Chapitre 30- Le retour des Keys

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Raphael

Un gout amer dans la bouche, j'avoue que des félicitations, j'en ai plein à lui en donner et toutes se forment comme une boule énorme dans ma gorge prête à m'étouffer. Félicitations de m'avoir fait croire à notre couple, de m'avoir menti, trahi ! Félicitations d'avoir séduit mon frère comme si nous étions interchangeables ! Félicitations d'avoir brisé ma famille ! Félicitations de m'avoir abandonné sans aucun regret ! Félicitations de m'avoir broyé !

Interloquée par mon regard hostile, elle recule d'un pas en fronçant les sourcils. Puis, mal à l'aise, elle baisse les yeux sur son ventre. Je suis son regard et je découvre avec horreur une rondeur maternelle se dessiner. Je blêmis. Je pensais souffrir. Elle a trouvé le moyen de me mettre encore plus à terre, de me condamner à mort. Je pensais qu'elle ne pouvait pas plus me torturer, me rendre fou. Je me suis à nouveau bien trompé. De dégoût, je m'éloigne d'elle et sans regarder Gabriel, ce traitre, je lui répète cette phrase avec encore plus d'agressivité.

— Félicitations à vous deux ! Vous faites bien la paire.

Immobile, aucun des deux ne réagit, comme si ma réaction n'avait pas d'impact sur ces pervers. Il faut que je parte avant de faire une connerie, avant que je lui foute mon poing sur la gueule de faux frère. Je sens déjà des fourmis dans mes doigts. Je vais prendre le premier avion, me barrer loin de toute cette merde. 

Cinq mois à souffrir et à espérer que ce que j'ai vécu ne soit pas un mensonge, qu'il y ait au moins une part de vérité dans toute cette histoire débile. Que je ne sois pas le dindon de la farce, un abruti, un imbécile de premier ordre, un romantique naïf qui croit encore au conte de fée, qui était prêt à lui pardonner car bon sang, je voulais croire en mon instinct, à cette fusion entre nous, à cette moitié, ce tout qu'elle représentait. 

Et je les découvre, Gabriel et elle, ensemble, heureux, comblés. Mon cœur cesse de battre. Elle l'avait brisé. Elle seule pouvait le réanimer. Enfin, je l'espérais jusqu'à aujourd'hui. Elle l'a transformé en pierre. Je ne suis qu'un pauvre idiot qui rejoue la même scène et se fait avoir quand même. 

Je regarde mes pieds pour éviter de voir ces pourritures, maigre rempart pour contrôler ma rage. Leur bonheur fait mon malheur. Je devrais me réjouir pour eux. Tonton, je vais être tonton quand même. Mais, je ne suis pas assez bon ou plutôt pas assez con pour cela. Peut-être les deux. Va savoir. Tonton, qu'est-ce que j'en ai à foutre. Un sentiment d'injustice bout dans mes veines. Le temps aurait dû faire son œuvre mais je reste le mec sur son putain de bateau qui guette son retour, qui continue à espérer, à y croire. Je suis toujours l'idiot qui dort dans le lit où nous nous sommes aimés pour garder son souvenir comme le plus précieux des trésors, qui ne peut pas passer une journée sans voir sa photo sur son portable. Je reste celui qui écoute la chanson Halo de Beyoncé, juste pour la sentir à côté de moi alors que Beyoncé, putain, ça n'a jamais été mon trip. C'est un truc de gonzesse qui promet l'amour éternel et se tire sans un mot. C'est un truc à la Camille.

— Raphaël, attends ! s'écrit Judas.

Qu'a-t-il à dire encore ? Ne m'a-t-il pas fait assez de mal ? Rêve-t-il de mon poing dans sa tronche, ce gros connard ? Il essaie de me retenir en posant une main sur mon bras. Je la retire violement et je l'affronte enfin.

— T'as pas fini ? Tu veux quoi encore ? Tu as eu la fille et même un môme en cadeau. Et ne pouvant me retenir, j'ajoute : au moins, assure-toi que c'est bien le tien ! Ta femme n'est pas à un mensonge prêt quand elle veut quelque chose. En même temps, qui se ressemble, s'assemble. On ne pouvait pas rêver de mieux.

J'évite le regard de Camille alors que ses yeux sont rivés sur moi. Ne pas savoir ce qu'elle ressent ! Je ne veux plus la voir, faire une croix sur elle, sur son corps, son rire et oublier ses sourires.

ObsessionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant