Chapitre 10 : Tensions

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Raphaël

Camille, rayonnante, me montrait un point dans la mer.

— C'est impossible mais je t'assure avoir vu un poisson volant. Un poisson volant ! trépigna-t-elle dans sa langue maternelle.

Elle parlait vite et j'arrivai tant bien que mal à la comprendre. Quelques cours de français ne seraient pas superflus.

Son visage, toujours sérieux et en retenu, s'était transformé. Sa joie était contagieuse. Son sourire illuminait ses yeux émeraude et comme un idiot, j'imitais ma sirène. Elle avait chassé les nuages de mon ciel gris.

— Regarde ! dit-elle en m'attrapant les épaules pour me diriger vers l'objet de son émerveillement, il y en a d'autres.

Dans son élan, sur les cordes instables, elle tomba sur moi. Voulant la rattraper, je perdis l'équilibre. Une vague plus importante que les autres percuta la coque du bateau et nous aspergea. Elle se retrouva au-dessous de moi, trempée, prise dans les cordages avant du Catamaran. Son fou rire harponna mon cœur. Je sentis sa poitrine ferme et ronde sous mon torse. Son cœur s'accéléra et le mien lui répondit. Mes mains prenant son visage en coupe, je retirai une mèche humide qui lui barrait le front, dernière barrière entre nous. Je m'approchai dangereusement de ses lèvres, objet de mon désir. Elle ferma ses yeux, me laissant choisir pour nous deux. Lui succomber ou résister. J'étais l'unique maître.

— Tu es la pire des tentatrices, murmurai-je à regret.

Les paroles de Stan avaient fait leur chemin. Je n'avais qu'un frère et c'était le seul membre de ma famille qui comptait encore pour moi.

Je roulai sur le côté et grognai de frustration. Elle restait immobile. Face à son silence, je tournai la tête vers elle. Son profil était parfait. Sa tunique lui collait à la peau et sa poitrine se soulevait harmonieusement à chacune de ses respirations. Les gouttes d'eau serpentaient sur sa peau de nacre et j'enviai la mer d'avoir pu l'embrasser, la goûter.

— Il y avait vraiment des poissons volants. Je ne t'ai pas menti, se justifia-t-elle d'une voix rauque.

Elle se releva et s'agrippant au filet pour se stabiliser, elle s'assit. J'en fis de même. À défaut de nous autoriser à nous toucher, nous scrutions la mer à la recherche de son trésor mais les poissons avaient tous disparu. Il ne restait plus que mon envie d'elle, tenace et violente. Même si Camille s'était protégée du soleil, celui-ci avait déjà commencé son œuvre sur sa peau délicate. Pour ne plus voir cette gorge offerte dans ses vêtements humides, mon regard dévia sur ses jambes nues mais là-aussi, mes idées dérivaient dangereusement.

— Tu devrais plus te protéger, lui dis-je.

🌹

Camille

Cette phrase, à double sens, me rendit songeuse. "Plus se protéger", était-ce un avertissement de Raphaël ? Si je continuais ce jeu de séduction, je ne pourrais bientôt plus revenir en arrière. Mais en avais-je vraiment envie ? Mon regard s'attarda sur les tatouages tribaux du jeune homme qui couvraient l'intégralité de son pectoral imberbe et de son épaule gauche : une immense raie avec une tortue en guise de corps et deux requins dansant sur sa carapace. La tortue était un symbole de persévérance et de sagesse. Rien ne sert de courir, il faut partir à point. Était-ce ses qualités ? En musique, certainement. La démonstration de ce matin le prouvait largement. J'avais lu ses frasques, ses esclandres. Mais depuis quelques années, il avait disparu des magazines people. Sur les photos, je l'avais trouvé mignon mais je ne m'y étais pas trop attardée, pensant que les photos devaient avoir été retouchées pour valoriser ce fils à papa. En réalité, la violence d'Aron vis-à-vis de son enfant m'avait appris qu'il n'y avait pas de fils à papa concernant Raphaël. L'amour paternel était un leurre. Mais quant à son physique, aucune photo n'avait été refaite : une vraie gourmandise pour les yeux. Un énorme challenge pour mon self-control.

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