Chapitre 70

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Au bout d'une durée indéterminée, (peut-être quelques heures, des jours) je me réveillai d'une sieste. En vérité, je n'avais pas eu le réel besoin de repos mais ce sentiment de sécurité m'avait bercée doucement vers un sommeil léger. J'avais alors laissé tomber mes paupières, le cœur empli de doute sur ma situation d'âme errante.

Clignant quelque fois des yeux, je me relevai de ma position allongée, toujours en apesanteur à un mètre du sol. Lors que je pensai revenir ici, c'était pour retrouver un semblant de famille en revoyant Daniel, Firmin et Oscar pour m'excuser d'avoir foncer tête baissée vers le piège de Amber où je m'étais empêtrée comme une mouche sur une toile d'araignée. Mais, au lieu des retrouvailles émouvante avec mon âme sœur et mes amis, je me retrouvais désespérément seule.

Dans le ciel, ce paysage gris de nuages n'avait pas changé depuis mon arrivée, la nuit n'avait pas fait son apparition, tout comme le soleil. C'était comme si je n'étais pas vraiment dans Seachain, mais pourtant, chaque chose, arbre, mer, maison, château... était à sa place, comme à la veille de mon départ. Seulement, tout cela était vide, Seachain avait perdu ses habitants.

Mais il ne fallait pas perdre espoir, je devais rejoindre la Plaine Fusion pour retrouver mon corps et tout rentrerai dans l'ordre. Ne resterait plus que le problème Amber. Peut-être que ma condition d'âme errante m'empêchait de voir les autres peut-être juste à côté de moi.

Un peu plus remotivée, je me décidai enfin à sortir de la chambre de Daniel et prendre la direction du territoire des dragons. Grâce à ce mystérieux pouvoir de lévitation, je n'avais plus le problème de me perdre dans la forêt. Il me fallait juste jeter un petit coup d'œil au dessus des arbres pour bien me diriger vers le territoire des dragons, ce qui me facilitait grandement la tâche.

En deux heures au moins, je parvins sur les terres brûlantes des dragons. Je fus soulagée de ne pas sentir de différence entre ce territoire là et les autres, ça aurait été un problème pour aller sur la Plaine Fusion, faute de ne pas avoir de corps pour enfiler la tenue d'écailles protectrices. Je vis à l'horizon la silhouette titanesque du Château d'Obsidienne et me dirigeai de suite vers cette dernière.

Flotter jusqu'à là-bas me pris tout de même un bon petit moment mais bientôt, le gigantesque château de pierre sombre se tenait devant moi. Ne prenant pas le temps de chercher une ouverture par laquelle passer, je fonçai droit devant moi, vers la porte fermée de l'entrée principale.

Comme je mis attendait, mon corps immatériel ne fut pas arrêté par la lourde porte et la traversa sans difficulté. Comme quoi, il fallait tirer des avantages des pires situations. Traversant tour à tour les différentes pièces du palais, je ne vis personne. Même avec la majorité des dragons aux combats, il y aurait dû avoir quelque dragons ici, comme Hypérion ou son garde du corps, Matelas.

D'un soupir las, je sortis du château, prenant la direction de l'ancienne prison de Amber. En dépit de mon absence de fatigue et ma protection contre la température de feu de ce lieu, je sentis un autre problème m'envahir. L'ennui.

La première fois que j'étais venue, Hypérion avait filé si vite vers le cachot de sa demie sœur que j'avais pensé que, moi aussi, j'y parviendrai en quelque minutes. Mais les minutes défilèrent ainsi que les heures et toujours aucune trace de l'ancienne grotte de la princesse déchue. J'enrageais contre cet échec quand je me sentis prise dans un état léthargique. 

Sans que je m'en rende compte, mes jambes s'étaient recroquevillées sur moi-même contre mon buste et mon dos se courbait ; je me retrouvais en position fœtale. Je sentis la fatigue me prendre peu à peu mes membres. Je remarquais que je grelottais faiblement, comme si un froid invisible me prenait. Quand je vis mes paupières commencer à tomber d'elles-même, je me forçai à rester éveillée.

Non, je ne devais pas me laisser envahir. J'avais comme le pressentiment que si je fermai mes yeux maintenant, ce serait pour toujours. Je luttais contre cet espèce de sommeil mais impossible de résister. Impuissante, je regardai mes paupières se fermer doucement et me laissai tomber dans un sommeil léger.

