Chapitre 3 : Matin difficile

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Camille

« Le soleil matinal transperçait le houppier des chênes et venait danser à nos pieds. Une brise printanière soulevait les odeurs de cette forêt de Sologne. Je calais ma foulée à la sienne et entendais son souffle régulier à mes côtés. L'instant était empli de calme et de sérénité. Seul le chant des oiseaux venait troubler de manière agréable notre quiétude. »

Un ronronnement puis un son strident m'arrachèrent à mon rêve. Les yeux fermés, j'attrapai mon portable. Quelle heure était-il ? Je fis un effort pour regarder. La lumière du mobile me blessa les yeux. Il était seulement cinq heures du matin. J'avais dormi uniquement quatre petites heures. Je ne suis pas une marmotte, mais j'admets que cela fait un peu juste pour mon organisme.

« Félicitation, Rose, tu as réussi la première étape. L'argent est sur ton compte. Mais attention, je ne serai pas toujours là pour te pousser dans les bras du Fou du roi. » Blanche.

Un bien long SMS.

Elle m'avait donc poussée dans le club afin que je me retrouve dans les bras de cet homme blond. Ma donneuse d'ordre m'espionnait. Elle ne me faisait pas confiance, m'obligeant à rester sur mes gardes. Le téléphone de la suite continua de sonner. Je répondis sans entrain.

- Madame Chevalier, votre petit déjeuner continental vous sera apporté dans un instant. Monsieur Keys vous attend dans le hall vers six heures. 

Sans un mot, je raccrochai et me recouchai, énervée. Quel abruti ! Il ne pouvait pas me convoquer comme un domestique. Je n'étais aux ordres de personne. En fait, j'avais tort. À cet instant précis, il menait le jeu. Hier, il m'avait donné une impression en demi-teinte. Comme beaucoup, il ne s'était fié qu'aux apparences et avait mal fait ses devoirs. Il avait totalement délaissé l'épouse Marceau, à mon grand plaisir. Gabriel aurait dû être bien meilleur dans son métier, comme s'il se refusait d'exceller dans son domaine, d'avoir la première place dans sa vie.

Peut-être cela expliquait-il qu'il soit toujours célibataire à trente-cinq ans. Quant à moi, mon célibat n'était pas subi mais voulu. Après une relation de cinq ans qui ne m'avait apporté qu'un ennui profond, je ne voulais plus perdre mon temps.

Pourtant, je ne devais pas sous-estimer Gabriel. Hier soir, il y avait eu ce regard, ce questionnement. C'était bref mais bien réel. Je ne devais pas lui permettre d'avoir le moindre doute. Je devais continuer à le déstabiliser. Il était le directeur général des entreprises Keys, et cette place n'était pas seulement due à son père. Contrairement à lui, j'avais mené mon enquête. Mon grand-père m'avait appris à ne pas parler aux inconnus. Je n'adresse la parole que quand je connais parfaitement mes interlocuteurs. Le fou du roi m'avait déstabilisée pour cette raison. Peu d'informations sur la toile, aucun ami bavard, c'était un fantôme. Ses yeux m'ont hantée toute la nuit. Est-ce la peur de l'inconnu ? Ses jolies boucles blondes ne pourraient jamais me retrouver. Un nom. Un pays. J'étais une aiguille dans une botte de foin. Rassurée, je me jurai de ne plus revivre cette perte de contrôle. Cela pourrait me rendre fragile, et je n'étais pas quelqu'un de fragile. Malgré tout, une pointe de déception s'infiltra dans mon cœur à l'idée de ne plus jamais le revoir. Cet idiot d'organe avait mal choisi son moment pour se réveiller.

Le room service toqua à la porte. Je le fis entrer sans prendre la peine d'enfiler un peignoir. L'homme ne savait plus où poser ses yeux. Mon shorty et mon haut à bretelles étaient une provocation à la gente masculine. Je me servis un café et me dirigeai vers la salle de bain. Dans mon dos, il ne déviait plus le regard et fixa mes fesses. Je ne lui donnerais pas de pourboire. Il m'avait suffisamment reluquée.

Sous la douche, je tentai d'effacer les marques de ma trop courte nuit. Chaque matin, je courais une demi-heure avant de déjeuner. J'avais donc besoin d'une forte dose de caféine pour remplacer mon habitude matinale. Je cachai mes cernes de fatigue sous un maquillage léger et enfilai un pantalon cigarette blanc et un pull blanc. Je pestai contre ma patronne. Tous mes vêtements étaient d'un blanc virginal. À trente ans passés, cela prêtait à rire. Le blanc n'avait jamais été ma couleur. D'ailleurs, le blanc n'était pas une vraie couleur. Voulait-elle me faire passer pour un ange venu du ciel ?Je n'avais plus rien d'un ange. Le noir viendrait bien après. Je me resservis un café et m'approchai de la baie vitrée, offrant une jolie vue sur la ville endormie. Un bip raisonna. Il provenait de mon téléphone personnel. Je le sortis de mon sac.

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