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22 Décembre. 02H34.

Planque du groupe d'intervention antiterroriste.

Salt Lake City.




Bensousan et Perlman en profitaient pour se reposer. Allongés sur des lits de camps, ils tentaient de trouver le sommeil en attendant que le jour se lève. Bien que leur escapade à New-York les ait physiquement sollicités, ils n'en demeuraient pas moins énervés et agités. La menace planant au-dessus du drapeau étoilé leur suggérait d'imaginer les pires scénari.

De son côté, Roberts n'était pas en reste. Ses étirements intempestifs pour se décontracter et renouer avec quelques sources d'énergie se faisaient entendre dans toutes les pièces de la maison. Ses yeux, aux pupilles pigmentées de points rougeâtres, peinaient à rester ouverts. Malgré tout, l'informaticien persévérait dans sa tâche, se concentrant sur l'écran de son ordinateur. Il épluchait des centaines de pages transcrites par Internet en quête de la moindre information s'apparentant à Johanna Kaufman, ou encore à son texte codé. Malheureusement, et bien qu'il soit fort brillant dans son domaine, il n'arrivait pas à démanteler ce mystère. D'une part, rien ne rattachait la fugitive à une éventuelle escapade ; pas de traces de billet d'avion, de train, de course de taxi, rien qui puisse affirmer qu'elle se soit bel et bien enfui. Sa carte bancaire n'avait pas été utilisée depuis des mois, mais elle avait fermé son compte d'épargne et il parut judicieux de croire qu'elle puisse vivre et se déplacer désormais qu'à l'aide de l'argent en espèces dont elle disposait. Son téléphone portable n'avait émis aucun appel, ni de message. Quant à son compte de messagerie informatique, c'était le black-out depuis de nombreux jours. En somme, la jeune femme, alors que sa photo naviguait sur tous les serveurs des forces de l'ordre et était véhiculée par les policiers dans chaque lieu public, semblait avoir disparue de la surface du globe. En grand professionnel, Roberts s'éternisait à consulter les diverses bases de données pour dénicher le moindre indice, en vain. La situation devenait désespérante.

Les questions s'amoncelaient plus vite qu'il ne le souhaitait, jusqu'à presque embarrasser son esprit.

A ce moment là, pourquoi n'a-t-elle pas laissé un écriteau avec ses coordonnées GPS, pour nous indiquer où elle se trouve, réfléchit Roberts. Enfin !Où vous cachez-vous Johanna Kaufman ? Ne vous en faites pas, je finirai bien par le savoir. Personne ne peut échapper à l'ère numérique. Personne ne peut m'échapper. Où que vous soyiez, je vous retrouverai.

Dans son dos, un craquement le fit sursauter. Des pas se firent entendre dans le corridor. Personne ne s'était annoncé. Les agents postés à l'extérieur n'avaient signalé aucune intrusion, ni de visites.

En agent aguerri, Roberts posa instinctivement sa main sur le holster de son arme placée à la ceinture. Il se retourna brusquement, se releva et mit l'ouverture de la porte en joue. Soudain, une ombre fit son apparition. Une silhouette se dessina sur les murs assombris de la pièce. Enfin, un visage se révéla. Chose des plus étonnantes, l'individu qui se trouvait face à lui était la dernière personne qu'il s'attendait à voir ici, en ces lieux. David J. Lasky, son directeur et acteur primordial au sein du Bureau du FBI, leur rendait une visite de courtoisie.

La démarche nonchalante, Lasky inspectait comment son équipe était installée. Il remarqua ses deux collègues couchés dans une pièce voisine mais ne leur en tint pas rigueur, connaissant le type de journée qu'ils avaient dû essuyer. Lui aussi était passé par là, mais il y avait si longtemps. Depuis plus d'une dizaine d'années, il n'était pas sorti du bâtiment fédéral où il siégeait. C'est pour cette raison que Roberts fut si surpris de le voir sur le terrain.

Lasky prétexta qu'il souhaitait avoir des nouvelles sur l'avancement de l'enquête, mais l'informaticien n'était pas dupe. Lasky aurait pu, comme à son habitude, leur téléphoner ou bien leur envoyer un mail.

Pourquoi se déplacer ? Pourquoi ce retour sur le terrain ? Pourquoi maintenant ?Que cherche t-il donc ?

Ayant rangé soigneusement son arme de service, le jeune subalterne scrutait chaque fait et geste de son Directeur. Il savait qu'il ne devait pas commettre d'impaires car Lasky avait le pouvoir de faire la pluie et le beau temps au Bureau. Autant être dans ses petits papiers. Donc, instinctivement, le jeune informaticien se mit sur la défensive, répondant à toutes les questions de son chef, tentant de faire bonne figure tout en se demandant continuellement pourquoi ce grand ponte du Bureau était là, dans une planque à l'autre bout de la ville.

Mais bon ! S'il n'a rien d'autre à foutre, c'est son problème. Pourvu qu'il en termine rapidement, que je puisse faire mon job.

Roberts l'informa de la fouille du domicile de Kaufman, des documents sous scellés qu'ils devaient exploiter et du message décodé qu'il était en train d'étudier. Il se cacha bien de lui dire qu'il avait suscité une aide extérieure afin de comprendre ce qui était dissimulé au travers de ce codage complexe. Puis, il lui expliqua que King et Cross exploitaient une autre piste et qu'ils se trouvaient à Washington.

Lasky ne resta qu'un bref instant, avant de s'esquiver et de rejoindre son antre. Quant à Roberts, ses questions n'étaient pas en reste.

Est-ce une visite de courtoisie ou bien une surveillance en bonne et due forme ?

Roberts attendit que son chef soit définitivement parti et se prépara un tasse de café tout en repensant à cette inopportune visite.

Etrange comportement, commenta t-il.

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