Chapitre 6 : Requiem

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Aron

Pas envie de les voir, surtout Raphaël avec son visage d'ange venu de l'enfer pour ma plus grande souffrance. Mais je m'étais infligé moi-même cette torture en les invitant tous pour mes soixante ans.

« Soixante ans, bande d'hypocrites ! Vous êtes là pour la mise à mort du patriarche. C'est votre jour de gloire. »

Pauvre taureau qui va finir sous vos coups de matadors.

On frappa à la porte et Mathilde entra sans demander la permission. Aussi sans gêne que mon ex, cette salope qui voulait m'extorquer un fric monstre alors qu'elle se faisait son coach sportif durant le peu de temps qu'a duré notre pitoyable mariage. J'étais jeune, naïf, et elle en a bien profité. Et Mathilde, est-ce bien ma fille ? Oui, bon, sur ce point, je ne pouvais pas la renier. Elle avait mon regard et bien d'autres ressemblances qui m'avaient rendu si heureux à sa naissance. Mais, c'était aussi un véritable serpent, difficile à contrôler, à cerner, même à aimer. Heureusement qu'il y avait eu ce putain de problème en France. Depuis, elle me mangeait dans la main et acceptait tout ce que je lui demandais, en échange de ma protection.

Je détournai le regard de ma fille et fis semblant de reprendre la lecture de mon journal. Je n'avais plus envie de gérer ma boite, de manger, de respirer. Je n'avais plus envie de rien depuis qu'on me l'avait prise. Déjà un an. À un anniversaire, on offrait des cadeaux. On ne les reprenait pas. Mais la vie se foutait de tout ça. Déjà un an que ma femme, mon âme sœur s'était envolée. Elle était partie sans moi, me laissant comme un pauvre con. Je n'avais même pas eu le courage de lui dire adieu et ça me bouffait de l'intérieur.

« Ma douce, c'est toi qui me rendais bon. Aujourd'hui, je veux faire du mal, beaucoup de mal, surtout à moi. Je n'ai pas toujours été le meilleur avec toi. Je regrette nos disputes et si aujourd'hui je tolère nos fils, c'est pour toi. Si je m'apprête à donner mes actions à Gabriel, c'est pour toi. Mais après ça, je n'ai plus de projets, plus d'envies. Je n'arrive pas à te remplacer et en ai-je le désir ? Mais bon sang ! Raphaël, notre petit dernier, il te ressemble beaucoup trop. Je ne l'ai pas revu depuis ta mort, depuis ton enterrement. J'en étais incapable. Ses yeux, ses cheveux, sa couleur de peau, je l'ai adoré ce gamin, un mini toi au masculin et aujourd'hui, je le déteste pour les mêmes raisons. Je suis effrayé à l'idée qu'il se mette à jouer de ton piano. J'ai failli demander à James de retirer l'instrument de la maison pour ce week-end. Toi qui lui as appris à aimer la musique, tu me traiterais de fou et tu n'aurais pas tort. Et s'il se mettait à chanter dans cette maison, je t'entendrais à travers lui. Je ne suis pas prêt. Avec le temps, mon deuil devrait prendre fin mais je ne peux pas t'oublier ma chérie. J'ai du fric, plein de fric mais ça ne sert à rien sans toi. La maladie a gagné, m'a mis échec et mat. Je suis à terre. »

« Aron », m'appela Mathilde qui avait depuis longtemps cessé de m'appeler papa.

« Elle, au moins, ne te ressemble pas, » pensai-je.

🌹

Mathilde

Comme à son habitude, pas de bonjour mais une question.

« Qui est la jeune louve que tes frères ont amenée ? »

J'aurais dû être habituée après toutes ses années, mais cette distance me blessa comme toujours.

« Elle s'appelle Camille. Es-tu toujours sûr de vouloir mettre Gabriel à la tête du groupe Keys ?

- Ils dorment tous dans le pavillon ?

- Non, je te rappelle qu'il n'y a qu'une chambre. Et puis, on parle de ton chèr Gabriel, pas de plan à trois possible avec lui! C'est déjà un miracle qu'il ait trouvé une femme. Nos tourtereaux ont besoin d'intimité. 

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