• CHAPITRE CENT TROIS •

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– H –

Depuis que j'ai ouvert les yeux, j'ai la sensation étouffante d'être prisonnier d'un rêve éveillé alors que la ballerine repose paisiblement à mes côtés. Son souffle calme et régulier me berce depuis un moment déjà, mais cela semble presque irréel. Les événements de la semaine passée continuent de hanter mes pensées et cette maudite vidéo qui a fait voler en éclats une nouvelle fois notre vie privée tourne en boucle dans ma tête. 

Aaron a choisi un angle de vue qui me mettait bien plus en avant qu'Angelina et malgré sa bassesse et le fait qu'il soit un connard fini, je peux au moins lui reconnaître ses qualités de monteur. Néanmoins, cette vidéo a fait des dégâts colossaux sur son passage et même si pour ma part je n'en ai strictement rien à foutre que le monde entier ait vu mon corps sous toutes les coutures, l'idée que la ballerine ait été jetée en pâture dans les médias me donne des accès de colère que je n'ai plus ressentis depuis l'adolescence. Je n'aime pas ça...

De nombreux actionnaires ont décidé de retirer leurs billes et de quitter mon navire, mais une fois encore, je n'en ai rien à foutre. Même si les pertes se chiffrent en millions pour le moment, je suis convaincu que j'aurai l'occasion de nouer de nouveaux partenariats bien plus lucratifs dont la plus-value se comptera en milliards. La seule chose qui m'importe pour l'instant, c'est l'image et la réputation de la ballerine qu'Aaron a déchirée en un instant...

Si je jouais franc jeu, alors j'avouerais qu'une part de moi brûle de le retrouver pour comprendre ce qui le pousse à me haïr autant, mais pour l'instant je suis bien trop tiraillé entre mon envie de l'affronter et la peur de ce que le monstre pourrait lui faire. Ce n'est donc pas plus mal qu'il réussisse à s'évaporer telle une ombre insaisissable dans la nuit chaque fois que je pense le coincer.

Je soupire en resserrant doucement mon étreinte autour de la ballerine et j'essaie désespérément de me laisser envelopper par sa chaleur apaisante. La quiétude qui émane d'elle contraste violemment avec la noirceur de mes pensées et même dans ses bras, je ne peux échapper à la lourde culpabilité qui me compresse la poitrine depuis des jours. Elle mérite tellement mieux que cette tempête infernale que j'ai laissée s'abattre sur nous. Car oui, c'est moi et moi seul, qui suis responsable de cette tragédie. J'aurais dû régler cette querelle avec Aaron depuis des années déjà, mais j'ai laissé cette rancœur grandir  jusqu'à ce qu'elle déborde en emportant tout sur son passage.

Je ferme les yeux un instant pour tenter de calmer le tumulte qui gronde en moi et je laisse mon esprit vagabonder vers les prochaines stratégies à mettre en place, mais sa voix douce me tire de ma torpeur.

— Défronce les sourcils, m'ordonne-t-elle d'un ton léger.

Je rouvre les yeux, surpris.

— Comment pourrais-tu savoir si j'ai les sourcils froncés alors que tu te tiens dos à moi ?

Elle se tourne vers moi, un sourire espiègle aux lèvres et les yeux pétillants de malice.

— J'entendais les rouages de ton cerveau, s'amuse-t-elle

Je me penche instinctivement pour l'embrasser, mais elle pose brutalement un index sur mes lèvres.

— Le brossage des dents, rappelle-toi, me taquine-t-elle.

Un éclat de rire si fort m'échappe que je dois me redresser pour reprendre mon souffle.

— Tu auras ma peau un de ces quatre, je plaisante entre deux rires.

— Chut, ne dévoile pas mon plan au grand jour, ricane-t-elle à son tour avant de se lever.

Elle se dirige vers la salle de bain avec sa démarche gracieuse habituelle et je dois presque me faire violence pour ne pas la suivre. Alors que sa silhouette disparaît derrière la porte, je reste un moment à me remémorer les dernières nuits passées ensemble. Malgré le fait que nous ayons « remis le couvercle » plus d'une fois, je suis surpris de constater que je ne suis pas rassasié de son corps. C'est comme une soif que je n'arrive pas à apaiser et plus je la découvre, plus je veux m'enivrer de chaque courbe, chaque souffle, chaque murmure de plaisir. Je secoue la tête pour chasser ces pensées et je me lève à mon tour. 

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant