— H —La ballerine m'emboutit et sous le coup de la surprise je fais un pas en avant en manquant de peu de me prendre les portes de l'ascenseur en plein visage. Cette femme est une catastrophe ambulante aujourd'hui ! J'aurais pu en rire si elle ne m'avait pas irrité avec sa réponse un moment plus tôt. Une petite, toute petite partie de moi, avait espéré qu'elle me dise qu'elle était là pour me voir, mais non ! C'est encore une fois une histoire de vélo ! Elle laisse ses mains dans mon dos plus longtemps que nécessaire et je fais rouler mes muscles sous ses doigts pour la forcer à réagir. Elle est, semble-t-il, la plus sage de nous deux alors pour mon propre salut j'ai besoin qu'elle garde ses distances. J'appelle l'ascenseur privé que seul le personnel de mon étage est en droit d'utiliser et l'attente me paraît interminable. Son souffle derrière moi me tend et le moindre son qu'elle fait me met encore plus sur les nerfs. Je n'apprécie pas le Hayden que je suis en sa compagnie. L'effet qu'elle produit sur moi est inconfortable et je ne suis pas certain de réussir à garder la maîtrise de la situation éternellement. Si tant est que j'en aie eu un jour avec elle ! J'ai vraiment besoin d'en finir avec elle une bonne fois pour toutes... Si c'est de l'argent qu'elle veut, alors je lui ferai volontiers son chèque afin qu'elle sorte une fois pour toutes de ma tête. J'en viens presque à regretter qu'elle n'ait pas été envoyée par Aaron pour avoir une raison valable de la congédier cruellement. Je m'engouffre dans l'ascenseur et je pose mon pouce dans le lecteur d'empreinte pour que nous puissions monter le plus vite possible. L'air dans mes poumons est presque trop lourd à porter pour mon propre corps. J'aurais dû lui proposer un virement ! Ou mieux, j'aurais dû demander à Melania de s'en charger. Je jette un coup d'œil vers le coin de la cabine dans lequel elle se tient et comme si la ballerine l'avait senti, elle relève la tête et nos regards s'accrochent l'un à l'autre. Le vert de ses yeux est si intense qu'il m'électrifie et me donne l'impression d'avoir carrément mis les doigts dans une prise de courant. Notre ascension est brutalement interrompue tandis que l'éclairage vire au rouge. Quelle blague de très mauvais goût !
— Sérieusement, une panne d'ascenseur ? s'offusque-t-elle.
Je ne prends même pas la peine de lui dire que ce n'est pas de mon ressort et je me focalise sur la console de commande. Le panneau affiche un point d'exclamation rouge sur un fond noir sans aucun autre message. Je presse le bouton d'alarme et je suis horrifié lorsque je m'aperçois qu'absolument rien ne se produit. J'inspire profondément. Je ne peux pas me retrouver enfermé... je ne peux pas me retrouver enfermé... je ne...
— Monsieur Reed ?
Je suis assailli par des souvenirs que je pensais enterrés au plus profond de moi-même depuis des années et cette angoisse qui me saisit en un temps record me retient de lui faire face. Je ne peux pas laisser entrevoir ce pan de ma personnalité. Personne ne le doit...
— Si c'est un de vos jeux tordus, cela ne m'amuse pas.
Faites qu'elle se taise ! Je plaque les paumes de mains de part et d'autre du panneau d'affichage et je prends une grande inspiration. J'essaie de compter, mais mon cerveau me dit clairement d'aller me faire voir en continuant de me torturer avec tous ces souvenirs maudits. Toutes ces journées et ces nuits enfermés en isolement... Toutes ces heures avec le monstre pour seule compagnie. Toute cette douleur qui n'en finissait jamais. Toute cette peine qui m'empêchait de respirer convenablement. La ballerine parle de nouveau derrière moi, mais mon cœur bat si vite que je n'entends plus que lui dans mes oreilles. Que font-ils putain de merde ? Qu'est-ce qui peut bien leur prendre autant de temps ? Mon sang bout littéralement dans mes veines et je sais que je suis en train de perdre le contrôle. Je sens son regard partout sur moi à la fois et je n'ai aucun moyen de lui échapper à cause des foutus miroirs que j'ai fait installer dans toutes les cabines. C'est bien la dernière personne au monde avec laquelle j'aurais souhaité être immobilisé entre quatre murs aussi étroits. Je dois rapidement retrouver la maîtrise de moi-même avant que la situation n'empire. J'enfonce la main dans la poche de mon manteau pour y récupérer mon téléphone et puisque la blague n'est pas assez drôle comme ça, je découvre qu'il est éteint. Je ne suis jamais à court de batterie. Pourquoi fallait-il que ça arrive aujourd'hui ?
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BALLERINA
RomanceAngelina Carter et Hayden Reed n'ont en apparence rien en commun, si ce n'est une détermination farouche à réaliser leurs rêves. Alors qu'elle ne vit que pour le ballet et qu'elle s'y abandonne corps et âme, il n'a de considération que pour l'empir...