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23 Décembre. 04H12.

Lot. Cottonwood, Salt Lake City.

Lieu de Résidence de David J. Lasky.




Les forces de l'ordre étaient déjà arrivées sur les lieux, sirènes hurlantes, prenant les habitants du quartier dans leur sommeil. Un important dispositif de sécurité se déployait autour de la maison, celle-là même qui recelait un spectacle affligeant. Des hommes en scaphandre descendirent dans le sous-sol que Lasky avait fait aménagé pour prendre soin du cadavre de son épouse, ou tout du moins du caisson qui la renfermait. Ils prirent le plus grand soin pour débrancher l'ensemble des équipements sans perdre de temps, ni même s'attarder à chercher leurs fonctions, comme s'ils savaient précisément de quoi il était question. Alors que la cage vitrée contenant le corps de la défunte était transportée hors de la pièce forte, une autre équipe démontait tous les équipements électroniques et les remontait pour les stocker à l'arrière d'un camion estampillé au nom de la FEMA.

Qu'est-ce que la FEMA vient faire là-dedans ? Se demanda Perlman.

Il ne trouva aucune réponse. Deux agents d'une administration analogue les prirent à part, lui et son camarade d'armes, pour faire un débriefing à l'arrière de l'un des 4x4 qui accompagnaient le cortège.

Tout alla très vite.

Alors que les agents du FBI s'entretenaient avec de présumés membres d'une agence d'élite raccordée à l'office gouvernemental, un cordon de sécurité fut implanté dans un rayon de deux pâtés de maison. Une incroyable effervescence régnait dans ce lotissement aux habitudes tranquilles. Les voisins qui osaient sortir le bout de leur nez, malgré le froid et la neige virevoltante, étaient sommés de se barricader chez eux. L'état d'urgence semblait être décrété. Tout à coup, ils eurent le sentiment qu'une haute autorité venait d'établir la loi martiale. Car la manœuvre, si bien orchestrée, préparée et réalisée avec précision, ressemblait en tout point à une opération para-militaire.

L'agent qui s'occupait de Perlman ne cessait de le harceler de questions aussi diverses qu'absurdes. Il le questionnait sur son emploi du temps de la veille tout en rebondissant sur des questions d'actualité, d'éventuels troubles mentaux, des questions d'ordre physique ou encore sur son expérience au sein du Bureau. Jusqu'à ce que son enseignement reçu à Quantico lui revint en tête. On tentait de l'embrouiller pour qu'il se concentre sur la cherche des réponses, alors que le but initial était d'occuper son esprit afin qu'il ne voie pas se qui se passait tout autour de lui. La méthode était classique mais passait très bien pour réorienter les sujets et diriger les interprétations intellectuelles. C'était un tour de magie bien connue, occuper l'acuité visuelle et intellectuelle de l'intéressé tandis que l'action se passait ailleurs. Ainsi, il ne se rendait pas compte de se qui se tramait tout autour de lui.

Bien qu'il se plia à ce petit jeu quelques instants, cet homme de terrain, rompu à tant d'années d'expertise en milieux hostiles, n'allait pas se laisser berner par quelques questions manipulatrices.

Il détourna le regard et vit qu'on embarquait un corps dans une bâche sombre.

Lasky, vraisemblablement, se dit-il.

Puis, il revint aux questions de son interrogateur. Il ne put s'empêcher, en outre, de détourner une nouvelle fois son regard et de croiser celui de Bensousan. Ce dernier gardait sur le visage la trace gravée de l'incompréhension. Pourquoi serait-il surpris ?

De quelle agence êtes-vous déjà ? Demanda t-il.

Mais la réponse se fit attendre.

Il comprit ce qui se tramait. Ni l'un, ni l'autre n'avaient appelé les secours. Personne n'avait réclamé d'aide. Alors que faisaient tous ces hommes ici ? Qui les avait fait venir ?

Le temps qu'il reprenne ses esprits, la fourmilière d'individus contenus dans leurs tenues spéciales anti-bactériologiques s'activait à rejoindre les véhicules au pas de course. Les camions et les gros 4x4 sombres disparurent dans la nuit comme ils étaient venus. Les deux agents du FBI se retrouvèrent seuls, au milieu de la rue. Quelques peu hébétés, dans l'incompréhension la plus totale, ils ne cessèrent de se fixer en attendant que l'un ou l'autre ne réagissent.

Soudain, une déflagration fit trembler le sol sous leurs pieds, et un souffle chaud et brûlant vint les déstabiliser. La maison de Lasky venait d'exploser, projetant des débris haut dans le ciel. Les flammes d'un rouge hardant montaient à plusieurs mètres au-dessus de leurs têtes, canalisées dans un cône dont la pointe éclairait désormais tout le lotissement. Le sous-sol avait été soigneusement rempli d'un puissant accélérateur et de quelques bâtons de TNT.

L'habitat de leur supérieur venait d'être soufflé et il ne restait plus qu'un large cratère au milieu d'un carré de pelouse noircie.

Le tandem de flic était totalement désemparé. Des individus venus de nulle part avaient réquisitionné, sous leur nez, toutes les pièces à convictions et détruit la scène de crime.

L'opération n'avait duré que quatre à cinq minutes. Tout était si bien orchestré, chronométré, que seuls des professionnels parfaitement entraînés pouvaient s'attribuer une telle opération.



A aucun moment les agents Bensousan et Perlman ne se sont doutés qu'il puisse s'agir d'une mascarade tentant à les distraire afin de récupérer les pièces à conviction ?Madame, malgré tout le respect que je vous dois, à vous et à ce tribunal, je ne pense pas qu'une telle opération manipulatrice pourrait nous effleurer l'esprit.Tout de même ! Perlman est pourtant un agent rompu aux infiltrations de terrain, non ?Certes. Mais sans insister pour prendre leur défense, je crois que ces hommes, quels qu'ils soient, étaient des professionnels parfaitement entraînés.Qu'est-ce qui vous permet d'avancer de tels arguments ?Je ne voudrais pas vous offenser mais vous connaissez beaucoup d'individus prêts à se mettre en péril en tentant de dérouter une équipe du FBI ?Justement, vos hommes auraient dû être sensibilisés à toutes menaces.Je me porte garant de la loyauté de mes hommes, et si c'est un coupable que vous recherchez, vous pouvez m'inculper. Je prends sur moi l'entière responsabilité de ce qui s'est produit. Parce qu'en ce qui me concerne, je n'aurais pas fait mieux qu'eux.Nous n'oublierons pas de le mentionner au moment de rendre notre jugement.J'espère alors que vous savez ce que vous faites. Car moi, j'assume le résultat de mon enquête.Peut-être, mais en attendant le verdict, n'oubliez pas que vous êtes dans un tribunal et entendu pour des délits qui risquent de bouleverser votre avenir.J'entends parfaitement ce que vous dites, Madame.


Au bout de quelques minutes, d'autres sirènes s'approchèrent. Les pompiers, cette fois contactés par les voisins, arrivaient pour finir le travail et éteindre le foyer.

En un instant, une équipe expérimentée avait su faire table rase sur les agissements énigmatiques de Lasky. Il résidait maintenant de nombreuses questions.

Qui a subventionné tous ces travaux et cette expérimentation ? S'interrogea Perlman. Qui sont ces gars venus récupérer toutes traces de cette expérience ? Est-ce les mêmes individus ? Et Lasky, que leur fournissait-il en échange ?

Désormais, ils n'avaient plus d'autres choix que de prévenir King. Une enquête interne aurait lieu. Si Lasky était une taupe, il était peut-être aussi en rapport direct avec l'enquête sur laquelle travaillait King. Il lui fallait donc savoir où il mettait les pieds afin de ne pas subir le même sort. Les deux flics en conclurent que Lasky ne s'était pas simplement suicidé pour accompagner sa femme dans la mort, mais parce qu'il avait peur. Peur de représailles.

Dans quel merdier il s'est embarqué ?

MASTERS OF THE MANOù les histoires vivent. Découvrez maintenant