• CHAPITRE TRENTE CINQ •

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— A —

Les dernières semaines ont été éprouvantes pour moi, la préparation pour l'audition m'a mise sous pression. La boule d'angoisse qui s'est logée au creux de mon estomac me donne des crises d'asthme à répétition et je crains que cela puisse porter préjudice à mes performances lors des sélections. Pour me préparer au mieux, j'ai pris deux jours de congé car même si Aleksei est convaincu de mes compétences, je suis une éternelle insatisfaite et je sais que je peux encore mieux faire. Mon corps est mis à rude épreuve, mais je ne peux me contenter du strict minimum. Mon avenir se joue maintenant et bien que je sois confiante en mes capacités, j'ai pleinement conscience que tout peut basculer en une seconde.

J'ai soigneusement préparé tout ce dont j'ai besoin pour cette occasion. Mes nouveaux chaussons sont cassés et parfaitement assouplis pour me garantir un maximum de confort. J'ai cousu mes rubans ainsi que mes élastiques et j'ai vérifié le tout en me réveillant ce matin comme pour conjurer le mauvais sort. J'espère qu'ils m'apporteront la prospérité dont je rêve. Ma tenue est prête elle aussi et elle n'attend plus que moi. Le simple fait de porter un tutu me rappelle des souvenirs émouvants de mon parcours de danseuse. C'est une tenue qui symbolise l'aboutissement de toute une vie de travail. Je suis prête à donner le meilleur de moi-même et à me laisser porter par mes émotions sur scène.

Aleksei m'a expressément demandé de ne pas m'entraîner la veille des sélections, et bien que la tentation soit forte, je respecte son conseil. Je suis consciente que mon état psychologique peut me conduire à une blessure et que le repos est essentiel. Il est bien plus qu'un professeur pour moi, c'est un véritable coach qui se soucie de ma réussite autant que moi. Sa présence rassurante m'aide à garder mon calme et ma concentration, et j'ai confiance en lui pour me mener vers le succès. Il m'a aussi demandé de me détendre et pourtant... malgré ses recommandations, j'ai accepté un dîner avec Monsieur bleu acier la veille des sélections ! Qu'est-ce qui a bien pu me passer par la tête ? Rien que le fait de l'appeler était en soi une erreur ! Je sens que je suis en train de prendre des risques inutiles, mais je n'arrive pas à effacer de mon esprit le souvenir de sa voix profonde et envoûtante. Curieusement, je dois dire que je l'adule d'une certaine façon. Du haut de son jeune âge, il a déjà tant accompli à la force de sa volonté et je suis prête à parier qu'il a dû réaliser un bon nombre de ses rêves. Il pourra sans doute me fournir des conseils avisés sur la gestion de mon stress.

***

— Hey, Angy, tu sors le grand jeu ce soir ? lance Alec en sifflant d'admiration lorsque nous nous croisons dans le couloir.

Je souris en secouant la tête.

— Tu es incorrigible, Alec.

— A-t-on déjà vu un jean aussi bien épouser les formes d'une femme ? fait-il mine de réfléchir. Hum... je ne pense pas.

— Pfff, n'importe quoi.

Je lui donne un petit coup dans les côtes et il éclate de rire en me serrant dans ses bras.

— Ce jean te va tellement bien qu'il faudrait l'inclure dans les critères de sélection pour la Juilliard, plaisante-t-il.

— Stop !

— Plus sérieusement, tu vas tout déchirer demain, Angy. Tu vas conquérir la Juilliard et devenir la plus grande danseuse de New York, j'en suis sûr, ajoute-t-il avec conviction.

— J'aimerais bien que tu aies raison, je réponds un peu moins convaincue.

— Fais-moi confiance, tu vas briller de mille feux et devenir la prochaine étoile de la danse ! continue-t-il avec enthousiasme.

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant