• CHAPITRE QUATRE-VINGT-QUATORZE •

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– A –

J'ai passé une grande partie de la nuit assise, jusqu'à ressentir une douleur lancinante au niveau du postérieur, avant de me mettre à tourner en rond comme un lion en cage sous les regards inquisiteurs des membres du personnel. Bien que cette attente soit très vite devenue insupportable, je n'ai pas jugé utile de me rappeler à lui. Connaissant son caractère, il a probablement engagé un bras de fer mental contre moi. Cependant, je refuse de lui laisser la victoire, car, même s'il n'en a pas conscience, il a besoin de quelqu'un à ses côtés. Ce n'est pas nécessairement que je veuille être cette personne, mais qui d'autre le ferait ? Je ne lui connais aucun ami, seulement des relations professionnelles. Où en serais-je aujourd'hui sans Kris, Evan et Alec ? Je ne suis peut-être pas du genre à dévoiler les moindres détails de ma vie à qui veut l'entendre, mais ils sont là au quotidien pour s'assurer que ladite vie ne s'écroule pas comme un château de cartes lorsque rien ne va.

— Qu'es-tu venu faire ici ?

Alors que je suis à moitié endormie, sa voix me fait sursauter sur le fauteuil où j'ai fini par m'installer après avoir fait les cent pas. Lorsque nos regards se croisent, le sien est glacial et impénétrable. Ses mains sont enfoncées dans ses poches et tous les muscles de ses avant-bras sont bandés. Je prends donc mon courage à deux mains avant de me lancer :

— Je suis venue voir comment tu allais.

— Tu m'as vu, tu peux donc rentrer chez toi.

Il se retourne et s'en va sans ajouter le moindre mot. Quand je prends enfin conscience de ce qui vient de se passer, je me lève d'un bond pour tenter de le rattraper. Avec ses grandes enjambées, la tâche n'est pas aisée et je me retrouve à courir derrière lui. Bien que la position ne me plaise guère, je ravale ma fierté et agrippe son coude pour le forcer à me faire face.

— C'est tout ? je demande.

Il fixe ma main comme si mon contact le répugnait, mais je ne suis pas Stella. Je ne laisserai pas transparaître qu'il m'intimide, même si c'est le cas, comme bien souvent. Il a la délicatesse de ne pas se dégage de mon emprise, mais je ne sais pas encore si c'est une bonne ou une mauvaise chose.

— Angelina, je ne suis pas d'humeur à supporter tout ceci. Tu ferais bien de rentrer.

— N'étions-nous pas supposés être au moins amis ?

Il se penche gravement vers moi pour me répondre et je pressens déjà que cela risque de me piquer très fort.

— L'avons-nous été ? Ne serait-ce qu'un seul jour ?

J'encaisse ses paroles en resserrant malgré moi ma prise.

— Dans l'expression « amitié avec bénéfices » que tu as également adoptée, si mes souvenirs sont bons, il y a le terme « amitié ».

— Je ne souhaitais que les bénéfices, et ce depuis le départ. Je n'avais pas besoin d'une amie et encore moins d'une thérapeute.

— Si c'est le cas, pourquoi t'être donné la peine de t'ouvrir à moi ?

— Car notre accord initial ne te suffisait plus et tu réclamais des confidences sur l'oreiller.

— Et en quoi est-ce une mauvaise chose ?

— Regarde où cela nous a menés ! Voilà exactement pourquoi je n'ai jamais voulu être ton putain d'ami !

Je le lâche et recule de quelques pas, les paumes en avant. Je réalise amèrement qu'Evan a raison sur toute la ligne.

— Pourquoi est-ce que je m'inflige tout ça ? je souffle plus pour moi que pour lui.

Mes larmes montent à une vitesse folle, mais je les refoule. Je m'interdis de lui offrir ce spectacle. Je préfère partir dignement tant que je le peux encore. Mes converses crissent sous mes pieds lorsque je fais demi-tour pour quitter au plus vite cet endroit.

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant