• CHAPITRE QUATRE-VINGT-TROIS •

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– A –

— Première page ? je m'étouffe.

Je fais un bon si magistral que la douleur à mon épaule s'éveille brutalement, me foudroyant sur place.

— Première page !

— Je suis sincèrement désolé, j'ai tenté de...

— Désolé ? C'est tellement facile pour toi ! je le coupe sans ménagement.

— Non, ça ne l'est pas. Crois-tu que dans ma position tout ceci m'amuse ?

— Sais-tu au moins ce qui va se passer ? Comme chaque fois que ce genre d'histoire éclate dans les journaux, tu seras glorifié tel un grand séducteur, tandis que je serai dépeinte comme la prostituée arriviste du mois ! j'éclate.

Voilà donc mon point de rupture.

— Ne va pas me jeter la pierre en me reprochant tout ça ! s'enflamme-t-il à son tour.

Je recule instinctivement, bien que son comportement ne soit en rien menaçant. Ses yeux se voilent en une fraction de seconde, comme si je l'avais repoussé physiquement de toutes mes forces. Le soupir qui s'échappe de ses lèvres semble si résigné que j'en ai presque de la peine pour lui, mais la colère continue de bouillonner en moi.

— Tu te trompes de cible Angelina. Je n'ai jamais officialisé de relation publiquement et j'ai toujours veillé au grain pour que ma vie privée ne filtre pas dans ce genre de magazines. Tu te doutes bien qu'ils se sont jetés sur cet os comme des hyènes enragées. Excuse-moi de ne pas être n'importe qui, puisque c'est bien ici ma seule faute.

— Le célèbre Hayden Reed dans toute sa magnificence, je ris amèrement.

— Si mes souvenirs sont bons, tu n'avais aucun couteau sous la gorge ce jour-là, m'attaque-t-il en retour.

Excellent! Je me détourne brutalement et je me rends sur le balcon en prenant soin de claquer la baie vitrée derrière moi. La colère m'a envahie en un éclair et je ferme les yeux un instant pour retrouver un semblant de calme. Mes émotions sont si vives que je tremble comme une feuille. Mais quel connard! Une voix tente de me faire entendre raison en me scandant que je ne devrais pas passer mes nerfs sur lui, mais je l'envoie voir ailleurs si j'y suis. Je n'ai pas besoin d'être déchirée entre deux eaux. Tout ce qui m'arrive est entièrement de ma faute, mais j'ai décidé qu'il serait ma bête noire, point barre. J'essaie de me concentrer sur l'horizon, en respirant aussi calmement que possible, mais je ne sais même plus si je tremble à cause de la colère, de la peur ou de la nervosité.

La porte coulisse derrière moi, mais je ne me retourne pas. Je sens qu'il s'avance et marque un bref temps d'arrêt avant de s'accouder près de moi. Ses doigts se posent en douceur sur les miens et les emprisonnent. La chaleur qui en émane a quelque chose d'apaisant, et très vite, j'ai la sensation qu'elle se répand agréablement dans tout mon être. Ce n'est que maintenant que je réalise qu'un pansement recouvre une large partie de sa paume. J'aimerais trouver le courage de me dégager de son emprise, mais je n'y arrive pas. Je ne devrais pas être réconfortée par sa présence et pourtant c'est le cas.

— Nous sommes dans de beaux draps, je finis par lâcher au bout d'un moment.

Il me regarde et éclate de rire si soudainement que je le dévisage comme s'il était un extraterrestre. D'ordinaire, je suis celle qui glousse et je n'ai pas l'impression d'avoir fait preuve d'un humour décapant en brisant le silence.

— Quoi ? je me renfrogne.

— Rien.

— Hayden !

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant