Chapitre 1- (2/2)

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 Camille

Ne laissant rien au hasard, je me renseignais toujours sur les personnes que je rencontrais. Tout était calculé, sous contrôle. Monsieur et Madame Marceau n'avaient pas échappé à mes informateurs.

Madame Marceau, petite dame ronde d'une cinquantaine d'année, accompagnait maladroitement son vaniteux époux. Le regard fuyant, elle se sentit déstabilisée quand nos yeux se croisèrent. Son malaise était palpable. Selon mes sources, son mari avait refusé qu'elle porte une robe bleu nuit évasée. Se présentant à moi affublée d'une robe satin rose, elle ressemblait à un bonbon gélatineux, écoeurant. Elle avait mis un rouge à lèvre criard qui, certainement, laisserait des traces sur sa dentition anarchique. Malgré son poids, elle essayait vainement de devenir invisible. Elle se sentait laide, et ainsi habillée, personne n'aurait osé dire le contraire.

Quel gachis ! Elle avait encore dû céder à son mari. Il avait choisi sa tenue en fonction du prix que cela lui avait coûté et non de l'effet que cela produirait. La robe haute couture justifiait le ridicule de sa triste épouse. Le collier qu'elle portait lui égratignait le cou. Des rougeurs apparaissaient sur sa peau délicate. Ayant détaché ses cheveux roux afin que le bijou paraisse moins imposant, elle n'avait pas réussi à le rendre discret pour autant.

La modestie naturelle d'Aline Marceau amplifiait sa gêne, et le masque qu'elle devait porter pour son arrogant mari lui coûtait chaque jour un peu plus. Mais que faisait-elle avec lui ?

Il avait été son seul amour, son seul amant, alors elle le suivait même si chaque jour, ses pas devenaient de plus en plus lourds. Devant elle, se tenant droit, il la distançait sans se préoccuper si elle le suivait. Il n'avait aucun doute sur l'attachement de sa femme envers lui.

Mais n'y a-t-il pas mille façons de tromper son mari ? Un regard à un inconnu, la lecture d'un roman qui vous fait voir autre chose, un film qui vous donne l'envie de découvrir un ailleurs, une amie à qui vous désirez ressembler. Elle se voyait tout quitter, oser franchir le pas. Elle ne rêvait plus du prince charmant. Elle rêvait d'une dernière aventure, celle qui la ferait vibrer jusqu'à la fin de sa vie, celle qui justifiait d'avoir vécu. Non, Madame Marceau ne rêvait plus d'amour. Elle rêvait d'autres horizons que ceux de sa demeure de Sologne. Par habitude, ses pas continuaient à suivre cet époux qui ignorait les épaules affaissées de sa compagne.

Les femmes ne devraient pas tant se confier à leurs coiffeuses. On pouvait tout savoir grâce à elles. Mon enquêtrice n'avait pas mis longtemps à me faire son rapport. En le lisant, j'en avais eu presque de l'empathie pour cette pauvre Aline et m'était promis de ne jamais dépendre autant d'une personne.

Quant aux hommes comme Anthony Marceau, il suffisait de chasser avec eux. Les soirées arrosées de fin de journée leur déliaient facilement la langue.

Aimanté par les yeux noirs de Gabriel, Anthony voulait, sentait qu'il touchait enfin son rêve : devenir un homme riche, très riche. Ses cheveux, de plus en plus rares, étaient plaqués sur sa tête afin de cacher les traces d'un début de calvitie. Il poussa un grognement en notant que son épouse avait des difficultés à le suivre. Sa femme, il commençait à ne plus en pouvoir. Elle était toujours insatisfaite. Ce n'est pas qu'elle se plaignait, mais elle ne savait jamais le remercier pour tout ce qu'il faisait pour elle, pour eux. Ils ne pouvaient pas avoir d'enfants. Il lui avait offert des chiens, plein de chiens, des Springers surtout, car très pratiques pour sa chasse. Elle était partie en pleurs, lui laissant l'éducation d'une meute de cinq chiots. Une vraie plaie. La robe qu'elle portait lui avait coûté une fortune, et Madame n'avait pas eu le temps de perdre quelques kilos pour le repas de ce soir. Elle avait même eu l'affront de lui proposer de mettre à la place une robe achetée dans le magasin de leur petit village miteux de Sologne.

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