Chapitre 39: Toi contre moi

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Camille

Après la colère, un sentiment plus cruel s'immisce dans mon cœur : la douleur. 

Cette douleur liée au manque de lui ne me quitte plus depuis deux semaines, deux longues semaines. Elle s'est installée, a pris ses quartiers. Cette garce s'est immiscée sans mon consentement et ne compte pas me quitter. Je la hais. Elle me fragilise, me fatigue, m'étouffe. Elle rend tout plus fade, plus monochrome.

Allongée sur le transat autour de la piscine de Grand-Pa, Céleste ne cesse de jacasser. Plus je suis triste, plus elle semble heureuse. Ou bien est-ce parce que je trouve la vie laide que je me rends compte qu'elle ne cesse de la voir belle ? Mon ventre s'arrondit. Il crie sans arrêt famine, comme si son absence m'avait rendue boulimique, une sorte de besoin de remplir le vide qu'il a laissé. Sur un ton chantant, ma mère parle de compensation affective, réaction typique des chagrins d'amour. 

En la voyant  si gaie, j'imagine d'autres moyens de compenser, beaucoup plus sauvages, moins caloriques. Comme celui, par exemple, de lui arracher son bracelet de cheville, une chaîne en or avec une étoile noire du même matériau que ma rose pendue en permanence autour de mon cou. Elle n'arrête pas de minauder depuis qu'un inconnu lui a envoyé. Elle a un admirateur secret. Céleste en est toute chose. Afin d'éviter un crime dans ma propre famille, je décide d'aller plonger. Sous l'eau, je n'entends plus sa voix qui m'horripile, et son parfum arrête de m'étouffer. Je pensais que vivre au château serait plus agréable que l'hôpital. Mais je m'ennuie tout autant.

Laissant son mari et ses jumeaux de quatre ans, Hannah est venue me soutenir le temps du week-end où j'ai quitté Raphaël. Ma mère s'est immiscée dans chacune de nos activités. C'était épuisant. Ma meilleure amie est repartie sans que j'aie pu réellement lui parler.

Sasha et Gabriel profitent de leurs retrouvailles. Ils ne se lèvent que pour changer les draps de leur lit, dixit mon personnel de maison. Alexia ne rentre pas avant fin septembre. Son spectacle a énormément de succès. Mon père passe beaucoup de temps avec Lucas. Je le vois juste le matin, puis il repart rejoindre son fils. Il lui prodigue des conseils d'ancien militaire pour l'encourager dans sa rééducation. Depuis que j'ai cessé de travailler, je découvre qu'en dehors des bureaux, je n'ai pas vraiment de passion.

Quand j'étais jeune, je faisais de la danse, de l'équitation et du piano. Aux vues de mon état, les deux premiers me sont interdits. Quant à la dernière activité, elle me rappelle trop Raphaël, ses mains courant sur les touches, aussi légères et sûres que quand elles glissent sur mon corps. Un délice qui m'est dorénavant interdit. Un soupir m'échappe.

Pratiquement tout me rappelle Raphaël : le soleil dans le ciel, cette piscine qui fait écho à une autre piscine, mon tatouage... Il me faut de la glace. Une coupe Chocolat-Vanille, et cela ira mieux. Tout va mieux après du sucré. 

Je sors de la piscine. Malgré l'heure matinale, il fait si chaud que je n'ai pas besoin de me sécher. Le rire de ma mère attire mon attention. Elle lit un magazine People. Mes yeux se rivent sur la couverture.

— C'est quoi ça ? m'écrié-je lui arrachant ce torchon des mains.

Ma mère me hurle dessus mais d'un signe de la main, je la somme d'arrêter. Elle grogne et se plaint de mes hormones de grossesse qui selon elle, me rendent irritables. Mes yeux la transpercent. Soufflant tout en haussant les épaules pour montrer son mécontentement, elle croise ses deux bras sur sa poitrine.

Sur le magazine, mon Raphaël fait la une. Une jeune pétasse brune le tient par la taille. 

"Juliette a trouvé son Roméo. "

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