Prologue

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25 Décembre. 08H23

Commission disciplinaire

J. Edgar Hoover FBI Building




L'immense pièce ronde, les murs tapissés de bois précieux sculptés d'images postmodernes et de messages sur les valeurs démocratiques américaines, le plafond suspendu à plusieurs mètres de hauteur, accueillait une assemblée de hauts fonctionnaires de l'administration fédérale. Le gratin de la bureaucratie se tenait en instance pour une réunion de la plus grande importance.

Confortablement installés dans d'imposants sièges en cuir qui leur enveloppaient littéralement le dos, assis autour d'une longue table en acajou formant un arc de cercle, les directeurs de divisions s'étaient expressément déplacés le jour de Noël pour auditionner l'un de leurs subordonnés. Les visages grimaçants démontraient l'agacement que suscitait cette entrevue un jour de festivité. Car Noël ne représentait plus une date à connotation religieuse mais une véritable institution des valeurs familiales. Aussi, le temps de quelques heures, ces hauts dignitaires avaient délaissé leur entourage pour auditionner un jeune agent.

Face à eux, costume sombre, chemise blanche et cravate noire de rigueur, le collaborateur en question patientait paisiblement, le visage rigide et déterminé. Protégé par une simple table rectangulaire, usant l'assise d'une vulgaire chaise de bureau, il attendait que l'on daigne s'adresser à lui. La silhouette dessinée au sol par la projection lumineuse d'une rampe à leds suspendue au dessus de lui, l'agent King n'osait pas bouger, ni même émettre le moindre son. Il ne souhaitait pas déranger ses pères qui se concertaient au sujet de leur présence en ces lieux. Certains exprimaient leur mécontentement, tandis que d'autres ne comprenaient pas l'urgence de la situation.

S'il avait pu se transformer en une petite souris, King en aurait profité pour s'échapper de ce traquenard. Mais face à ses responsabilités, tout échappatoire lui était interdit. Car bien qu'il soit impressionné par ce déploiement d'autorités, il se savait obligé d'affronter ses supérieurs et de répondre de ses actes.

Sauront-ils comprendre ? Etait la seule question qui l'obsédait encore.

Bien qu'intimidé, il ne baissait pas les yeux. Certes, il avait bon nombre de défauts qui puissent lui être reprochés mais la faiblesse n'en faisait pas partie. Ce n'était pas non plus une marque de fierté et d'outrage, mais bel et bien la certitude d'avoir contribué à révéler une affaire d'importance capitale.

Comment leur expliquer ? Dois-je les convaincre ou bien les ignorer ? De toute façon, mes heures au sein du Bureau me sont désormais comptées.

Il dévisageait ces cadres administratifs alors que ces derniers se désintéressaient de lui, pour l'instant. Ils se contentaient de consulter des fiches, dossiers et autres rapports, ou tout du moins, ils s'affairaient à jouer à un jeu malsain en laissant monter la tension.

Le dossier de l'agent spécial figurait en bonne place. Il n'était pas très volumineux mais suffisamment attrayant pour avoir fait déplacer les directeurs de l'ensemble des divisions du Bureau. Les états de service de l'agent King y étaient décrits, ainsi que son ridicule parcours au sein du FBI. L'un des intervenants s'attardait à le consulter, tournant les feuillets lentement. D'autres membres de la commission puisaient quelques informations au sein du dossier qui relatait l'enquête pour laquelle King était auditionné.

Enfin, la Présidente de la commission prit la parole. Derrière ses petites lunettes rectangulaires, cette femme d'une soixantaine d'années, doyenne de l'une des plus anciennes institutions policières profitant d'un régime fédéral, les cheveux courts grisonnants, les yeux d'un bleu perçant, le visage délicat parmi quelques traits révélateurs de son âge, entrouvrit la bouche et laissa échapper quelques mots.

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