• CHAPITRE QUATORZE •

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— A —

Je me suis entraînée pendant plus de trois heures d'affilée avant de me décider à enfin retirer mes pointes. J'ai avancé comme je le souhaitais et je ne me suis arrêtée que parce que mon esprit n'était plus aussi discipliné que mon corps. Que s'est-il vraiment passé d'ailleurs ? Ai-je réellement senti... Angelina Carter ! Voilà le motif exact pour lequel j'avais besoin de faire le vide, mais il faut croire que cela n'a pas fonctionné... Je ne suis clairement pas insensible à son charme. Il y a pourtant mille et une raisons qui devraient me pousser dans la direction opposée. Ma vie ne ressemble plus à rien ces derniers jours et j'ai l'impression désagréable qu'elle part dans tous les sens. Ma rencontre avec Monsieur bleu acier, mon altercation avec Jamie, mon comportement au travail, mes mensonges à répétition... plus rien ne va. Heureusement que j'ai toujours la danse à laquelle me raccrocher.
Je file sous une douche froide et même si mon corps hurle sous cet assaut glacial, je me contrains à y rester le temps d'engourdir la moindre de mes pensées. Une fois dehors, je ne trouve pas le courage de me sécher les cheveux alors je les attache rapidement et j'enfile un t-shirt et un legging avant d'aller me jeter sur le canapé. Je sais que j'ai poussé chacun de mes muscles jusqu'au bout de ses capacités et que j'en paie maintenant le prix fort, mais je ne peux pas prendre le risque de me relâcher en attendant la date des auditions. J'ai sacrifié bien trop de choses pour gravir ne serait-ce que cette première marche.
Alors que je suis en train de regarder des vidéos de danse sur mon ordinateur, l'une des boules du sapin se décroche et explose au sol. Je sursaute en me levant d'un bon. Les cadeaux ! Même si les garçons ne seront pas ici pour le réveillon et qu'ils ne reviendront pas avant demain soir, je dois trouver quoi leur offrir. J'ai un regain d'énergie rien qu'à l'idée de les voir les déballer. Je m'habille en quatrième vitesse et je sors braver le froid. La fine couche de neige qui se dépose au sol donne à la ville un air féérique. J'ai toujours adoré cette période de l'année et il fut un temps où je trépignais d'impatience à la perspective de partager ce moment en famille. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et même si les garçons m'ont invité à passer le weekend avec eux, je n'ai pas eu le courage d'accepter. Je n'étais pas certaine de pouvoir supporter le bonheur d'une famille unie alors que la mienne a irrémédiablement volé en éclat. Je préfère fêter le réveillon avec les McCallister cette année encore.

J'ai passé toute une partie de mon après-midi coincée dans des files d'attente dignes de celles des attractions à sensations fortes de Disneyland. Ça m'apprendra à m'y prendre à la dernière minute ! Mon énergie a été totalement vampirisée par cette mission et je ne rêve que d'une seule chose : plonger sous ma couette. Il fait si froid que je ne sens presque plus mes orteils et je regrette d'avoir mis mes converses blanches aujourd'hui. Leur état n'étant déjà pas glorieux, elles seront probablement irrécupérables après cette virée shopping. Je m'arrête dans un café pour prendre une boisson bien chaude, mais une fois encore c'est une queue infernale qui m'attend. Tous ces gens ne devraient-ils pas être chez eux à préparer les festivités et le repas de ce soir ? En attendant mon tour, je décide de faire ce que je m'étais promis de ne surtout pas faire depuis ma conversation avec Alexa : chercher des informations à son sujet. Les seules choses que je réussis à glaner concernent sa vie professionnelle. Sa vie personnelle quant à elle est tenue secrète. Pendant ma petite investigation, je découvre que l'adresse de son siège n'est située qu'à quelques rues du café dans lequel je suis. Je passe commande et je récupère ma boisson en tentant de me persuader que je m'en fiche éperdument, mais mes pieds finissent par m'y traîner doucement.

Pourquoi ne suis-je pas étonnée de me retrouver face à un bâtiment aussi imposant ? Ma petite voix me sermonne et me répète en boucle que ce n'est pas une superbe idée de me trouver ici. Il a un effet curieux sur moi et je ne crois pas que cette distraction soit une bonne chose en cette période. Au souvenir du moment que nous avons partagé ce matin, j'agrippe plus fort que nécessaire mon gobelet et le couvercle saute sous la pression de mes doigts. Je n'ai pas le temps de réagir que je me retrouve violemment éclaboussée de café. Bordel de... Le liquide dégouline le long de mon visage et je retiens de justesse un grognement bestial. Je me concentre sur le positif et je me dis que ma boisson aurait pu être encore bouillante. Je me raccroche de toutes mes forces à cette pensée pour ne pas céder à mon envie de hurler. J'observe ma main qui est toujours crispée sur le gobelet froissé et je n'ose plus bouger. Quelle idée ridicule d'être venue ici !

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant