Un profond silence s'empara des lieux. Une certaine logique venait d'être dévoilée. Johanna Kaufman pouvait-elle être l'instigatrice de cet attentat ? Même si son mentor avait du mal à le réaliser, l'attitude de cette femme était à même d'éveiller les soupçons la concernant. Les uns et les autres ne pouvaient plus ignorer que leurs recherches n'étaient plus un vulgaire travail mais une quête de la vérité. Leur théorie accablante prenait la forme d'un bien précieux dont certaines âmes impures et mal intentionnées désiraient prendre possession. Winter se remémorait tout le chemin parcouru afin de construire cette pyramide de preuves, pierre par pierre. Il y avait concentré tant d'efforts ces dernières années, étayé une nouvelle approche des fondements qui ont forgé notre civilisation. Tous ces voyages, toutes ces personnes rencontrées, toutes ces reliques retrouvées, ces objets collectionnés, ces écrits déchiffrés, tant d'histoires écoutées par les chefs de civilisations oubliées au fin fond de contrées reculées, tout ceci prenait une envergure qu'il avait jusqu'à présent pas pris le temps d'examiner. Le recul lui fit prendre conscience que cette théorie controversée pouvait, entre de mauvaises mains, déclencher un mouvement de panique au sein des communautés religieuses et être attaquée de toute part pour finir recyclée comme une brève légende des temps modernes. Cela ne pouvait pas se passer de la sorte, aussi, il décida de reprendre ses explications auprès des agents fédéraux. Plus que jamais, il voulait informer ses hôtes de l'ensemble des informations dont il disposait. Si ces données leurs permettaient de poursuivre la piste de la fugitive, il aurait encore une chance pour que son travail ne se retrouve pas dans les tabloïds des prochains jours.
De son côté, Cross avait passé plusieurs appels téléphoniques. A sa grande surprise personne n'avait entendu parler de Johanna Kaufman dans le monde de l'édition. Les médias n'avaient pas entendu parler de l'archéologue et les télévisions locales étaient de toute façon trop occupées à couvrir les fêtes de fin d'année et à fignoler les derniers préparatifs en vue de l'intervention du Président.
Quant à King, d'abord frustré de devoir se coltiner sa jeune collègue sur une enquête délicate, il se réjouissait de constater qu'elle disposait d'un certain pouvoir dans les cercles littéraires et éditoriaux. De plus, son nom agissait comme un passe lui permettant d'avoir accès à toutes les autorités. Les grands pontes des divers médias, ceux qui semblaient trop occupés pour qui que ce soit, se libéraient un bref instant pour répondre aux demandes de Délinda Cross. Soudain, il décida de consulter le dossier de Cross qu'il avait emmené avec lui dans sa sacoche et n'avait pas pris le temps d'éplucher. Il avait juste survolé ses états de service. Elle avait apporté sa contribution dans quelques affaires mais jamais sur une enquête aussi importante. Son statut d'agent intérimaire s'accréditait de tous les passe-droits liés au Bureau alors qu'elle n'était en réalité qu'une consultante à qui Lasky faisait parfois appel pour glaner des informations juteuses. Cross n'était rien d'autre qu'une indic du multimédia. Il se mit alors à l'écart, un bref instant, et lut l'état civil de la jeune femme, en fait, la première page de son dossier.
Elle venait de fêter ses vingt sept ans, célibataire, pas d'enfants, il ne ressortait rien d'intéressant de ce document. Cross semblait avoir le parcours analogue à toute personne ambitieuse et passionnée. Elle ne se laissait pas envahir par de quelconques plaisirs de la vie, seul son boulot et ses accréditations dans les sphères du pouvoir semblaient lui fournir un but louable dans sa vie simple et triste.
Le second feuillet de son dossier était un document officiel de l'administration d'adoption des enfants. Il y était clairement stipulé qu'elle était née de père et de mère inconnus.
Etrange, se demanda King, bon nombre de gamins ne connaissent pas leur géniteur, mais dans quelles conditions est-elle venue au monde pour que même l'identité de sa mère n'apparaisse nulle part ?
Les termes utilisés étaient très explicites. L'enfant n'était pas née sous X, comme cela se produit parfois, non. Elle était née de père et de mère inconnus.
Elle aurait été abandonnée dès la naissance et remise directement aux autorités compétentes par une tiers personne ?
Au lendemain de son inscription dans un orphelinat de la côte Ouest, elle fit l'objet d'une demande d'adoption.
Moi qui croyais que les demandes d'adoption étaient longues, pénibles et contraignantes, il y en a qui ne perde pas de temps. A moins qu'ils aient le bras long.
En effet, l'enfant fut adoptée par un puissant milliardaire, propriétaire d'innombrables réseaux médiatiques, patron de chaînes, de journaux, de radio et de sites informels sur Internet. Elle fut adoptée Cross, le nom de jeune fille de la défunte épouse du milliardaire. Et on lui donna le prénom de Délinda. King comprit immédiatement d'où venait ce pouvoir dont pouvait user la jeune femme. Son cher papa avait déblayé le passage pour elle. Mais cela n'expliquait pas pourquoi elle s'obstinait à travailler, et qui plus est de rendre service au FBI. La fortune de son paternel l'enfermait dans une bulle douillette et sécurisante, alors pourquoi se mettre en danger en travaillant ? A moins qu'elle ne sache d'où elle vienne et qu'elle ait cette volonté à se construire toute seule, ce qui serait très honorable. Si elle était aussi indépendante, seule, sans amis connus, sans relations sérieuses, peut-être avait-elle réclamé son émancipation et refusé l'aide et l'argent de papa. Aujourd'hui il ne lui restait que son nom. King ressentit de la pitié, bien qu'il ne s'en fit pas pour elle car son physique et son aplomb lui permettraient de ne jamais manquer de rien.
Le flic se préconisait de fouiller davantage dans le passé de son accompagnatrice, mais l'homme lui indiquait de refermer le dossier et de rejoindre les autres au plus vite, ce qu'il fit.

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MASTERS OF THE MAN
Mystery / ThrillerCar il n'y a rien de caché qui ne soit manifesté, ni rien de secret qui ne soit connu et ne vienne à la lumière.. Luc 8.17 .................................................. Depuis l'aube des temps et quelques soient les civilisations, les cultures...