• CHAPITRE SOIXANTE-TREIZE •

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– A –

En moins de trente secondes, je finalise mon sac, j'enfile mes Converses et j'attrape ma veste. Bien décidée à quitter au plus vite cet appartement, je ne lui jette même pas un dernier regard alors que je claque la porte derrière moi. Qu'est-ce qui m'a pris de venir ici? C'est le dernier endroit sur terre où j'aurais dû me rendre pour faire le point. Je ne suis qu'une hypocrite! Je lui ai jeté au visage qu'elle avait saboté elle-même son potentiel, mais ne suis-je pas en train de faire exactement la même chose à cause d'un homme ?

Je pousse la porte d'entrée de toutes mes forces, mais je réalise avec horreur qu'elle heurte violemment la personne qui se trouve derrière et que celle-ci chute lourdement sur le trottoir.

— Oh mon... Nik ?

Le choc de notre rencontre fige l'instant et je ne peux m'empêcher de me demander si c'est un acte du destin ou une cruelle ironie du sort. Nikolaï se relève avec l'élégance qui l'a toujours caractérisée. Ses larges épaules s'ajustent avec une aisance presque chorégraphique et avec la fluidité d'un danseur étoile, il reprend une posture parfaite, comme si rien ne s'était passé.

— Angelina, me salue-t-il sobrement.

Ma gorge se serre et mon cœur s'emballe dans ma poitrine alors qu'une vague d'émotions anciennes déferle en moi. Son sourire s'élargit, révélant ses dents blanches au passage. C'est un sourire qui a l'habitude de charmer un public et je me demande s'il s'adresse réellement à moi ou si c'est juste un réflexe hérité de ses années sur scène.

— Tu comptais partir sans dire au revoir ? demande-t-il dans un anglais parfait.

— Et sans dire bonjour également, je rétorque en le contournant pour rejoindre le trottoir d'en face.

— Lina ! m'interpelle-t-il en m'agrippant par le bras pour me forcer à lui faire face.

L'utilisation de ce surnom me ramène brutalement dans le passé. Une partie de moi voudrait se dégager, mais une autre, plus vulnérable, est tentée de s'abandonner à ces souvenirs.

— Laisse-moi t'aider. Je n'étais pas loin quand Nina m'a...

— Il est bien trop tard pour m'offrir ton aide Nikolaï, je riposte d'un ton glacial.

— Lina, soupire-t-il. Je ne peux pas revenir en arrière et changer le passé, mais laisse-moi au moins faire amende honorable aujourd'hui.

Ma colère refait surface en un instant. Je me dégage violemment de sa prise et je recule d'un pas en croisant les bras sur ma poitrine. La confrontation avec lui est encore plus douloureuse que celle que je viens d'avoir avec Antonina. J'avais confiance en lui et malgré ce que ma cousine peut dire, il n'est absolument pas quelqu'un en qui avoir confiance !

— Amende honorable ? Laisse-moi rire !

— Li...

— À en croire la conversation que je viens d'avoir avec Nina, je suis toujours le grand méchant monstre, je l'interromps amèrement. Je vois que tu n'as même pas eu le cran de lui avouer que c'était de ta faute.

— Ce n'est pas ce que je voulais.

— Et pourtant, c'est toi qui as pris la décision d'envoyer ce foutu dossier en mon nom ! Toi qui lui as volé la chance d'obtenir cette bourse pour entrer dans l'école de danse qu'elle convoitait ! Toi et uniquement toi !

Son visage s'assombrit alors que ses yeux cherchent désespérément à s'accrocher aux miens.

— Comment as-tu pu faire ça, Nikolaï ?

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant