Chapitre 34- Contre coup

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Camille

Enfin, je quitte le centre. Mon bas ventre me tiraille. Un mal de crâne me tient compagnie depuis plusieurs heures. Prévenant comme toujours, Gabriel m'a envoyé un plateau repas digne des meilleurs restaurants. Il va vraiment finir par rendre jaloux Sasha. Je l'ai partagé avec Lucas qui est resté gourmand.

Cependant, son estomac s'est beaucoup rétréci et cela s'apparentait plus à de la becquée. Son transit est au ralenti. Le médecin reste très prudent. Mon petit frère bégaie beaucoup et son bras gauche est paralysé. La rééducation sera essentielle. Ses jambes répondent aux stimuli. Ils n'ont pas encore déterminé si sa perte de mémoire sera définitive ou temporaire. Il ne sait pas qui je suis, mais sa confiance en Alexia et moi est plutôt bon signe.

Dans la voiture, Rémi, mon responsable sécurité, me lance des regards inquiets. Mon teint blafard ne passe pas inaperçu. En descendant, mon reflet dans le miroir de l'ascenseur m'a effrayée. Je me suis allongée sur la banquette arrière de la limousine, position que je ne prends jamais. Mon éducation me l'a toujours interdit. Je dois toujours me tenir droite, quelles que soient les circonstances.

Rémi est chargé de ma protection depuis quatre mois, depuis la République Dominicaine. L'autoradio diffuse une musique douce. Je m'endors.

Des cris me réveillent. Quelqu'un me porte. Beaucoup trop de bruit autour de moi ! La voix de Grand-Pa hurle et martèle mon crâne. Je suis déposée dans mon lit de petite fille. Il est moelleux, sent bon. Je suis à l'abri. Une main flétrie et bienveillante caresse mon front. Je respire son parfum réconfortant. Il me gronde.

- Ma Rose, qu'as-tu fait ?

La douleur irradie mon bas ventre. Un cri surgit entre mes lèvres.

- Monsieur le Duc, elle saigne.

Une grande fatigue s'installe dans tout mon corps. Je veux dormir. Laissez-moi en paix ! Le noir m'envahit peu à peu mais je n'ai plus peur. Grand-Pa est là. Il a toujours su quoi faire. Je dois juste lui dire.

- Active le plan !

- Petite sotte. Je vais d'abord vous sauver, ton bâtard et toi, avant de m'occuper de toute ta petite meute.

J'ai toujours aimé les mots réconfortants et chaleureux de mon grand-père. Si je n'avais pas tant mal, je m'amuserais à lui renvoyer quelques déclarations bien senties. Lui rappeler que mes parents ne sont pas mariés donc techniquement, j'en suis une bâtarde moi-aussi. Que c'est un vieux con, mais un vieux con que j'aime malgré tout.

- Ils sont tous là ? m'inquiété-je.

- Il y a tellement de monde sur mes terres qu'on se croirait à Paris. Tu sais, mauvaise graine, la lilliputienne a même ramené ton foutu chat.

Ressentant le besoin de m'accrocher à lui, je m'agrippe à sa main ridée mais cependant, douce. Je pense qu'il va la retirer car nous ne sommes pas seuls. Mais il me laisse faire. Je dois vraiment avoir une sale mine pour qu'il accepte ce contact en public. Péniblement, j'ouvre les yeux. Mes paupières me paraissent lourdes. J'aperçois au seuil de la porte Gabriel, furieux, et Raphaël, anxieux. Aucun des deux n'a été autorisé à rentrer dans ma chambre. La règle perdure, même en pleine crise. Un homme ne rentre pas dans la chambre d'une femme, sauf si c'est la sienne. Pour les dissuader de forcer le barrage, Boss, le Fila Brasileiro du Duc, monte la garde. Sa présence me réveille.

- Attention, si ton obèse de clébard gobe Léo, j'en fais une descente de lit, menacé-je.

- Si Lucifer touche un poil de Boss, je lui arrache ses griffes.

Sa répartie est bien présente mais ses yeux ne lancent pas ses éclairs habituels. Il n'arrive pas à cacher son inquiétude.

Grand-Pa, si fier, paraît pour une fois perdu. Je voudrais le rassurer, lui dire qu'il peut demander de l'aide à Gabriel qui a déjà connu une crise similaire. La douleur ne m'aide pas à exprimer mes pensées. Épuisée, le sommeil s'invite en force.

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