XVII

10 0 0
                                    

22 Décembre. 04H43.

Lieu de résidence de PeterWinter.

Hôtel Willard Intercontinental Washington.




Winter avait invité le FBI a séjourné le reste de cette nuit sordide dans ses appartements, au quatrième étage du majestueux bâtiment donnant sur America Main Street. A chaque extrémité de l'interminable Pennsylvania Avenue, se trouvait d'un côté le Capitole, et à son opposé, La Maison Blanche. Cet axe incontournable de la capitale américaine battait son plein les jours d'investiture du nouveau Président. Mais cette nuit, la circulation était fluide et l'avenue encore dégagée,ce qui semblait inhabituel. Cette plénitude ne durerait pas, dans quelques heures, le jour se lèverait et un incessant balai de véhicules de toutes sortes envahirait les voies et martèlerait son bitume glacial.

Pour l'heure, les rescapés de l'incendie avaient élu domicile chez l'archéologue. Ce dernier vivait à l'hôtel lorsqu'il n'était pas en voyage aux quatre coins du monde. Dernièrement, il n'avait même pas trouvé le temps de déballer toutes ses valises car il s'était précipité dans son boulot, au sein du Smithonian. Mais, depuis peu, son œuvre se trouvait compromise, l'incendie ayant saccagé l'ensemble de ses travaux, affectant par la même occasion le moral et la détermination de son équipe d'experts.


L'élégant chercheur logeait dans un endroit qui lui correspondait bien, spacieux, coquet, chic et à l'histoire étonnante. Fondé en 1816, cet hôtel luxueux avait accueilli des personnalités des plus brillantes. Tous les Présidents américains depuis Franklin Piercei y avaient dormi ou avaient assisté à un événement. Martin Luther Kingii y avait écrit son discours I Have a Dream dans l'une des chambres en 1963, avant d'entamer une Marche sur Washington. Même le cinéma avait investi les lieux lorsqu'en 2001, Steven Spielbergiii y tourna les dernières scènes de son film Minority Report. En somme, les murs de chaque chambre, de chaque coursive, de chaque salle auraient bien des choses à raconter. Et c'est cette ambiance particulière, ainsi que ces anecdotes historiques, qui convainquirent Winter d'élire domicile ici.

Pour l'heure, ses invités étaient moroses.

Délinda Cross, sur les recommandations de son supérieur, avait pris possession de l'une des chambres de la suite et profitait de quelques heures pour se reposer. Epuisée, elle se laissa bercer par les bras de Morphée sans se faire prier. N'osant pas abuser de l'hospitalité de Winter, la jeune femme s'était contentée de s'allonger sur le lit sans prendre la peine d'en défaire les draps en satin. Elle était étendue, là, reposant dans ses vêtements du jour, et malgré cela, elle n'en perdait pas moins toute la grâce qui l'habitait.

King, Beckenbauer, Dantes et Winter se restauraient autour d'un malt douze ans d'âge, que même l'agent fédéral apprécia compte-tenu des récents événements.

En service ou pas, là il me faut un remontant, s'était-il convaincu.

King n'avait jamais été confronté à la dure réalité de la rue, aux accidents d'une extrême violence, et encore moins aux homicides. Cette situation l'avait quelque peu retourné, et savoir que l'un des membres du groupe Trinité venait de perdre la vie l'ébranlait émotionnellement.

Ramanuja s'était excusé et retiré pour rejoindre sa famille. Quant à Martinez, il avait fui peu de temps après l'incident du Musée. Le théologien s'était trouvé, lui aussi, envahi par une vague terrorisante d'angoisse. La paranoïa le guettait, lui aussi. Il n'avait exprimé qu'une seule et unique envie, celle de se séparer momentanément du groupe, estimant qu'il serait plus en sécurité seul dans son coin, loin de toute cette torpeur abominable. Il avait sauté dans un taxi pour être conduit jusqu'à son église. Son besoin irrémédiable de se confier au Tout Puissant avait été trop fort.

Devant leur verre de whisky, les têtes basses, chacun ruminait la frustration et la colère. L'un des leurs avait, semblait-il, péri dans les flammes. Une enquête de police et des moyens spectaculaires seraient mis en œuvre, mais Winter savait que cela ne ramènerait pas leur camarade d'armes.

King passa un coup de fil à Salt Lake pour prendre des renseignements et expliquer ce qui venait de se produire. Les nouvelles n'étaient pas réjouissantes, ses gars piétinaient et lui, n'avait guère de piste. Néanmoins, ce dramatique événement instaura en lui une conviction ; le premier incendie de voiture aurait pu être accidentel mais il n'y croyait guère, ou bien il pouvait s'agir d'une bande de jeunes en recherches d'émotions fortes ou de rebellion ; en revanche, l'incendie du sous-sol du Smithonian était volontaire, un authentique acte criminel.

Pourquoi voudrait-on brûler cet endroit ? se demanda t-il. Y-avait-il des documents précieux qu'il fallait détruire impérativement ? Ou bien ne serait-ce pas à l'encontre du groupe de spécialistes, et de cette fameuse théorie, auxquels l'on voulait porter préjudice ?

Il avait beau se repasser le film à de nombreuses reprises, il était certain que tout cela n'était pas voué au hasard. Et puis, il revoyait continuellement Max Gulliver se mordillant le bout des doigts.

Mais de quoi, ou de qui avait-il peur ?


i. Franklin Pierce. [23 novembre 1804 – 08 octobre 1869]. Il fut le quatorzième Président des Etats-Unis. Il exerça son mandat de 1853 à 1857.

ii. Martin Luther King. [15 janvier 1929 – 04 avril 1968]. Pasteur baptiste afro-américain et militant non violent, il défendit les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis, pour la paix et contre la pauvreté.

iii. Steven Spielberg. [né le 18 décembre 1946]. Scénariste, réalisateur et producteur, il révolutionna l'industrie du cinéma avec des blockbusters tels que : Les dents de la Mer, E.T. L'extraterrestre, Indiana Jones, Jurassic Park.


MASTERS OF THE MANOù les histoires vivent. Découvrez maintenant