Chapitre 24 : Rose Blanche 2/2

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Camille

Deux semaines que je suis alitée. Si je n'écoute pas le médecin, il me promet un petit tour dans sa clinique où je serais surveillée de très près. Je préfère être chez moi. 

Dès mon retour, Gabriel a fait une excursion dans ma salle de bain. Il a jeté ma pilule en précisant qu'elle venait des laboratoires DSH et non des siens. Il allait vérifier les études cliniques de mes laborantins. Il ne fallait pas prendre le risque d'un procès pour une pilule contraceptive défaillante. J'étais trop fatiguée pour lui expliquer que c'était surtout moi qui étais défaillante. Je l'avais oublié le lendemain de ce week-end, l'état de Lucas me préoccupant plus que la prise de ce médicament. Les autres médicaments de ma pharmacie furent mis dans un sac pour recyclage car selon Gaby, ils étaient trop dangereux pour mon bébé. Mon frigo fut vidé de ses excellents fromages et de ses belles charcuteries. Il ordonna à Nancy, ma gouvernante, d'acheter des légumes et fruits bios, de les laver dans plusieurs bains et surtout de tout faire cuire tant que je n'avais pas les résultats de mes analyses sanguines. Il partait du principe que je n'étais pas immunisée contre la toxoplasmose.

J'entends encore ses cris quand il a découvert, effaré, Léo, mon chat, se pelotonnant contre moi dans le lit. J'ai cru que, si l'animal ne l'effrayait pas autant, il l'aurait balancé par la fenêtre. S'il l'avait fait, c'est moi qui aurais jeté ce papa poule par la fenêtre. Mon Maincoon, c'est mon mini-moi. Mini, c'est une façon de parler. C'est un chat de grande taille, mi-angora, au pelage gris, les yeux aussi verts que les miens, et qui ne se laisse pas faire. Enfin il a ses têtes et peut-être très adorable avec certaines personnes. Avec Gabriel, leur rencontre ne s'est pas très bien passée et dès que mon ami s'approche, il grogne. Parfois, j'ai l'impression que l'animal comprend tout ce qu'on dit mais aussi ce que nous ne disons pas. Malgré toutes les plaidoiries de Gabriel, je garde Léo auprès de moi. C'est non négociable. De plus, j'ai tellement été griffée petite que je suppose que cette foutue maladie, je l'ai eue.

Parfois, je me sens très seule. Deux semaines à ne rien faire alors que je suis hyperactive, c'est long. Gabriel m'a abonné à Netflix et Canalsatellite. Il a sélectionné une liste de séries à éviter pour ne pas choquer le futur héritier Keys. Je lui ai expliqué que pour l'instant, le bébé ne parle pas notre langue et ne voit pas à travers ma peau l'écran de la télévision. Il ne veut rien entendre. Je le laisse croire que je lui obéis et dès qu'il part, je me fais des marathons avec sa liste des séries à éviter. Je me la joue rebelle. Je faisais ça avec mes grands-parents. Pourquoi Gabriel ferait-il exception ?

Et maintenant, sa lubie est la musique classique. Il met dans tout mon appartement un fond sonore relaxant, apaisant et j'avoue souvent ennuyant. Je vais mourir avant même d'accoucher avec sa musique barbante. Là-aussi, j'attends son départ pour mettre du métal à fond. L'appartement est insonorisé et je n'ai presque pas de voisins qui pourraient se plaindre.

Ce qui est bien avec Gabriel, c'est sa prévisibilité. Il est une vraie horloge. C'est hyper pratique. Je peux encore me sentir un peu chez moi quand il est absent. Car finalement, il s'est installé dans une de mes chambres d'ami. Il craint un nouveau malaise. Je lui ai expliqué que Nancy était presque toujours là, mais presque, ce n'est pas toujours donc, il a investi les lieux. 

La première semaine, j'ai dormi pratiquement tout le temps. Il me réveillait pour me nourrir. Plus rien ne comptait pour moi que ce petit être que le destin avait accepté que je garde. La deuxième semaine, j'ai un peu plus émergé mais je me sentais encore bien faible. Je me suis rendue compte que mon assiette, diététiquement parfaite, était déprimante à souhait. Nancy s'étant mis du côté de mon geôlier, impossible d'avoir mieux, même en la menaçant de la virer. Gabriel la rembauchait chaque soir après son retour du travail.

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