Chapitre 17- (2/2)

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Camille

Ma robe n'avait pas apprécié nos ébats. Avant de le quitter, je lui fis promettre de retourner à la fête. Je n'avais que dix minutes pour me changer. Avec l'aide d'Hannah, j'enfilai une robe longue rouge sang à bretelle fine.

Sans aucun commentaire, mon amie recouvrit avec du fond de teint les morsures et suçons dans mon dos que ce vêtement ne cachait plus. Pendant que je faisais une retouche maquillage, en silence, Hannah brossa mes longs cheveux. Ils retombèrent comme un voile de soie sur mon dos nu. Dans les délais, nous sortions du pavillon et retournions à la soirée au moment où les maîtres du feu finissaient leur show.

Aron m'observa arriver et ne cessa sa contemplation que quand je vins m'assoir à ses côtés.

— Toujours pas en blanc, Camille ! reprocha-t-il sévèrement.

El toro était redevenu froid. La couleur de ma robe n'y était pas pour rien. Elle était la copie conforme de la tenue d'Elena à leur rencontre. Une robe, qui selon les tabloïdes de l'époque, l'avait rendu fou.

— Toujours aussi belle, complimenta Gabriel dont l'ivresse était joyeuse. Moi, je t'aime en blanc, noir, rouge mais pas quand tu es rouge de colère. Tu es chiante quand tu es comme ça.

— Dois-je te dire merci ou dois-je quitter la table rouge de colère ?

— Je ne suis pas d'accord avec toi, mon frère. Camille est splendide dans toutes ces nuances.

Je levai les yeux vers le nouveau venu. Il avait remis lui-aussi un peu d'ordre dans sa tenue. Il était magnifique et son regard sur moi me comblait de joie.

— Et vous, Camille ? s'amusa El toro. Quelle nuance de Keys préférez-vous ? J'ai hâte de savoir si vous avez fait enfin votre choix ou si vous allez continuer à explorer toutes ces couleurs.

J'avalai de travers ma salive et me mis à tousser bruyamment. Le patriarche venait réellement de me parler d'un plan à trois. M'avait-il vu rejoindre son plus jeune fils ? Aron éclata de rire, ce qui ne lui arrivait pratiquement jamais.

— Aurais-je choqué ma future belle-fille ?

Raphaël n'apprécia pas les propos de son père. Il s'apprêtait à nouveau à partir quand la guitare fit raisonner les premières notes d'une musique de Tango, cette musique unique qui nous liait. Revenant sur sa décision, il s'approcha de moi et me tendit la main. Hypnotisée par son regard, je l'accompagnai sur la piste de danse. Dans un abrazo, il prit ma taille et m'enlaça. Lentement, je posai ma main dans la sienne. Face à face, nous restâmes immobiles, puis nos pas glissèrent sur le parquet dans un jeu de miroir parfait.

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Aron

Sous mes yeux, Camille et Raphaël évoluaient sur la piste de danse. Elle le laissa la guider en douceur. Un accordéon vint langoureusement accompagner la guitare. Le son des deux instruments se mêlait puis s'éloignait comme les deux danseurs face à moi. Les notes devenaient aiguës à la limite du supportable. Les percussions mirent fin à cette octave assassine. « Libertango » ne se cachait plus. Il explosait sur ma peau, se déversait dans mes entrailles. Le rythme s'accéléra. Le couple semblait voler au-dessus de la piste dans une suite enchaînée de pas, sans jamais se quitter des yeux. La robe de Camille enlaçait les jambes de Raphaël. Un bref instant, je me trouvais fier de mon fils, de cette aura particulière. Je ne savais pas que mon benjamin dansait aussi bien. Les cheveux de Camille voltigeaient, créant un halo de lumière autour d'eux. Raphaël tentait de dompter la louve. Ses hanches, ses jambes le frôlaient. Elle était tellement sauvage. Il la faisait tournoyer mais elle ne vacillait pas, tenait la cadence endiablée, se permettait même des adornos. Elle le défiait, insoumise.

Cette scène me rappela douloureusement la rencontre avec ma femme. Elle était belle, magnifique mais venue avec un autre. Camille était tout ça. J'étais tombé amoureux d'Elena au premier regard. Et voilà que l'histoire se répétait sous mes yeux.

Aurait-il une vie aussi triste que la mienne ? Leur ferait-on payer leur amour comme le destin l'avait fait pour nous ? La vie nous avait tout donné et puis, nous avait pris Michelle. Je serrai les dents pour endiguer ce flot de mauvais souvenirs.

Michelle, notre bébé, notre ange ! Je portais encore aujourd'hui sa perte. Et cette fille débarquait, aussi blonde que l'était ma fille. Elle aurait eu son âge si elle avait été encore parmi nous. Elle aurait été à notre table, riant, s'amusant mais la vie en avait décidé autrement.

Pour survivre, pour ne pas étouffer, je chassai cette idée mais le rouge de cette robe me rendait fou. Je n'étais plus là mais bien des années en arrière, dans les bras de ma femme, le jour de notre rencontre. Je desserrai mon nœud papillon et ouvris rageusement mon col. Dans les bras de Raphaël, Camille dansait, enchaînait les pas. L'amour déraisonné qu'il lui portait le rendait magnifique.

J'avais été aussi le plus beau des hommes dans les bras de ma femme. Les yeux dans le vague, je n'aperçus pas mon gâteau d'anniversaire s'approcher. Tous les regards étaient tournés vers l'énorme pièce montée blanche aux soixante-cinq bougies, mais moi, je regardais ce couple interdit se fondre dans l'ombre pour s'enlacer passionnément celant ainsi leur trahison.

Le destin se moquait donc encore de la famille Keys. 

Quels tourments les deux frères allaient-ils connaître ? Cela pouvait nous anéantir et pourtant, j'avais du mal à en vouloir à la française. Elena et moi avions brisé nos familles respectives par amour. Jamais je ne regretterais mon choix. Et pourtant, j'étais persuadé qu'on m'avait retiré Michelle pour avoir rompu mon serment de mariage.

À l'abri des regards, le couple avait rejoint les coulisses. Dans un geste tendre, Camille se lova contre son épaule. Protecteur, il l'enlaça. Les yeux brillants de mon fils s'amarrèrent aux miens. Il me défiait du regard. Pour la première fois de ma vie, j'abdiquai. Je levai mon verre de Whiskey vers lui. 

Puis, me détournant, sourire conventionnel aux lèvres, je fis face à mes invités qui me chantaient « Joyeux anniversaire ». Devant eux, je fis ce que je savais le mieux faire :

« Jouer les apparences ! »

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Que penses tu de l'ambiguïté de El Toro ? Il déteste autant qu'il aime Raphaël. Il accepte que son benjamin vole la femme de son ainé.

Notre couple aime jouer avec le feu.❤️‍🔥 Ils me font penser à deux papillons attirés par la flamme d'une torche un peu trop violente pour eux. Comment imagines-tu la suite pour eux ?

Attention ! L'étau se resserre. Le temps est compté. Notre voyage arrive bientôt à sa fin. 

On se rejoint au prochain chapitre.

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