Chapitre 42- Echec à la reine

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Camille

Le moteur de sa moto brise le silence de ce matin d'été. Il est revenu. Boss, allongé par terre, se lève brusquement. Il a reconnu le son puissant de l'engin. Se faufilant à travers la porte entrouverte, le chien rejoint mon amant. Dehors, les oiseaux semblent avoir organisé un concert en son honneur. Mon cœur en frappe le tempo. 

Une semaine que je ne l'ai pas vu. Le téléphone et Wattsapp ne suffisent pas à combler le manque de lui. Les répétitions avec les musiciens se passent très bien. Il essaie de me décrire son travail. Il emploie des mots complexes que je fais semblant de comprendre. Je suis férue en économie, en gestion et je parle quatre langues couramment. Mais le vocabulaire de compositeur me reste inconnu.

D'un moment à l'autre, il va me rejoindre. Je bondis de mon lit aussi lestement que mon ventre de sept mois me le permet. Je veux être magnifique pour lui. Direction la salle de bain. Le sourire aux lèvres et les yeux dans mes rêves, je me sens extrêmement bien. Je n'ai pratiquement plus de contractions et ma gourmandise préférée vient de s'inviter au château.

J'ai trouvé mille façons de cacher mes kilos supplémentaires. Je pourrai en faire un blog. Mes cheveux sont beaucoup plus longs et recouvrent mes fesses. Très pratique quand un léger surpoids s'est installé sur mon derrière. Ma taille n'en porte plus que le nom, vieux souvenir d'avant. Mais mes seins ont pris deux tailles de plus depuis le début de ma grossesse, et c'est là mon arme fatale. Mis en valeur, Raphaël ne regarde plus qu'eux, et j'adore ça.

L'esprit en fête, j'entre dans ma salle de bain. Mon petit nuage s'évapore brusquement face à l'orage qui m'attend. Je rentre subitement en contact avec la terre et son enfer.

L'arme de Sasha dans sa main gantée, Mathilde, vêtue intégralement de noir, m'observe avec un sourire malsain. Elle a troqué ses éternels talons contre de petites baskets, et je la dépasse d'une tête. Elle n'en reste pas moins terrifiante.

— Bonjour, Camille. Bien dormi ? me demande-t-elle sur un ton faussement poli.

Abasourdie, j'en perds mes mots et tente de protéger mon ventre. Faible défense contre un agresseur armé. Cela la fait rire.

— Ne t'inquiète pas, ma Rose ! Je ne ferai pas de mal à ton cher bambin. Je ne fais pas dans les infanticides.

Elle m'ordonne d'entrer la première dans le passage secret qui est grand ouvert. Comment connaît-elle son existence et depuis combien de temps ? Est-ce la première fois qu'elle vient ou m'observe-t-elle dans l'ombre depuis des jours ou des mois ?

Sentant ma résistance, elle me pousse à l'aide du canon de l'arme en me l'enfonçant sans douceur dans le dos. Sous cette pression désagréable, je tressaute. Ma peur lui plaît. Je regrette de ne pas avoir écouté mon père. Il voulait m'apprendre ses tours de passe-passe pour désarmer son attaquant. Je trouvais cela inutile. Mes gardes du corps étaient toujours avec moi. Je les paie assez cher pour ça. Chacun son job. Je n'avais pas pensé à ces foutus souterrains. Jusqu'il y a peu de temps, j'ignorais même leur existence. Je me pensais en sécurité en postant un homme à chaque entrée, mon père dans la chambre d'à côté et Boss à mes pieds.

— Au moindre geste pour t'enfuir, je tire sur ton ventre, me menace-t-elle.

— Tu viens de me dire que tu ne voulais pas lui faire de mal.

— C'est toi qui en seras responsable. Si tu restes sage, il ne lui arrivera rien. Un dégât collatéral est si vite arrivé. Je t'en voudrais de me priver de cet enfant.

— Toujours la faute des autres, Mathilde, grommelé-je.

Sous mes pieds nus, les pavés sont froids et irréguliers. Plus nous avançons dans ce couloir mal éclairé, plus la chair de poule recouvre ma peau. La température estivale ne traverse par ces épais murs. Nous nous enfonçons toujours plus loin et plus profond. Les murailles ouvragées du château s'effacent pour faire place à de plus anciens. Mon geôlier me fait bifurquer plus d'une fois, si bien que je serais incapable de retrouver mon chemin si je m'enfuyais.

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