• CHAPITRE QUATRE-VINGTS •

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– A –

Ma fierté et moi tentons de quitter dignement son appartement. Ce qui n'est pas chose aisée puisqu'il doit appeler l'ascenseur pour moi. Il enfonce les mains dans les poches de son pantalon et lorsque j'aperçois brièvement son reflet dans les portes vitrées, je constate que ses mâchoires se contractent rapidement. Ai-je vraiment pensé ce que je lui ai lancé au visage ? J'en doute. Avec du recul, je comprends aujourd'hui pourquoi il a fait certaines choses, mais cela n'excuse en rien ses actes. Mon intention était de le blesser, à l'instar de ce qu'il avait fait quelques instants plus tôt avec moi. À en juger par son expression, c'est une mission accomplie. Faute de pouvoir déverser ma colère sur Jamie, je l'ai laissée exploser sur Hayden. Un rire hystérique menace de s'échapper de ma gorge. Comment suis-je passée de la fille prude qui n'avait pas le temps de s'amuser à celle dont la vidéo compromettante avec un riche patron d'Entreprises circule sur Internet ? Je mords l'intérieur de mes joues pour retenir ce rire, consciente que cette réaction est due au fait que mes nerfs sont peut-être en train de lâcher. Comment Jamie a-t-il pu faire une chose aussi abjecte ? Ce n'est pas le pire... Ce n'est pas le seul moment que nous avons partagé au club, Hayden et moi. Ma poitrine se comprime à cette pensée, car je sais exactement où sont placées les caméras. Il est fort probable qu'il ait en sa possession des images bien plus dévastatrices pour ma réputation. Où avais-je la tête pour être aussi imprudente ? Quoi qu'il en soit, je m'incline devant la détermination de Jamie, qui a tenu parole en trouvant le moyen de se venger.

L'ascenseur arrive et je m'engouffre à toute vitesse à l'intérieur. Quand je me retourne, les yeux d'Hayden me fixent, mais ils semblent vides, dépourvus de toute émotion. Les portes se referment enfin et j'ai l'impression que le bruit résonne jusqu'en bas.

Je quitte l'immeuble comme si le feu le dévorait, mais j'ai à peine le temps de mettre un pied à l'extérieur que je suis assaillie par une horde de photographes. Les flashs crépitent dans l'obscurité et je suis complètement désorientée. Je tente de me protéger les yeux, mais tout devient flou.

– Écartez-vous, je hurle.

Leurs cris déchaînés couvrent mes supplications et les questions qui fusent dans tous les sens me donnent le tournis. J'entends des choses qui me révulsent entièrement, mais je continue à avancer tant bien que mal. Comment vais-je faire pour appeler un taxi ? Combien de temps vont-ils encore s'acharner ? Je suis encerclée de toutes parts. La panique commence à m'envahir et ma respiration devient sifflante alors que l'air ne pénètre plus convenablement dans mes poumons. Je ne peux pas faire une crise ici ! Calme-toi... Quelqu'un m'attrape par le bras, me force à me retourner et me crache sa question avec son haleine fétide en plein visage. J'essaie de me libérer de son emprise, mais il a donné la même idée aux autres qui s'empressent à leur tour de me saisir par n'importe quel morceau de tissu à leur portée.

Je ne comprends pas trop ce qui se passe, mais je reconnais sa carrure avant qu'il ne se fraye un chemin à travers la foule. Hayden bouscule sans ménagement les paparazzis sur son passage, détournant enfin leur attention. Il attrape par le col celui qui me tient encore et le jette si brutalement contre ses amis que certains perdent l'équilibre et basculent à la renverse. Je cale mon pas sur le sien alors qu'il glisse un bras autour de ma taille et je garde la tête baissée pour me protéger des flashs qui continuent de nous assaillir sans répit. Le comportement des vautours change du tout au tout, ils lui font place comme s'il était une sorte de messie. Il ouvre la portière de la berline qui attend près du trottoir et m'invite silencieusement à y entrer.

– Chez Mademoiselle Carter. Faites en sorte de les semer en chemin, Ethan.

Il claque brutalement la portière sans un mot pour moi. Lorsque je jette un regard par la fenêtre, je le vois s'enfoncer dans la foule toujours aussi dense. Je pousse un long soupir et je me laisse tomber contre le cuir de la voiture après m'être attachée.

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant