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Il allait de surprises en découvertes, plus invraisemblables les unes que les autres et pourtant, le fil conducteur paraissait si limpide et logique. King mettait alors toutes ses idées reçues de côté et se concentrait à apprendre, en apprendre le maximum, sans pour autant se détourner de sa tâche. Il ne cessait de scruter maladivement sa montre dans l'espoir que le temps ne se fige. Mais il n'en était rien, et plus il s'éduquait et s'orientait malgré lui dans cette fabuleuse quête, plus son instinct lui dictait que Johanna Kaufman était pourchassée par un grand danger. Peu à peu, il ne la voyait plus comme la terroriste potentielle qui serait susceptible de porter défaut aux Etats-Unis d'Amérique. Il prenait conscience que ses connaissances valaient à la jeune femme d'être la cible de puissantes organisations prêtes à tout pour étouffer ce secret. Ou pire encore, s'emparer du trésor.

Dans cette affaire, toutes les pistes auraient été bonnes à suivre, mais il aura fallu que je suive celle-ci, se répéta King. Serait-ce un signe ? Qui m'a guidé dans cette direction, vers la vérité ? Les Néfilim auraient-ils développé le pouvoir d'interagir dans les esprits, et par conséquent dans ma tête ? Ou est-ce uniquement le fruit du hasard ?

Les questions se bousculaient de plus belles depuis son réveil. Et le professeur Wagner continuait son récit captivant.

