Chapitre 21: Détruits (1/2)🐉

326 51 123
                                    

Gabriel

Les rideaux tirés, seuls quelques éclairages tamisés me permettent de ne pas me cogner au coin des meubles. Sur le sol, j'observe les assiettes à peine entamées apportées par le room service. Suis-je intrigué ou hypnotisé par la moisissure qui commence à se former ? Je n'ai même plus la volonté d'appeler l'accueil pour qu'il m'envoie une femme de ménage. De toute manière, je n'attends la visite de personne.

Allongé sur le canapé, portant juste un bas de pyjama, je regarde sans la voir une vieille série télévisée. J'attrape le verre de Whiskey qui me fait de l'œil depuis trente secondes. Lentement, j'allume ma cigarette et observe, les yeux mi-clos le nuage de nicotine se former. La fumée danse devant moi dessinant les courbes d'une femme beaucoup trop sensuelle pour être honnête. Mes nuits ne lui suffisent pas. Il faut qu'elle hante mes jours. Une salope de première.

La cendre tombe dans une tasse à café à porter de bras. Je suis trop fatigué pour en demander plus à mon corps. Je n'avais jamais fumé mais je me laisse tenter par de nouvelles expériences. Cela me permettra peut-être de finir plus vite ma vie. Je l'admets. Il y a de meilleures méthodes, de plus rapides mais je reste un lâche de première. Je préfère me complaire dans mon malheur, me remémorer ma déchéance.

Une semaine puis deux.

Au début, le personnel frappait à la porte, entrait sans y être invité. Pas besoin de changer mes draps, je ne dormais plus dans mon lit depuis plusieurs jours. Ils essayaient de rendre mon environnement un peu plus respirable, un peu plus propre mais après quelques essais infructueux et un nombre important d'injures de mon propre cru dont certaines me rendaient très fier, ils cessèrent de m'importuner. Tant que mon compte bancaire était suffisamment rempli, tous ces gens se foutaient pas mal si je crevais seul. Et cela me convenait pas mal. Je n'étais plus rien, même plus le fils Keys, juste un porte-monnaie bon à les payer.

Un mois déjà.

Je frotte ma barbe tout en cherchant sans succès ces putains de clopes. Il n'y en a pas vingt-cinq par paquet ? Il faut me résoudre. Elles sont toutes parties en fumée. Mes orteils percutent la table basse à m'en faire crever de douleurs et comme un malade, je défonce le meuble, déchargeant toute ma colère, mon impuissance. Mais des deux, ce putain de bout de bois gagne, le salaud. Il me résiste et mes poings, j'en suis sûr, me le rappelleront douloureusement pendant plusieurs jours. Je devrais appeler un médecin pour m'assurer que je n'ai rien de cassé. Mais je sais que de toute manière, je suis cassé, foutu de l'intérieur. Camille m'a détruit. Cette blonde de connasse m'a tué et le souvenir de ma mise à mort est bien pire que ma main gauche. De toute façon, je suis droitier alors elle peut bien enfler, je m'anesthésierai à l'alcool. Le chasseur cogne à la porte. Je lui balance un billet de cent dollars et récupère mes cigarettes. Son sourire de larbin me remercie de ma largesse. Pas de quoi ! J' ai pas de monnaie, du con. Tous des chiens ! Et merde, je compare le gars de l'hôtel à un putain de clébard et mon esprit divague sur les yeux verts de cette putain de louve. De rage, je brise le miroir qui me fait face et le reflet de son visage s'efface. Maigre victoire !

Deux mois et demi.

J'ai perdu la notion du temps. J'ai réussi le marathon de l'intégralité d'un nombre incroyable de séries. Plus les images défilent, plus je me découvre un vrai penchant pour le sang et la violence. Mes yeux me piquent. Une sieste me ferait du bien. Trop de temps à ne rien faire, c'est sûr que c'est fatiguant. Dire qu'avant, je me levais à l'aube et me couchais tard pour ne pas perdre des minutes précieuses. Aujourd'hui, je découvre les joies de la paresse. C'est bien de ne rien faire. Personne ne m'attend. Je n'attends personne. Dans mon malheur, j'ai enfin trouvé un certain équilibre : l'art de vivre à la Gaby.

ObsessionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant