Chapitre 4: Entrée dans l'arène

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Camille

La limousine traversa les champs de canne à sucre puis emprunta une route côtière. Elle passa sous un porche annonçant que nous venions de rentrer dans un quartier résidentiel : la Casa De Campo. Un gardien fit signe au chauffeur d'avancer afin que le véhicule puisse continuer sans s'arrêter. La zone était sous surveillance. De part et d'autre du véhicule se dressait une palmeraie sur un kilomètre. Un panneau dissuadait les personnes de s'y promener :Risque de chute de noix de coco. Malgré l'heure matinale, il faisait déjà jour.

La voiture se gara devant une bâtisse de deux étages. Quelques marches conduisaient à une porte austère à deux pans, en bois d'ébène. Elle s'ouvrit sur un domestique en costume noir. Gabriel me prit la main, me signifiant ainsi le top départ de mon improvisation. J'affichai aussitôt un sourire de circonstance.

- Bonjour, Monsieur Gabriel, avez-vous fait bon voyage ? s'inquiéta le majordome.

— Tout fut parfait, James, dit-il en me regardant amoureusement. 

Quel acteur ! Monsieur Keys venait d'obtenir des points bonus auprès de moi. Finalement, cet homme avait quelques atouts dans son sac. James me salua avec un respect moyenâgeux. Grand-Pa l'adorerait.

- Dois-je préparer une chambre d'ami, Monsieur ?

- Camille restera avec moi, dit-il en m'enlaçant tendrement, et nous nous installerons au pavillon. Raphaël n'est pas arrivé ?

- Non, Monsieur, répondit-il sèchement puis, continuant plus pour lui que pour le fils de son employeur, je vais devoir mettre à disposition les pansements et l'arnica.

Je fronçai les sourcils. Un petit rire enfantin sortit des lèvres de Gabriel. Quelque chose m'échappait. Le chauffeur déposa les valises dans l'entrée. Avec énervement, Gabriel nota mes deux valises : deux valises pour trois jours.

- Je ne connaissais pas la destination de notre voyage, lui expliquai-je.

Sans nous arrêter, nous traversions la demeure. L'homme d'affaires était pressé. Il ne semblait pas se soucier que je méconnaisse les lieux. Heureusement que je ne l'avais pas attendu pour apprendre chaque emplacement, chaque recoin de cette demeure familiale. Mes espions avaient réalisé tout un book de cet antre fabuleux. Les photos n'étaient cependant pas à la hauteur de cette maison. Elle était décorée avec goût. Un piano à queue trônait dans la pièce principale. Au-dessus de la cheminée, plus décorative qu'utile, le portrait d'une femme blonde aux yeux marron profonds m'observait. Elle se tenait droite dans une robe rouge, similaire à celle que j'avais apportée dans mes valises. Même si je n'avais jamais rencontré le modèle, j'avais cette impression d'avoir déjà croisé ce regard. Il était hypnotique et apaisant. De grandes baies vitrées m'invitaient à découvrir une nature luxuriante baignée par le chant matinal des oiseaux. C'était une des plus belles musiques à ma connaissance.

Nous arrivâmes sur la terrasse et je stoppai ma course. La vue était époustouflante. Gabriel était aveugle à tout ce charme. La piscine à débordement donnait l'impression de se jeter dans la mer caraïbe. Le soleil naissant réveillait les couleurs turquoise de ces eaux calmes. Des palmiers éventails dansaient doucement dans le vent doux. Les bougainvilliers étaient noyés sous leurs fleurs roses. La pelouse entretenue donnait envie de marcher pieds nus. À droite, un lit à baldaquin en fer forgé agitait ses voiles blancs dans une douce brise, nous invitant à l'oisiveté. Un pavillon inspiré du style colonial se dressait à ma gauche. Gabriel y était entré sans un regard en arrière. Je descendis les quelques marches et m'assis pour admirer le paysage. Je fermai les yeux, offrant mon visage au ciel. J'humai l'air marin. J'en remplis mes poumons dans une grande inspiration. Je me concentrai pour entendre au loin les vagues qui caressaient la plage privée des Keys. J'entendais à peine la mer, à peine un murmure mais je la ressentais. Elle m'appelait. J'avais toujours été attirée par cette surface en apparence si calme. Je pouvais passer des heures à la contempler. Elle m'apaisait.

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