouvai dans la salle commune, désespérément vide sans ses occupants. Derrière, la cuisine semblait être dans le même état.

Ne m'attardant pas sur la pièce, je montais à l'étage, retrouver ma chambre. Mais contrairement à ce que je voulais, ma lévitation me dirigea automatiquement vers la chambre de Daniel comme un aimant. Je n'eus pas le temps d'arrêter mon vol pour ouvrir la porte que déjà, je la franchissais. Je l'avais traversée. J'avais oublié que je n'avais plus de corps physique alors rien ne m'arrêtait.

Une fois entré dans la chambre de mon âme sœur, je laissai mon regard se balader dans la pièce et remarquait qu'elle n'avait pas grand chose d'extraordinaire, pas plus ordinaire qu'une autre. Un lit assez grand, une table de nuit, une armoire... Pourtant, je m'y sentais plus apaisée. Comme si je sentais la présence de Daniel à mes côtés.

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