• CHAPITRE QUATRE-VINGT-DEUX •

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H

Quelle idée de merde! Le corps d'Angelina se presse contre le mien et c'est une proximité que je n'avais pas anticipée. J'ai pris cette décision de la faire monter en moto derrière moi dans le feu de l'action, mais je réalise maintenant à quel point c'était une erreur monumentale. Le vrombissement du moteur n'est plus qu'un murmure face au tumulte de mes pensées. Chaque centimètre de contact entre nos corps ravive des souvenirs que je croyais enterrés. Mes mains se crispent involontairement sur les poignées du guidon, cherchant désespérément un ancrage pour ne pas me laisser entraîner par le tourbillon de sensations contradictoires. La chaleur de sa présence dans mon dos devient de plus en plus étouffante à mesure que la route défile sous mes roues. Chaque courbe semble accentuer la fusion de nos corps et la tentation de fermer les yeux pour me laisser emporter par le frisson de l'instant est aussi forte que le rugissement du moteur. Mon esprit se bat contre les souvenirs qui menacent de s'immiscer dans le présent. C'est la première fois depuis des semaines que nous sommes aussi proches et la tension qui m'habite est palpable. Angelina m'enserre si fort la taille que je crains de ne pas arriver à destination avec toutes mes côtes intactes. Le frémissement de son corps trahit sa peur et bien que l'envie d'accélérer pour mettre fin à mon propre calvaire me démange, je m'astreins à respecter scrupuleusement les limitations. Je musèle de force la voix insidieuse qui murmure que peut-être, de manière inconsciente, j'apprécie cette proximité forcée et je me concentre sur la route.

***

— J'ai une confiance totale envers le personnel de cet hôtel, tu n'as pas à craindre que ta présence ne fuite. La réservation n'est pas à ton nom, donc personne ne te retrouvera. Quoi que tu décides de faire, reste dans cette suite, Angelina. À moins que tu n'aies besoin d'une nouvelle démonstration qu'il vaut mieux écouter mes conseils.

— Autre chose ? rétorque-t-elle avec une pointe de sarcasme dans la voix.

— Un simple merci aurait suffi, je laisse échapper entre mes dents.

— Je dois te... est-ce une blague de mauvais goût ? s'offusque-t-elle.

— Garde ton téléphone avec toi, je t'appellerai demain pour te tenir informée.

— Chef, oui, chef, ironise-t-elle. Au passage, le fait que tu aies toujours mon numéro ne te donne pas le droit de t'en servir à ta guise.

— De quoi parles-tu ?

— Ce n'était pas la peine de m'appeler pour me presser comme un citron.

— De t'appeler ?

Cette femme aime parler en énigme, c'est la seule explication plausible.

— Oui, quand je suis allée récupérer mes affaires, réplique-t-elle.

— Ça n'était pas moi.

— Ah oui ? fait-elle, méfiante.

Son manque flagrant de confiance en moi me dérange anormalement. Je ne devrais plus rien en avoir à faire et pourtant...

— Oui et la preuve en est ce soir. J'ai préféré me déplacer directement jusque chez toi alors que j'aurais pu t'envoyer un message pour te dire de venir.

— Et la bouche en cœur j'aurais probablement accouru pour te rejoindre, ricane-t-elle froidement.

— Je n'ai jamais laissé entendre une telle chose. Tout ce que je dis, c'est que ce n'était pas moi, mais j'ai la sensation que cette information te préoccupe bien moins que la perspective que ce soit...

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant