Chapitre 23 : Tombés (2/2)

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Gabriel

Sasha me fait face. Nos bureaux se touchent et j'ai l'impression d'être son stagiaire. Depuis mon arrivée, je ne lui adresse pas la parole. Si mes yeux pouvaient la tuer, je crois que je serais déjà en train d'organiser son enterrement. Traîtresse !

Si au moins elle pouvait faire semblant d'être concernée, que mes sentiments de meurtre ont un impact sur elle, mais non, la miss travaille sur son ordinateur, répond au téléphone et part même se faire un café sans m'en proposer. Jamais elle ne m'aurait fait cela avant. Jamais. Le café, je l'avais tous les matins sur mon bureau. Chaud avec deux sucres. Mon monde a bien changé.

J'en profite pour fouiller ses affaires. Je n'en ai aucun remord. Je pars du principe qu'il faut parfaitement connaître ses ennemis avant d'attaquer. À genoux, alors qu'un tiroir me résiste, j'entends une clé tomber à mes pieds.

— C'est plus simple avec.

Sasha esquisse un léger sourire et s'assoit sur mon fauteuil en sirotant son café, l'œil pétillant. Sans aucune honte, j'attrape la clé et ouvre le fameux tiroir : bonbons, gâteaux, boissons énergisantes. Rien d'intéressant. Elle éclate de rire devant ma déception.

— Les choses confidentielles sont stockées ici, me dit-elle en pointant d'un doigt sa jolie tête.

Elle a toujours eu une mémoire phénoménale et ce coffre-fort-là, je ne peux pas le braquer. Elle pose sa tasse et clique sur un fichier de mon nouvel ordinateur. J'entends la voix de ma sœur s'élever, cette voix de vipère. Elle me hérisse le poil.

Je contourne nos bureaux et, curieux, je m'assois sur l'accoudoir. Je sens Sasha m'observer et, doucement, me laisser sa place. Les mots que j'entends sont durs. Mon ex-assistante me laisse seul écouter l'unique et vraie trahison de ma vie : Mathilde. Je frotte ma barbe naissante, mes cheveux courts, bien trop courts pour que je puisse me les arracher, même si cela me démange. Je l'entends et je la vois. Elle se tient devant Camille. L'espace d'un instant, je suis dans la peau de celle que j'avais cru être ma pire ennemie. Une petite joueuse face au monstre qui me fait face. La vidéo défile.

Rien n'a changé mais je voulais que tout soit bien clair. Tu es là pour divertir et faire diversion. Ce soir, tu dois faire boire Gabriel. Il ne tient pas bien l'alcool. Demain, il doit avoir un mal de crâne qui l'empêche de réfléchir et surtout de lire l'acte de vente. La signature aura lieu dans le bureau de mon père. Tu dois ...

Faire diversion afin que tu fasses ton tour de magie. À quel moment dois-je détourner l'attention de ces trois horribles hommes ?

Pas trois, Camille. Quatre. Il y a aussi l'ancien avocat de mon père, Damon Da Silva.

Damon Da Silva, le père de Stan !

Elle est impitoyable. Aucun cillement, aucun regret dans sa voix, ses gestes. Elle programme ma mise à mort comme si je n'avais aucun lien de sang avec elle, que je n'étais pas son frère. Aucun doute. C'est bien le soir de l'anniversaire de mon père. Je reconnais la chambre, la tenue horrible de ma grande sœur. Je reste pétrifié. Je n'avais pas compris qu'il y avait autant de loups autour de moi. Je me croyais à l'abri dans notre tanière. J'étais naïf. 

Sasha refait son apparition. Elle me pose un thé à la menthe, délicate attention pour une femme qui m'a fait venir dans leur antre. Cette boisson me réconforte. Ma mère en buvait des litres.

— Je suis désolée, souffle-t-elle et, bizarrement, je la crois...comme toujours.

Elle clique sur un nouvel icône et maintenant, j'entends la voix grave de mon père. C'est un entretien téléphonique entre La Rose et lui et ce juste après la signature de la vente. Camille explique son geste. Je suis perdu. Je ne comprends pas leurs échanges. Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? C'est de pire en pire. 

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