• CHAPITRE DEUX •

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— H —

Je n'ai pas le temps pour ce genre de désagrément ce soir ! Compte tenu du fait que j'étais absorbé dans les documents que j'étais en train d'étudier, je ne sais pas qui d'Ethan ou de cette jeune femme est en tort et cela ne fait qu'accroître mon agacement. D'une part, car la ceinture de sécurité s'est enfoncée si profondément dans mon épaule que celle-ci me lance atrocement. D'autre part, car je me tiens toujours tel le roi des demeurés la main tendue devant la personne que mon chauffeur vient de renverser. Voici la raison pour laquelle je préfère clairement me déplacer en moto ! J'essaie de faire abstraction de la migraine qui me vrille les tempes depuis la fin de ma réunion pour réfléchir de manière pragmatique à la situation. J'ai expérimenté par le passé de méprisables tentatives d'approche et j'ai eu bien trop souvent affaire à des individus mal intentionnés. Ce type d'incident est un moyen comme un autre de m'atteindre pour eux. Ethan fait certes partie de mon effectif de sécurité rapproché, mais cette inattention de sa part pourrait me couter la vie et depuis l'histoire de Rio et il le sait parfaitement. Puisque je ne connais rien pour le moment de l'identité de cette femme, je serre les mâchoires pour ne pas laisser ma colère prendre le dessus. 

— Mademoiselle ? je l'interpelle.

Je jette un coup d'œil excédé à Ethan qui semble tout autant démuni que moi face à son mutisme.

— Mademoiselle ? je répète.

La patience n'a jamais été mon fort et le fait qu'elle ne sorte pas de sa léthargie m'irrite à un point considérable. Je suis partagé entre l'envie de prendre le temps de m'assurer qu'elle va bien et celle d'en finir au plus vite pour rentrer finaliser le contrat sur lequel je travaillais. Il s'agit d'un accord impliquant plusieurs pays et des millions de dollars. Je n'ai pas que ça à faire de rester planté là en attendant qu'elle daigne m'honorer d'une réponse.

— Mademoiselle, vous semblez sous le choc. Êtes-vous blessée ? tente Ethan. 

La tension dans sa voix est palpable et je sais qu'il a une conscience aigüe de l'état dans lequel je me trouve. Il doit probablement se douter qu'à l'instant même où nous nous remettrons en route, il n'échappera pas à mon courroux. Je reporte tout de même mon attention sur elle, car il doit sans doute viser juste à son sujet. Après tout, ce n'est pas tous les jours que l'on se fait renverser par une voiture. Bien que je ne sois en rien responsable, je décide de m'accroupir à son niveau pour essayer de faire avancer les choses. La lumière des phares berce timidement les contours de son visage et à présent que je l'observe de plus près je suis étonnamment surpris de son charme. Ses yeux d'un vert intense analysent le moindre centimètre carré de ma personne et même si je n'en laisse rien paraître, cela me tend plus que de raison. Elle se sent en droit de me détailler de la tête aux pieds et j'ai comme la sensation étrange qu'elle me soumet à son jugement. Je ne suis pas certain d'apprécier les sentiments que cela engendre. Sa bouche s'entrouvre, comme si elle comptait enfin dire quelque chose, mais elle n'articule aucun mot. C'est officiel, elle me fait perdre un temps monstrueux ! J'attrape son poignet d'une main ferme et je me relève en l'entraînant avec moi. Elle papillonne des yeux pendant quelques petites secondes pour reprendre ses esprits et recule d'un pas pour mettre de la distance entre nous. Sage décision... C'est à mon tour de l'étudier de pied en cap et lorsque j'atteins ses genoux je réalise qu'elle est effectivement blessée comme Ethan le présumait. 

— Vous saignez.

Elle baisse la tête et laisse échapper un juron particulièrement inélégant en français.

— Tempérez vos propos !

D'où ça sort ? Car c'est bien l'hôpital qui se moque royalement de la charité ! N'étant pas un enfant de chœur, c'est plutôt hypocrite de ma part de lui faire ce type de remarque. Mon ton a été à tel point incisif que ses joues se colorent à une vitesse surprenante. Je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi j'ai été pour ainsi dire désenchanté en entendant une bouche aussi voluptueuse que la sienne proférer une telle chose. J'aimerais dire que sa voix m'a laissé insensible, mais ce n'est pas le cas. Étrange... Elle a l'air de comprendre l'anglais, mais sait-elle le parler ? Peut-être est-ce la raison qui l'empêche de s'exprimer. Je m'apprête à essayer une approche différente lorsque sans crier gare elle s'affole en regardant autour d'elle, en proie à une panique subite. Quand elle aperçoit enfin son vélo, son visage entier se métamorphose. Le fait que celui-ci soit endommagé semble de toute évidence la chagriner. Puisque je suis encore sur la réserve la concernant, je ne peux me retenir de penser que si tout ceci fait partie d'un plan bien huilé alors elle joue la comédie à merveille. Néanmoins, si ses intentions étaient mauvaises et qu'elle avait été envoyée dans l'unique but de me nuire, on l'aurait informé du fait que je suis loin d'être le genre d'homme qui s'attendrit pour si peu. Je suis tiraillé par le doute et je ne suis pas habitué à ce genre d'incertitude, je demanderai à ce que l'on enquête à son sujet une fois de retour chez moi. En attendant et même si j'en meurs d'envie au fond, je ne peux décemment pas la laisser livrée à elle-même à une heure aussi tardive. J'ai tout à fait conscience d'être un connard fini, mais parfois mon sens moral me rattrape et il semblerait que ce soit le cas ce soir.

BALLERINAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant