• CHAPITRE SOIXANTE-DIX-HUIT •

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– H –

J'ai l'impression de recevoir un coup de poing en plein sternum lorsque mon prénom glisse de ses lèvres. Elle se déplace légèrement sur le côté et me fait signe d'entrer, mais je reste figé. Les mâchoires crispées, je romps le silence d'un ton cinglant.

— Cette conversation serait plus à propos ailleurs.

Chacun de mes mots semble peser des tonnes. Je négocie des contrats de plusieurs millions chaque mois et pourtant j'ai l'impression que me tenir là, devant elle, est bien plus difficile.

— Un simple message n'aurait-il pas suffi pour ce que tu as à m'annoncer ? demande-t-elle d'un ton tranchant.

Je me contente de la dévisager. Quelque chose a changé en elle et je pressens que cette discussion sera bien plus compliqué que prévu.

— Rien n'est jamais facile avec toi, je marmonne plus pour moi que pour elle.

Si cet incident n'avait pas eu lieu, je ne me trouverais pas ici ce soir. J'estime en avoir déjà vu assez en Russie pour ne pas me rabaisser à quémander d'autres explications. Même si je ne lui dois plus rien, je ne peux pas la laisser dans l'ignorance. Elle doit apprendre la vérité de ma bouche. Après tout, ne suis-je pas le monstre de cette histoire ?

— Donne-moi juste une minute, finit-elle par dire.

La porte se referme derrière elle et je redescends les marches en quête d'air, sans me faire prier. Le regard en coin d'Ethan à mon arrivée me glisse dessus et je l'ignore comme s'il n'existait pas. Si j'avais pu me dispenser de sa présence ce soir, je l'aurais fait. La rage m'envahit une nouvelle fois et j'ai l'impression d'être projeté violemment au cœur d'une tempête noire. La cage du monstre est aussi fine qu'un fil de soie et elle est prête à se rompre à tout instant. Mes poings se serrent si fort que mes ongles s'enfoncent dans la chair de mes paumes. La douleur physique n'est rien comparée à la furie bouillonnante qui gronde en moi. Je sens que le monstre s'amuse à piétiner les derniers fragments de ma maîtrise habituelle, mais je refuse de le laisser gagner. L'idée de perdre la bataille face à lui ce soir m'effraie. Je ne pourrais pas gérer à la fois cette crise et la réapparition d'Angelina sans tout détruire sur mon passage s'il s'immisce dans la moindre de mes pensées. Je n'ai pas le choix, je dois reprendre le contrôle avant de monter dans cette putain de voiture.

— Monsieur Reed, Mademoiselle Carter arrive.

Je m'installe sur la banquette arrière sans attendre. Moins j'aurais d'interaction avec elle ce soir, mieux ce sera.

Le trajet se déroule comme une lente descente dans un abîme de glace. Je fixe mon attention sur le paysage qui défile par la fenêtre, mais mes pensées sont ailleurs, dans un tourbillon de confusion et de rage. Comment ai-je pu laisser cette femme prendre autant de place dans ma vie ? Pourquoi est-ce que j'éprouve toujours ces sentiments si violents aujourd'hui ? Pourquoi ai-je l'impression qu'elle a encore une foutue emprise sur moi ? La spirale infernale dans laquelle je me suis laissé entraîner reste une énigme insoluble et la colère, comme un venin, circule à une vitesse effrayante dans mes veines. Je sens que chaque seconde passée en sa présence effrite un peu plus mes défenses.

Une fois dans l'ascenseur, je mets le plus de distance possible entre nous et je m'éloigne d'elle comme d'un poison. Le monstre prend plaisir à me projeter cruellement des souvenirs de nos moments partagés dans ce type d'espace confiné, mais je laisse ces pensées glisser entre mes doigts sans m'y attarder. Le rugissement de frustration du monstre résonne en moi, mais je refuse toujours de le laisser prendre le dessus. Le silence entre nous est devenu pire qu'un champ de mines prêt à exploser à la moindre étincelle.

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant