XXI

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22 Décembre. 11H17.

Planque du groupe d'intervention antiterroriste.

Salt Lake City.




Les traits tirés, le regard fatigué, Roberts tenait le coup à grandes doses de caféine qu'il s'administrait toutes les demi-heures. S'il avait pu, il se serait directement administré son poison noir en intraveineuse pour en ressentir les effets immédiatement. Outre ses obligations fédérales et ses responsabilités d'homme, sa seule motivation pour tenir le coup était d'espérer que cette enquête soit bientôt résolue, et qu'il s'autorise à prendre des vacances. Mais pour l'heure, il s'obstinait à continuer ses recherches.

Deux petites heures de sommeil, ce sera toujours mieux que rien, tentait-il de se convaincre, il faut absolument que je me résigne à m'accorder du temps de repos avant que mes neurones ne me lâchent. Aller, vas-y, vas te coucher, rien que deux heures.

Mais son obsession le poussait à persévérer.

Ses explorations sur la toile Internet n'avaient pas été très prometteuses. Il avait passé toute la nuit à tenter de déchiffrer le fameux message laissé par Kaufman. La fatigue résidait en lui tel un démon. Ce n'était plus Roberts qui pianotait sur le clavier d'ordinateur mais un zombie.

Soudain, par acquis de conscience, ou bien parce que son corps émit un signal d'alerte qui le fit réagir, il décida de prendre l'air et de se ressourcer. Les pas lourds et la démarche anarchique, il descendit la rue qui séparait le lotissement en deux gros blocs. Bravant le froid et le vent, il en profitait pour inhaler de grosses bouffées d'air glacial, stimulant ainsi son corps et son intellect. Chaque respiration lui brûlait les narines et l'oesophage. Cette douleur froide lui rappelait qu'il était encore vivant. Après s'être oxygéné un long moment, il rentra et consulta ses confrères.

Parallèlement aux examens ciblés entrepris par Roberts, ses deux compères s'étaient chargés de scanner de très nombreuses pages des carnets retrouvés au domicile de Johanna Kaufman. Ils avaient soumi ces écrits au logiciel de décryptage et obtenus des textes divers et variés. La langue utilisée était du Cananéen, un dialecte proche de l'hébreu.

C'est tout de même curieux, se demandait Perlman, que cette nana connaisse aussi bien cette langue, elle la maîtrise comme s'il s'agissait de sa langue maternelle. Et puis, quel intérêt de coder des centaines de page dans ce dialecte ?

A la lecture de certaines traductions, ils apprirent qu'il y était question d'archéologie moderne, d'égyptologie, de pierres sacrées, d'astronomie, d'astrologie, de mathématiques, des références théologiques y était également mentionnées, ainsi que des faits historiques, et des propos concernant des sites énergétiques répertoriés sur la planète. Tout semblait avoir été inscrit en pêle-mêle sans qu'il n'y ait de lien logique reliant toutes ces hypothèses, théories et divulgations. Cette source intarissable d'informations rendait les flics particulièrement perplexes, d'autant plus que ces révélations suintaient de quelques centaines de feuillets alors qu'il restait plusieurs milliers de documents à exploiter. Le découragement régnait en maître dans les esprits, car chacun comprit qu'il faudrait des mois d'analyse pour concentrer tous ces manuscrits en un condensé d'informations claires, précises et exploitables pour les besoins de l'enquête. Néanmoins, le dernier point faisant référence à d'éventuels lieux planétaires propices à de hautes fréquences énergétiques suscita la curiosité des uns et des autres.

Roberts se servit une nouvelle tasse de son breuvage noirâtre et reprit sa place devant son écran. Ses doigts tapotaient virulemment les touches du clavier tel un virtuose s'acharnant sur son piano, et son dynamisme ravit ses deux confrères.

Espérons que je ne perde pas encore mon temps. Il nous faut avancer. Il nous faut une piste. Allez, allez, magnes-toi Jeremy. L'As du numérique, fais preuve d'ingéniosité et surprends-les.

Pendant qu'il tentait d'extraire de sa machine des données relatives à d'hypothétiques endroits où la jeune femme pourrait se cacher ou bien avoir dissimulé l'ignoble source radioactive, Perlman envoya un SMS à son supérieur. Il lui révéla les premières conclusions d'enquête concernant l'incendie meurtrier du Smithsonian Institute. La pression exercée par le Bureau fédéral auprès des autorités de Washington avait été bénéfique puisque, dès l'incendie maîtrisé, une expertise légale et une autopsie du corps calciné avaient été pratiquées. Le rapport venait de tomber et les lieutenants de King s'empressèrent de lui remettre déjà les finalités inattendues de ce rapport. En effet, le corps retrouvé sur place n'avait pas encore été identifié par le bureau du médecin légiste néanmoins, compte-tenu de la taille, du poids approximatif, de la dentition et de nombreuses anciennes blessures parsemant le squelette, ce cadavre ne pouvait manifestement pas être celui de l'ufologue Max Gulliver.

Ces informations primordiales permettraient de soulager les esprits présents à la Capitale. Mais il subsistait une énigme de taille.

Qu'était-il donc arrivé à Gulliver ?

Avait-il été enlevé ou bien s'était-il enfui à temps ?

Et si c'était le cas, où pouvait-il bien se cacher ?


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