• CHAPITRE VINGT •

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— A —

Je m'apprête à lui claquer la porte au nez, mais il est plus rapide que moi et bloque ma tentative à l'aide d'un pied. J'inspire profondément tandis qu'une petite voix m'intime de forcer quitte à lui briser la cheville au passage ! Calmos! Il semblerait que je sois encore remontée comme un coucou.

— Pourquoi refuser ?

Son attention se fixe derrière moi et je n'ai pas besoin de fournir un gros effort pour deviner les conclusions qu'il est en train de tirer. J'ai l'air d'une pauvre fille seule chez elle un soir de réveillon, en tenue de sport et en sueur de surcroît.

— Ce n'est pas comme si une fête battait son plein, poursuit-il.

Génial...

— Je n'arrive pas à définir ce qui est le plus ennuyeux, Monsieur Reed. Le fait que vous vous permettiez de porter un jugement sur ma vie, ou le fait que vous n'ayez pas conscience d'être vous-même seul actuellement.

— Un constat.

— Pardon ?

— Ce n'était pas du jugement, mais un simple constat, me répond-il en enfonçant les mains dans les poches de son pantalon.

— De toute manière, vous n'irez pas très loin ce soir sans une réservation.

— Je t'attends en bas.

Je n'ai même pas le temps d'ajouter quoi que ce soit qu'il dévale les escaliers et disparaît. Ce culot incroyable! Je referme la porte avec humeur et je bougonne un bon moment dans mon entrée en pesant le pour et le contre. Bien qu'une partie de moi soit fortement tentée de le laisser patienter dans le froid jusqu'à ce qu'il comprenne que je ne compte pas céder à sa requête, l'autre a la ferme impression qu'il ne lâchera pas le morceau aussi facilement. Je dois probablement aimer en baver puisque je fais le choix irraisonné d'aller me doucher pour descendre le rejoindre. Après tout, peut-être que me changer les idées ce soir ne me fera pas de mal...

***

En apercevant la moto sur laquelle il est à moitié adossé, mon corps se fige. Lorsque je remarque qu'il a les yeux rivés sur moi, je dois me faire violence pour descendre les quelques marches qui nous séparent.

— C'est hors de question !

Il me toise durement de la tête aux pieds avant de me répondre avec sarcasme.

— Et il t'a fallu pas moins de dix-sept minutes pour descendre rejeter mon offre une nouvelle fois ?

— Vous n'y êtes pas du tout. Je veux dire qu'il est exclu que j'enfourche cet engin.

— Ton choix de mots est... intéressant.

— Cela ne m'amuse pas le moins du monde.

— C'est la même chose que sur un vélo, la vitesse en plus.

— Je ne monterai pas sur cette moto, point final !

Ses mâchoires se contractent et il semble à deux doigts de cracher du feu, mais je n'en ai rien à faire. Pourquoi serait-il le seul à dicter ses règles ? Je ne veux pas grimper sur cette moto et c'est non négociable.

— J'essaie de faire un effort, finit-il par lâcher les dents serrées en croisant puissamment les bras sur sa poitrine.

— Je ne vous ai jamais rien demandé de tel ! je m'emporte.

Mon cœur cogne si fort que j'ai l'impression qu'il va s'échapper par ma bouche d'un instant à l'autre si je ne prends pas garde. Beaucoup trop de sentiments s'entremêlent et mes pensées partent dans tous les sens. J'ai bien conscience que cette réponse est d'une mesquinerie sans nom, mais je n'ai pas pu la retenir. J'inspire profondément en fermant les yeux pour me calmer. C'est injuste, je passe mes nerfs sur lui alors qu'il n'y est pour rien. Je me ressaisis donc avant qu'il me catalogue comme l'hystérique de service.

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant