Chapitre 1: Que le jeu commence

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Gabriel

L'hôtel datait de la Belle Époque et avait conservé ses grands miroirs et ses moulures typiques de cette période. Il possédait de magnifiques suites, un restaurant renommé et un bar aux tables rondes entourées de fauteuils en velours vieux rose. Je me sentais comme un roi dans son palais.

Sortant de l'ascenseur, le miroir me renvoya un reflet parfait : celui d'un homme élancé dans un costume sombre. Perfectionniste, je l'avais fait faire sur-mesure pour cette occasion. Je replaçai une mèche brune. Satisfait de mon allure, je me dirigeai d'un pas assuré vers le bar de l'établissement, le plus prestigieux et sélect de la ville.

Un simple regard me suffit à confirmer mon statut de loup. Tous étaient des agneaux ignorant leur infériorité. Cet homme avalait du whisky sans comprendre les subtilités de ce liquide brun. Chaque gorgée lui coûtait une fortune qu'il était incapable de déguster, juste bon à payer ce verre qu'il ne méritait pas de toucher. Pauvre inculte ! De l'autre côté de la pièce, un autre riait bruyamment. Son attitude était pathétique et grossière à la fois. Ses doigts boudinés  reposaient sur son ventre proéminent tels des phoques échoués sur une banquise. Affligeant !

Mais moi, Gabriel Keys, trente-cinq ans, j'étais bien au-dessus de ces pauvres âmes errantes. Je n'étais pas là pour briller. J'étais parmi ceux qui rendaient cet endroit fréquentable. J'offrais de la gloire, de l'espoir à ces pauvres êtres affamés de rêve. À la tête d'une des plus grosses entreprises de ce pays, j'étais de cette nouvelle génération aux dents longues, et au sourire ravageur. J'étais l'avenir de ce pays. J'étais...

Comme convenu, elle était là, mais bien différente de la description donnée par mon assistante. Il faut dire que Sasha avait grincé des dents en préparant cette soirée. Elle aurait souhaité m'accompagner, mais ce n'était pas envisageable. Je n'étais pas encore libre de prendre toutes les décisions dans cette entreprise. Cet après-midi encore, j'avais pourtant redemandé à l'avoir à mes côtés. Par le biais de ma soeur aînée, mon père avait réitéré son refus sans prendre la peine de m'appeler.

Cependant, ce soir, je me félicitais de sa décision. Ma partenaire d'un soir était exquise.

Elle devait être brune. Elle illuminait la pièce de sa blondeur. Assise sur un tabouret du bar, ses longues jambes croisées sur le côté, elle patientait. J'étais en retard, un contretemps volontaire afin d'épuiser ses réserves de patience, de provoquer son départ, et de me retrouver seul. Ce stratagème, un peu enfantin je l'avoue, aurait dû me permettre d'obtenir ce que je voulais : appeler ma jolie Sasha pour venir assister à ce dîner ennuyeux et plus si affinités.

La jeune femme blonde était ponctuelle. Je m'en étais assuré auprès de l'accueil de l'hôtel. Rien ne démontrait qu'elle attendait depuis une heure. Ses longs cheveux lisses étaient retenus en tresse, et caressaient sa poitrine scandaleusement provocante. La taille de bonnet de son soutien-gorge devenait, de manière surprenante, une des questions les plus importantes de ce début de soirée. Sa robe blanche laissait imaginer ses courbes tout en me cachant sadiquement, les plus intéressantes. Sans aucune volonté propre, ma tête se pencha sur le côté comme si ce geste pouvait la dévêtir. Quand elle tourna délicatement le visage, son regard vert me transperça.

Ses yeux émeraude jetèrent un vent froid sur mes désirs, déposant un frisson désagréable sur ma nuque. Elle m'avait frappé sans me toucher, remis à ma place sans un mot. Vexé de son pouvoir castrateur, je ne fis aucun geste vers elle quand la jeune femme, d'une trentaine d'année, s'approcha. Sa démarche féline et féminine me fit comprendre qu'un autre prédateur venait d'entrer dans l'arène. Je n'étais plus seul. Les regards des hommes se fixèrent sur cette créature envoûtante. Elle les ignorait. Elle me tendit une main douce et ferme. Son regard hypnotique scellé au mien, elle se présenta d'une voix sensuelle avec un très faible accent français.

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