BALLERINA

• CHAPITRE SOIXANTE CINQ •

— A —

Je suis dévastée à l'idée de me trouver un nouvel emploi. Je pensais pouvoir profiter d'un peu de répit avant le début des cours, mais apparemment, le destin en a décidé autrement. Je sais que je suis responsable de cette situation, mais cela n'atténue en rien le poids de cette réalité. Je vais devoir faire face à cette épreuve alors que je ne suis même pas sûre d'avoir encore un toit au-dessus de ma tête d'ici là. L'atmosphère à l'appartement est tendue. Evan ne m'adresse plus la parole et ignore carrément ma présence. Jusqu'à présent, nous avions une sorte de routine confortable, une certaine stabilité, mais maintenant tout semble troublé. Alec m'avait prévenu, mais l'entendre de la bouche d'Evan change complètement la donne.

Je compose le numéro de Kris et j'attends avec impatience qu'elle décroche. J'ai l'impression d'être un vase sur le point de déborder de toutes parts. Monsieur bleu acier et moi nous sommes quittés sur une note amère, ma relation avec Evan est en lambeaux et pour couronner le tout, j'ai été licenciée... C'est beaucoup trop pour une seule journée. Après quelques sonneries, j'entends enfin sa voix familière au bout du fil.

— Ody ! Ça fait une éternité ! Comment vas-tu ? s'exclame-t-elle joyeusement.

— Salut, Kris, je réponds d'une voix un peu lasse.

— Qu'est-ce qui se passe, Angy ? s'inquiète-t-elle.

Je prends une profonde inspiration avant de lui dévoiler tous les événements qui ont secoué ma vie récemment. Kris reste silencieuse un moment pour absorber toutes les informations puis elle me demande d'une voix douce :

— Bon, et maintenant, qu'est-ce que tu comptes faire ?

— Par où commencer ? je réponds avec une pointe d'ironie.

— Eh bien, commençons par le plus simple. Evan ? suggère-t-elle

— Le plus simple ? Tu plaisantes, j'espère ?

— Je pense qu'il est impératif d'avoir une discussion honnête avec lui. Clarifiez vos sentiments respectifs et décidez quoi faire ensuite. C'est plutôt évident !

— Depuis quand es-tu devenue experte en relations ? je réplique, amusée malgré moi.

— Eh bien, depuis que tu t'es salement retrouvée dans une sitcom romantique, ma chère ! ricane-t-elle.

— Pourquoi est-ce que je t'ai appelée à l'aide, déjà ?

— La vraie question, c'est pourquoi tu ne l'as pas fait plus tôt ?

Nous éclatons de rire ensemble et pour un bref instant, mes soucis s'évanouissent.

— Franchement, je ne sais même pas par où commencer, je poursuis une fois calmée.

— Tu peux commencer par lui exprimer tes sentiments à toi et laisses-lui aussi l'opportunité de s'expliquer ! Qui sait, peut-être que c'est simplement un malentendu !

— Kris, cela n'a rien d'un malentendu, je me morfonds.

— Peut-être, mais tu n'en auras le cœur net qu'une fois que vous aurez eu cette discussion ! insiste-t-elle.

Je pousse un soupir résigné. Je sais très bien qu'elle a raison, mais je suis bien trop lâche pour engager une conversation avec lui et mettre cartes sur table.

— Je dois filer ! En attendant, réfléchis à ce que tu vas lui dire et si vraiment c'est la pagaille, tu n'auras qu'à plaquer toute ta vie, abandonner tes rêves et venir vivre avec moi à Paris.

— Bonne journée, sorcière !

— À toi aussi !

Je raccroche et je m'apprête à poser mon téléphone, mais une notification attire mon attention. Un message de Monsieur bleu acier. Mon cœur s'emballe malgré moi et une combinaison de curiosité et d'appréhension m'envahit, mais je déverrouille mon portable et je l'ouvre. « Rappelle-moi. » Quelle plaisanterie ! Comme d'habitude, il se passe de toute formule de politesse et il se contente de m'ordonner quoi faire. J'ai presque envie de l'ignorer comme il a ignoré mon texto hier, mais une petite voix me souffle qu'il fait un pas vers moi et que je devrais le prendre en compte. Je décide donc de l'appeler, mais avant même que je puisse me préparer mentalement, il répond.