Les Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon sont ainsi devenus les Chevaliers du Temple. L'Ordre fut même reconnu officiellement par la papauté lors du Concile de Troyes le 14 janvier 1128.Ils devinrent alors les Templiers que nous connaissons ?Lors du Concile de Troyes, sous l'impulsion de Bernard de Clairvaux, fut votée officiellement la nouvelle congrégation des Règles de l'Ordre. En fait, celle-ci n'a fait qu'approuver ce qui pré-existait déjà. Cette règle, rédigée en latin, comporte soixante-huit chapitres et subordonne les Templiers à l'autorité du Patriarche de Jérusalem. Ils prirent alors leur sceau : deux chevaliers montés sur un même cheval. Certains érudits diront que cet emblème représente la pauvreté de l'Ordre. Mais nous savons désormais qu'ils étaient plus riches que Crésus. Non, ce sceau est beaucoup plus profond que cela. Il symbolise plusieurs choses : la double nature de l'Ordre, exotérique et ésotérique, guerrière et monastique. L'on peut aussi y voir la double nature de l'homme : divine et humaine. Ou encore la tripartition de l'être en spiritus[esprit], animus[âme] et corpus[corps]. Tout est question d'interprétation. Mais, en aucune façon, il ne serait question, à travers ce sceau, de pauvreté de l'Ordre.J'entends bien. Mais pour en revenir à la quête des Templiers, ils sont donc venus récupérer l'Arche d'Alliance ? Questionna le flic d'un air obsédé et impatient.Pas exactement. Ils étaient en quête de tout autre chose. Ils cherchaient ce qui alimentait depuis quelques temps déjà les légendes du royaume français. Ils étaient en quête, selon la légende d'Arthur, du Graal, du Saint Graal. Et ils savaient pertinemment où chercher. Aussi, lorsque Baudouin II leur confia l'ancien Temple de Salomon comme lieu de recueil, ils y virent une opportunité unique de protéger les reliques sacrées.Et sommes-nous sûr de ce qu'ils ont trouvé là-bas ?Il n'existe aucune preuve de ce qu'ils ont découvert. Leurs connaissances des écritures bibliques, leur foi et leur détermination les ont inéluctablement conduits à engager des recherches précises sur les ruines de cet ancien Temple religieux. Ce dont nous sommes quasiment sûrs c'est qu'ils ont entrepris des fouilles archéologiques et qu'en 1139 le pape Innocent II émettait la bulle pontificale Omne Datum Optimum qui deviendrait la source de tous les privilèges du Temple. En moins de vingt ans, ils ont totalement changé la face du monde. C'était le premier ordre religieux et militaire d'Europe. Ils se sont organisés, ont créé un système monétaire et financier révolutionnaires, sont devenus maîtres dans l'art de la guerre, se sont cultivés intellectuellement et spirituellement, et se sont enrichis comme aucune autre loge auparavant, comme s'ils étaient doté d'une puissance invincible leur permettant d'acquérir toutes sortes de reconnaissances et de richesses. Que s'est-il donc passé pour que la chrétienté leur accorde tant de pouvoir ? Qu'est-ce que le pape pouvait-il craindre ? A ces questions il est bon de supposer qu'ils avaient mis la main sur un trésor plus puissant que l'or ou l'argent.Ils étaient détenteurs d'une puissance bien plus supérieure que celle que pouvait dicter le catholicisme.Précisément. Et ils s'en sont servis pour faire pression.Je vois.Ce n'est qu'en 1146 que le Pape Eugène IIIi leur attribua le port d'une tunique blanche et de la croix pattée rouge. Dès lors, les Templiers ne cesseront de grandir et bientôt, ils posséderont des commanderies dans toute l'Europe jusqu'en Palestine. L'Ordre affrètera même sa propre flotte maritime, basée à La Rochelle. De là, partaient les navires à destination du Levant, et c'est dans ce port qu'arrivaient les bateaux provenant d'Angleterre et de Bretagne.Ils faisaient également du commerce ?Si on veut. Durant deux siècles, du début du douzième à la fin du treizième, l'histoire de l'Ordre se confond avec les Croisades. Mais l'Ordre prospéra, sans faille, obsédé de devenir tout puissant. L'Ordre devenait un état dans l'état. Les Templiers étaient influents et riches. De plus, ils exerçaient toujours une pression malsaine sur la papauté. Le pape était comme enclavé entre ses responsabilités d'élu de l'Eglise, ses rapports de force avec les différentes royautés d'Europe craignant à leur butin, et le pouvoir divin dont disposaient les chevaliers blancs. Non seulement la religion chrétienne était sous l'emprise des Templiers, mais ils devenaient plus riches et plus puissant que le roi de France lui-même. Autant dire qu'à cette époque, ils se firent des ennemis. Et après qu'il aient perdu Jérusalem, la royauté vit cette défaite d'un mauvais œil et décida de s'occuper d'eux, et de leurs richesses.C'est là qu'ils furent décimés ?Le 13 octobre 1307, un vendredi. Les sergents du Roi Philippe IV de Franceii, dit Philippe Le Bel, envoyés discrètement aux quatre coins du royaume, assassinèrent une grande majorité des Templiers et font prisonniers les autres. Guillaume de Nogaretiii et des hommes d'armes pénètrèrent dans l'enceinte du Temple de Paris où résidait le grand maître Jacques de Molayiv, et le firent prisonnier.Je présume qu'on les a alors déchus de leurs biens.Dès leur arrestation, en effet. Et le magot était colossal puisqu'on parle de près de six mille chevaliers avec monture, des terres dont près de vingt mille commanderies et exploitations agricoles, rien que sur le territoire de la couronne de France. Philippe Le Bel réquisitionna tout ce qui appartenait à la loge templière. Le pape, lui, vit une occasion exceptionnelle de retrouver la face et de s'emparer de la puissance céleste qui était jusqu'alors entre les mains des Templiers. De son côté, le roi de France pouvait assainir ses dettes auprès de l'Ordre et ainsi poursuivre ses guerres. La dissolution des Templiers fut une aubaine pour les autorités royales et religieuses.Tout le monde y trouva son compte, si je puis dire. Sauf peut-être les Templiers.D'après les documents de l'enquête pontificale, qui contient jusqu'à vingt-sept rubriques, les Templiers étaient accusés principalement de simonie, d'hérésie, d'idolâtrie, de magie et de sodomie. Accessoirement, ils furent accusés d'imposer à leurs néophytes le reniement du Christ, le crachat sur le crucifix et le don de baisers obscènes. En somme, tous les prétextes furent bons pour salir le nom des Templiers et de l'Ordre.

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