• CHAPITRE QUATRE-VINGT-DIX-NEUF •

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— Je comprends votre frustration, Monsieur Reed, mais c'est impossible. La diffusion de la vidéo s'accélère à une vitesse fulgurante. Qu'on le veuille ou non, elle sera virale d'ici moins de deux heures selon nos estimations et il nous faudra un peu de temps pour localiser l'origine de la fuite.

— C'est justement pour prévenir ce genre de scandale que je vous paie généreusement.

— Vous ne comprenez pas.

Ma patience s'amenuise d'un claquement de doigts et le monstre fait son entrée.

— Non, c'est vous qui ne comprenez pas, je fulmine. Peu importe les ressources financières, le temps que vous allez y consacrer, ou le nombre de personnes que vous allez devoir mobiliser. J'ai placé ma confiance en vous lorsque vous avez installé le système de sécurité du penthouse. C'est votre merdier Damian, alors faites votre travail correctement et réglez-le ou vous pouvez dire adieu à tous les contrats avec mes entreprises et toutes celles qui travaillent avec moi.

Sans ajouter un mot, je lui raccroche au nez. Des milliers de dollars par an versés à sa société de cybersécurité et voilà le résultat ! Bordel de merde! Je compose sans attendre le numéro de Matthew, le juriste aux dents les plus acérées que je ne connaisse. S'il y a bien quelqu'un capable d'intimider la presse et de contenir ce scandale, c'est lui. Je place le téléphone contre mon oreille dès qu'il décroche, mais l'éclat de rire de la ballerine dans mon dos me glace sur place.

— Je te rappelle.

Je raccroche aussi abruptement qu'avec Damian et me retourne. Angelina serre son verre de vin si fort entre ses doigts que je m'attends presque à le voir éclater. J'essaie de capturer son regard, mais elle bascule la tête en arrière et se perd dans un éclat de rire qui se transforme rapidement en une crise de fou rire qui lui coupe presque la respiration.

— Angelina ? je demande en réduisant la distance entre nous.

Rob lève les yeux de son ordinateur, son expression encore plus perplexe que la mienne.

— Angelina ? j'insiste en m'agenouillant face à elle.

— Oui ? finit-elle par dire lorsqu'elle reprend enfin son souffle.

Ce que je lis dans ses yeux ne me plait pas. J'ai comme le pressentiment que la confiance que nous avons construite pas plus tard qu'il y a cinq minutes est en train de s'effondrer comme un château de sable à mesure que cette vidéo sordide reste en ligne. Elle porte le verre à ses lèvres, mais je lui retire délicatement des mains et le pose au sol près de moi.

— Je pense que tu as assez bu pour ce soir.

Dans ses yeux, je perçois une lueur partagée entre l'incompréhension et la colère, mais elle n'a aucune réaction. Elle se contente de me fixer sans prononcer un mot. On dirait que la tigresse a perdu tout son mordant et je n'aime pas ça. En m'approchant davantage, je réalise que les larmes qui sillonnent ses joues ne sont pas une simple conséquence de son rire.

— Angelina ? Qu'est-ce qui se passe ?

Mes doigts effleurent délicatement la commissure de ses lèvres pour capturer une larme égarée et elle semble soudainement revenir à elle. Elle porte une main tremblante à son visage et semble étonnée de le sentir maintenant baigné de larmes.

— Que se passe-t-il ? je souffle doucement de peur qu'elle ne se brise en mille morceaux.

Sans prévenir, la ballerine m'attire à elle et m'enveloppe dans ses bras. L'étreinte douce et étrangement réconfortante me surprend au point que le tumulte émotionnel qui m'envahit semble momentanément en suspension. Les battements réguliers de son cœur créent une bulle apaisante qui contraste violemment avec le tourbillon de confusion qui règne autour de nous et je demeure là, comme figé dans le temps, jusqu'à ce que Rob quitte la pièce.

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant