LXXIV

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24 Décembre. 19H52.

Dans un bar à proximité de l'antenne locale du FBI.




La pression de ces dernières heures avait laissé à King un goût amer dans la bouche : son dossier à rendre avec ses conclusions, le décès de Johanna Kaufman à enregistrer, prises de nouvelles des membres de la section Trinité et les questions quant à la possible implication de Lasky dans une cellule terroriste, c'en était trop. Aussi, il décida d'appeler Delinda chez elle afin de l'inviter à partager un verre avec lui. Ils se retrouvèrent dans un bar irlandais à deux pâtés de maison du bâtiment officiel du FBI.

Premier arrivé, King s'accoudait au comptoir et commandait un whisky. L'endroit était simple mais chaleureux et convivial. Contrairement à d'autres lieux, le patron n'avait pas décoré son bar d'innombrables empruntes festives pour commémorer les fêtes à l'honneur de cette fin d'année. D'ailleurs, les quelques clients ici, ce soir étaient comme ce flic, soit éreintés après une trop longue journée, soit sans famille ni amis avec qui fêter Noël.

Il saisit un quotidien qui traînait sur le comptoir en zinc, l'entrouvrit et tomba sur un article spécial consacré à la Cité du Vatican et sur quelques propositions d'études afin de moderniser l'église catholique, ainsi que la doctrine. Il y était, en outre, question de revendications de la jeunesse catholique quant à l'utilisation du préservatif, les règles de célibat des prêtres ou encore la permission aux femmes d'être ordonnées prêtres.

Tout ceci le laissait perplexe.

Comment autant de catholiques, de musulmans, de juifs, de protestants, d'orthodoxes, de bouddhistes, et d'hindouistes, et tous ces pauvres malheureux qui reposent leurs espoirs sur un Dieu unique feraient-ils s'ils apprenaient toute la vérité sur les origines célestes et génétiques de notre présence sur cette planète ?

Tous ces mensonges révélés ces derniers jours avaient suscité la curiosité et les craintes de l'atomiste.

Dois-je avoir peur d'entendre les faits et d'accepter que la vérité ne soit pas aussi rose que je l'aurais espérée ?

Il dut se résigner à contenir ses pensées les plus obscures pour ne pas s'égarer dans un tourbillon nauséabond d'inlassables questions et garder le si peu de lucidité qui lui était encore accordé. Car non, il ne devait pas avoir peur de ces vérités, mais plutôt de tous ces mensonges qu'il lui restait encore à découvrir.

Le plus étonnant, c'est d'avoir conscience que le pire fléau pour l'homme soit l'homme lui-même, s'imagina t-il, à cause de sa suffisance et de son manque d'humilité. Nous estimons depuis l'aube des temps être les maîtres de l'univers sous prétexte que nous sommes dotés d'intelligence, quels balivernes. Cette intelligence qui nous fait défaut repousse toujours les limites de la vérité. Et pour maintenir le contrôle, pour contenir les esprits, on se ment à nous-mêmes. Alors jusqu'où irons-nous, les hommes, pour dissimuler l'existence de ces dieux, de ces Néfilim ? Il serait peut-être temps, désormais, d'aller à leur rencontre plutôt que d'occulter leur présence en des temps antiques et leur interaction sur notre civilisation.

Le barman lui servait son poison lorsqu'il sentit la porte de l'établissement s'ouvrir et tous les regards se détourner. En temps normal, sa curiosité l'aurait stimulé à en faire autant, mais il n'en fit rien, scrutant juste son malt d'un brun orangé s'éclaircissant au fur et à mesure que le glaçon fondait. Il savait ce qui attirait tous les yeux.

Delinda Cross fit ses premiers pas dans la brasserie.

Une main chaleureuse vint se poser sur l'épaule de King. Il se retourna lentement et contempla sa silhouette. Elle était là, face à lui, dans une tenue décontractée qui ne laissait pas ses formes indifférentes aux regards des autres clients. Ses cheveux tirés en arrière et attachés façon queue de cheval révélaient la délicatesse de son cou. Elle était resplendissante.

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