Chapitre 46: Délivrance

342 64 126
                                    

CAMILLE

— Nous ne sommes pas obligés, Camille. Ce château a une cinquantaine de chambres.

Sa voix me parvient, mais aucun mot ne sort de ma bouche. Mes yeux passent du lit où j'ai enfanté à la porte de la salle de bain. Tout mon corps semble se vider de sa substance vitale. Il se rappelle la souffrance et m'envoie des signaux d'alarme. Je dois fuir, fuir pour survivre, fuir pour oublier.

— Viens ! C'est encore trop tôt pour toi, constate-t-il embarrassé.

Raph récupère nos valises. Comme un pantin, je le laisse me guider vers une des nombreuses suites d'ami. Il m'assoit sur un fauteuil en face de la cheminée. Comme à son habitude, il remplit la pièce aussitôt de musique. Le son calme et serein de son enceinte Bluetooth forme un cocon de douceur autour de moi. Je reste cependant le dos droit, les yeux vides. Il s'attelle à allumer un feu de cheminée. L'odeur de la fumée a raison de ma léthargie.

— Qu'est-ce que tu fous ? m'écrié-je au bord de la panique.

La pièce empeste et des nuages gris se forment. Rapidement, j'ouvre les fenêtres et inhale une grande bouffée d'oxygène. Il me rejoint. Son corps frôle mon bras et des frissons s'invitent sur ma peau. Je lève mes yeux sur von visage contrit.

— Je voulais juste te faire des marshmallows, me dit-il confus.

Des marshmallows ! Sérieux. J'éclate de rire. C'est typiquement américain. Nous, nous faisons des châtaignes dans le feu et eux, ils s'empiffrent de sucreries. Lui tournant le dos, je remets de l'ordre à son feu d'apprentis sorcier. L'air est plus respirable. Les flammes se forment. Je prends les bonbons dans sa valise. Nous avons frôlé l'intoxication mais son intention me touche.

— C'est moi qui devais t'aider à te sentir bien, pas l'inverse, me dit-il tout penaud quand je lui tends la guimauve fondue.

— Tu n'as jamais été scout dans ta vie, me moqué je gentiment. La prochaine fois, prends quelques cours et tout sera parfait.

— Mais, je suis déjà parfait, me contre-t-il un sourire coquin au bord des lèvres.

— Parfait pour moi, c'est certain, lui accordé-je.

Ma dernière phrase a atterri directement sur son cœur. Raphaël est magnifique quand il est heureux. Ses yeux pétillent et provoquent des bulles dans mon ventre. Nous nous regardons silencieusement en dégustant son petit goûter sucré. Installés sur le tapis, nos pieds frôlent presque les braises.

Lentement, tel un prédateur ayant peur de faire fuir sa proie, il se rapproche de moi. J'hésite à prendre mes distances. Ses lèvres frôlent délicatement les miennes. Du bout de la langue, il goûte le sucre resté collé sur elles. Mon corps est en manque de lui. Impatiente, je le chevauche et envahis sa bouche. J'ai l'impression d'être un océan qui percute le plus beau des rivages, une vague incessante qui ne cesse de caresser la plage. Je le noie de mes baisers. Il perd son souffle mais n'arrête pas mon assaut. Ses mains s'agrippent à ma taille et glissent jusqu'à mes hanches.

Ce touché provoque un changement de cap. Je m'éloigne de mon phare. Je suis déjà hors de sa portée. Je dérive en solitaire. Ses yeux hagards me supplient de l'accoster à nouveau. Que lui dire sans qu'il sache, sans qu'il découvre que mon corps porte le stigmate de ce combat inégal, qu'il est le reflet de mon échec à la protéger. Je tangue de l'intérieur mais je ne veux surtout  pas de sa pitié. J'aimerais encore être celle qui l'a attiré, pas cette personne faible que je suis devenue. Je caresse ma hanche pour vérifier qu'il n'a rien pu sentir à travers le tissu de mon pantalon.

Vaincu, il ne tente même plus un pas vers moi. En soupirant, il se lève et se dirige vers la salle de bain. J'entends couler l'eau de la baignoire. Je triture mes cheveux et mordille mes lèvres pour cesser leurs tremblements. Le week-end va être long. Je dois évacuer toute cette tension. 

ObsessionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant