• CHAPITRE QUATRE-VINGT-TREIZE •

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– A –

Toute lueur de tristesse que j'ai pu discerner un moment plus tôt en Hayden l'a soudainement déserté et je réalise que malgré tout, même un cœur cadenassé à double tour peut se briser. La porte claque derrière lui, sans un dernier regard de sa part et je me demande comment sommes-nous passés de l'échange que nous avions dans mon studio à cette situation aussi rapidement.

Le soir où je me suis enfoncé un morceau de verre sous le pied, Hayden m'a confié pourquoi il avait mis tant d'acharnement dans son entreprise. À l'époque, il tentait de racheter ses fautes auprès de son frère et de sa sœur pour l'enfant terrible qu'il avait été, persuadé que c'est ce que leur mère aurait souhaité. La trahison d'Aaron et de sa fiancée et plus récemment celle de Stella ont dû ébranler son monde. Il n'a eu de cesse de les laisser graviter autour de lui et je réalise maintenant la patience et la résilience dont il a dû faire preuve chaque fois. Je comprends mieux la peine qu'il semble éprouver aujourd'hui.

Stella est bien trop fière pour pleurer devant nous, elle essuie donc l'unique larme qui a dévalé sa joue avant de dire :

— Je ferais mieux de partir.

— Stella, je l'interpelle.

Avec le port aussi altier que celui d'une reine, elle me fait face, impassible.

— Oui ?

— Cela lui passera. Il faudra du temps certes, mais je suis certaine que cela lui passera.

Je ne sais pas pourquoi je tente de la réconforter alors qu'elle ne doit cette situation qu'à elle-même. Néanmoins, je souhaite de tout cœur que le temps soulage leurs tourments. Pour ma part, je ne pourrai jamais pardonner à Aaron de m'avoir trainée dans la boue par vengeance, mais j'espère qu'un jour Hayden trouvera le courage d'apaiser son cœur lorsqu'il pensera à lui.

— Qu'en sais-tu réellement, Angelina ? C'est un homme obtus dont l'âme est noircie.

J'ignore la dernière partie de sa phrase et persiste, car malgré tout, Stella a raison : ils demeurent une famille.

— As-tu simplement écouté ce qu'il a dit ? Tu l'as enfermé dans une case depuis son enfance à cause de son...

— Tais-toi Angelina ! s'emporte-t-elle. Tu ne sais pas de quoi tu parles et s'il t'a jugé suffisamment digne de confiance pour te dévoiler des choses, ce n'est pas pour les diffuser à tout va.

— Ce n'est pas « tout va », mais chez moi ! Si vous n'aviez pas impliqué mes amis, nous ne serions pas dans cette situation.

Je me redresse du tabouret où jetais assise pour aller lui faire face. Depuis le départ de Hayden, je garde mes émotions sous contrôle, car il n'a clairement pas été tendre avec elle, mais je ne lui permettrai pas pour autant d'essuyer ses pieds crasseux sur le paillasson qu'elle pense que je suis.

— Qu'es-tu venue faire ici en premier lieu ? je demande.

— C'était une erreur.

— Oui, c'en était effectivement une, Stella. Comme le soir où Aaron est venu au club ! Crois-tu sincèrement que je n'ai pas vu clair dans ton jeu dès que j'ai su que tu étais chez moi ? Je ne vais pas rafistoler vos pots cassés.

— C'est si vaudevillesque ! Ne vois-tu pas que tu es la raison même pour laquelle ils le sont ?

— Pardon ?

— Qu'espérais-tu exactement ? Hum ? Que tu serais celle qui réussirait à faire changer Hayden Reed ? Tu es encore plus sotte que ce que je pensais ! rit-elle de façon mesquine. Tu n'es ni la première ni la dernière à t'aventurer sur ce terrain glissant. Son ex fiancée s'est brûlé les ailes en essayant.

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant