XXVIII

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Sous des airs délicats, son parfum naturel embaumant la pièce, Delinda Cross marquait les esprits. Depuis son plus jeune âge les garçons la voyaient resplendissante, telle la déesse Aphrodite. Elle n'avait jamais réclamé cette image de fille sulfureuse, sûre d'elle, fatale et envoûtante, mais elle devait faire avec. Ce don, elle ne savait pas d'où il provenait. Il était juste dans ses gènes. Au début, elle acceptait sa grande beauté, jouant d'elle au détriment des jeunes garçons. Mais très vite, en grandissant, ce corps magnifique, cette finesse soyeuse et ce teint merveilleux avaient eu raison d'elle. Les hommes avaient tendance à la fuir. Ils s'intéressaient à elle de temps à autre pour assouvir leurs fantasmes d'un soir, chose qui pouvait parfois lui convenir, mais le manque affectif creusait en elle une plaie douloureuse. Le pire de la situation, c'est que même lorsqu'elle était malheureuse et que le chagrin l'envahissait, son aura attrayant ne s'en trouvait qu'accru.

Sans parents, un père adoptif quasi absent, sa vie était rythmée par des bals, des invitations mondaines, des réunions dans des cercles de bonnes familles et les interminables heures qu'elle passait au journal. Sa bouffée d'air frais se trouvait dans ces missions éphémères pour le compte du FBI. Jouer les détectives lui apportait un plaisir passionnel, comme si elle avait toujours été faite pour cela. Son pouvoir, sa beauté, lui permettait de soutirer des informations importantes auprès d'hommes peu enclin à exprimer leurs petits secrets. Sa plastique était sa force. Son déshonneur fut que les hommes qu'elle charmait ne tentent même pas de coucher avec elle pour divulguer leurs croustillantes informations sous l'oreiller. Ils la draguaient mais cela n'allait jamais plus loin. Ils étaient trop apeurés par ce physique qu'ils ne méritaient pas. Trop souvent Délinda Cross était perçue comme une poupée Barbie sans grande conversation, ni culture, et tout juste bonne à être d'agréable compagnie. Cette beauté ténébreuse lui portait préjudice. Cette distance qui la mettait à l'écart de toute relation sentimentale la troublait, car elle se sentait de plus en plus exclue de toutes vies sociales. Sans compter qu'elle ne se sentait pas à l'aise dans ce corps. Certes elle rayonnait, mais cette lumière la projetait aussi dans une profonde solitude.

D'où pouvait bien provenir ce don ? Sa mère était-elle, elle aussi, très belle ? Ou bien était-elle unique ? Elle ne l'espérait pas.

Son abandon alors qu'elle n'était qu'un bébé, avait forgé en elle une soif d'enfanter. La jeune femme était très désireuse de fonder une famille. Mais elle n'avait pas encore trouvé chaussure à son pied. Pour une fois, ce n'était pas elle Cendrillon. Elle était en quête du grand amour, d'un amour sincère, d'une vie de couple épanouie. La raison veillait à ce qu'elle ne s'égare pas trop loin dans ses fantasmes.

Une vie de couple épanouie, cela existe t-il vraiment ? Se dit-elle. Avec la vie que je mène, je ne risque pas de trouver le prince charmant de si tôt. Mais bon, laisses donc faire les choses Delinda, tu rencontreras sûrement quelqu'un au moment le moins opportun. Sois juste patiente, se convaincu-t-elle.

Ce qui était sûr, c'est qu'elle ne le trouverait pas là. Les membres de la loge Trinité avaient tous l'air charmant mais beaucoup trop cultivés pour elle. Elle ne voulait pas que sa vie rêvée ne tourne qu'à un simulacre de comparaisons cérébrales. La compétition intellectuelle ne l'enchantait guère. En revanche, son chef lui plaisait bien. Elle fut séduite dès l'instant qu'elle croisa son regard. Mais elle ne mélangeait pas le boulot et le plaisir. Et puis, fonder une famille avec un agent du FBI, de surcroît avec un spécialiste en armement atomique, ce devait être d'un ennui.

Non, ne mets pas le grappin dessus ma fille, tu vas le regretter, ne s'empêcha t-elle de penser.

Ce qui était agréable au sein de ce petit groupe, c'est que ces individus avaient d'abord été troublés par son joli minois mais qu'ensuite, ils ne s'y étaient plus arrêtés, comme s'il étaient passés outre pour ne voir que la Femme qu'elle représentait. Elle appréciait ce qu'elle considérait être une marque de respect. En contre-partie, elle écoutait assidûment ce qu'ils avaient à dire, retenant chacun de leurs mots. Elle buvait leurs phrases tout en acceptant que la vie puisse être tronquées d'une multitude de vérités.

La théorie visant à discréditer les enseignements de milliers d'années au profit d'une fable à propos de Dieux descendus du ciel éveillait en elle un intérêt qu'elle n'aurait pas soupçonné. Quelque chose en elle lui indiquait qu'il fallait suivre cette piste plutôt que n'importe quelle autre. Ces scientifiques les conduiraient sur le droit chemin, celui de la vérité.

C'est l'espoir auquel elle s'agrippait.


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