Combien de temps restai-je dans cet état avant que je sente une douce chaleur se propager dans mon dos ? Je ne sais pas. Cette étrange ardeur sembla faire fondre le froid qui m'entourait et bientôt, je retrouvais ma force et mon énergie. Comme si on m'avait insufflé du feu en moi. Mais ce ne fut pas le premier miracle.

Tandis qu'un feu inconnu brûlait en moi, je baissai les yeux et vis une trace encore fumante écrite sur le sol. Un dessin de flèche pointant une direction. Sans prendre le temps de comprendre, je relevai la tête dans la direction indiquée et vis une petite butte à quelque dizaines de mètres de moi. La prison de Amber !

Folle de joie, je volai dans la direction proposée tout en pensant que j'avais un ange gardien qui veillait en ce moment sur moi. Mais mon bonheur soudain fondit comme neige au soleil alors que je m'approchais du monticule aperçu.

Ce dernier n'était plus que décombres et gravats, presque invisible sur la vaste étendue de la Plaine Fusion. Sous mes yeux se trouvait la geôle de Amber, détruite de toutes parts. Amber avait complètement anéanti ce qu'était sa prison pour que personne l'y enferme à nouveau un jour. Il restait de-ci, de-là des morceaux de la magnifique sculpture qu'était l'arbre de pierre ou des runes encore visibles sur quelques pierres mais rien qui tenait debout.

Pire encore, mon corps ne se trouvait pas parmi les ruines. S'il avait été écrasé par les pierres, j'aurais encore pu le retrouver ici mais là, rien. Quelqu'un avait volé mon corps ! Le seul moyen pour moi de retrouver le monde normal !

Alors que je m'apitoyais sur la perte de mon corps physique, je perçus une présence derrière moi. D'un mouvement brusque, je fis volteface, ce qui fit fuir la personne. Je regrettais immédiatement mon attitude agressive, c'était la première personne que je trouvais depuis que je m'étais libérée de l'esprit de Amber et avec qui je pouvais enfin parler et je la déjà faisais fuir.

En essayant de la rattraper, je lui criai.

     - Attends là ! Je ne veux pas te faire du mal. Je suis désolée de t'avoir fait peur !

Mais déjà, la silhouette s'enfuyait au loin. Aussitôt, je la pris en filature le plus rapidement possible, n'ayant plus rien à faire ici. Je pensai la dépasser pour ensuite pouvoir l'arrêter mais ç'a aurait été trop beau pour être vrai. J'arrivai à peine à la suivre, à chaque fois que j'entre-apercevais son ombre, elle fuyait de nouveau.

Ce petit jeu du chat et de la souris dura de nombreuses heures, heureusement, grâce au feu qui brûlait maintenant en moi, je parvins à tenir le rythme. La personne ne semblait pas disposée à me rencontrer ni à me voir mais je m'obstinais, elle était la seule personne que je voyais depuis des siècles. À chaque fois que je perdais sa trace, je retrouvais toujours une trace un peu brulée au sol, comme brûlée par du feu.

Ces traces étaient certainement laissées intentionnellement pour moi, ce qui me prouvait que le ou la fuyarde souhaitait tout de même que je la suive. Pendant les heures qui passèrent, les paysages défilèrent successivement mais je ne pris pas le temps de les voir, trop occupée à garder les yeux rivés sur mon fugitif.

Au bout d'un nombre d'heures inconnu, l'ombre sembla ralentir le pas avant de s'arrêter. Je pus enfin souffler en découvris le paysage qui m'entourait. J'étais au pied d'un lac, un immense lac. Couvert sur plusieurs côtés de nénuphars et avec cette ambiance douce et chaleureuse, j'y étais venue avec un ami. Le Lac aux Sirènes. À l'autre bout de Seachain du territoire des dragons.

Je remarquai la disparition de mon fuyard. Alors que je fouillais les abords du lac des yeux, je sentis à nouveau une présence derrière moi. Je fis demi-tour, sans trop de mouvements vifs, et vit alors les étranges entités face à moi.

Des corps de magie originelle pure. Une aura lumineuse. Des formes d'aigle ou de dragon de Komodo formées de fils entrecroisés de lumière.

Je restais subjuguée devant cette rencontre avec ces êtres de puissance, ouvrant béatement la bouche. Mais avant que je puisse dire quelque chose, l'entité à la forme d'aigle parla avant moi.

     - Bonjour, Selena, nous t'attendions. Nous sommes des Élémentaires.

Un don lunaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant