• CHAPITRE TRENTE TROIS •

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— A —

Mes larmes me meurtrissent les joues, mais je n'arrive plus à m'arrêter. Même si elle n'a rien fait pour le moment, le fait qu'elle mentionne la Juilliard m'a retourné l'estomac. Mon cœur est si lourd que j'ai la sensation que chacun de ses battements est plus violent que le précédent. Monsieur bleu acier s'acharne sur mon téléphone, mais il est bien la dernière personne au monde avec qui je souhaite discuter actuellement. J'ignore donc ses appels et je gravis les marches presque quatre par quatre pour aller me coucher. À force de me triturer l'esprit avec la scène qui vient de se dérouler, je finis par trébucher. La douleur qui irradie immédiatement dans mon tibia est si cuisante qu'elle me coupe net le souffle.

— Merde ! je hurle de frustration.

Je n'en ai rien à faire de réveiller tous mes voisins. Juste merde à la fin ! J'avale les derniers étages aussi vite que possible jusqu'à atteindre enfin mon palier et ce n'est qu'une fois la porte claquée derrière moi que je m'autorise à respirer profondément pour recouvrer mon calme. Même si j'ai conscience que c'est ridicule de me laisser abattre à ce point à cause de cette peste, je regrette l'absence des garçons ce soir et tout particulièrement celle d'Evan. L'interphone sonne et il ne me faut pas moins d'un quart de seconde pour comprendre qui est la personne qui s'enflamme sur le bouton en bas alors je décide qu'il est préférable de le débrancher. La migraine que je sens poindre est suffisante pour cette fin de soirée. Je n'ai pas envie de me faire d'autres nœuds au cerveau.
Me prélasser dans un bain ne résoudra probablement pas tout, mais je sens que mon corps en a besoin. Cette interaction m'a drainé de toute mon énergie. M'abandonner dans l'eau chaude une petite heure me permettra de dédramatiser tout ça. À peine ai-je le temps de me déchausser et d'aller ouvrir les robinets que l'on tambourine à ma porte. Je ferme les yeux en espérant qu'il disparaisse, mais je sais que cette prière est vaine. Il campera ici s'il le faut. J'ai beau ne pas le connaître suffisamment, j'en suis pourtant intimement persuadée. Sa sœur ayant déjà broyé mon cœur entre ses mains, je me dis que je ne risque plus rien et je finis donc par lui ouvrir.

— Pourquoi ne... vous avez pleuré ?

Ma tête doit être désastreuse, mais je n'en ai que faire. Cet homme a le don de me voir uniquement dans les pires moments de ma vie. Une fois de plus ou une fois de moins...

— Mon intention n'était pas de vous faire pleurer, poursuit-il presque penaud.

— Mais quel égocentrisme, ma parole !

Ma voix est tellement éraillée que je ne suis pas certaine que ma phrase était intelligible.

— Je présume qu'il est donc question de Stella, rétorque-t-il les mâchoires serrées.

— Entre, je me contente de répondre.

Je m'écarte, mais il ne bouge pas d'un pouce et je prends conscience de mon tutoiement. Je choisis de poursuivre l'air de rien.

— Je ne compte pas discuter sur le pas de ma porte.

Sans l'attendre, je me rends dans la cuisine pour me préparer un thé afin d'apaiser l'irritation de ma gorge. Comment le fait de pleurer seulement quelques minutes a-t-il pu me mettre dans un état pareil ?

— Un café ? je propose lorsque j'entends ses pas dans l'appartement.

—  Qu'a-t-elle dit ou fait pour te froisser à ce point ?

— Un café ? je répète calmement lorsqu'il arrive à mon niveau.

— Non. Aurais-tu l'amabilité de répondre à ma question ?

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant