XXVI

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22 Décembre. 16H41.

Bureau Ovale. [bureau officiel du président des U.S.A].

Maison Blanche, aile ouest.




Le haut dignitaire américain, logé derrière le bureau en acajou qui avait accueilli tant de prédécesseurs, s'attachait à terminer sa corvée journalière qui consistait à apposer sa signature sur des dizaines de documents officiels dont il n'avait même pas connaissance. Ces affaires, débattues au Congrès ou bien propageant des ordres tertiaires ne devaient pas lui faire perdre trop de temps. Ses subalternes s'occupaient de ces vastes besognes tandis que lui restait obsédé par une seule et unique vision, la réussite de sa mission et le renouvellement de son mandat. Il savait qu'il ne serait là que pour quatre années, au mieux il aurait droit à un second mandat s'il validait ses objectifs, mais de toute façon ce n'était pas à lui de décider du temps qui lui était imparti. Par ailleurs, le peuple non plus n'était pas davantage concerné par le choix de celui qui les représenterait. La démocratie américaine, son système législatif, tout était bafoué depuis longtemps. La campagne présidentielle n'était qu'une belle foutaise puisque tous les candidats n'avaient pas les mêmes chances. L'élu était avant tout choisi, en comité privé. Une fois que les grands de ce monde avaient déterminé celui qui serait apte à gouverner, selon leur volonté, toute une machination démarrait. Cette course effrénée pour mettre leur poulain au pouvoir n'était rien de plus qu'une partie d'échecs, un jeu de stratégie où tous les coups étaient permis. Le vote des citoyens était orienté par des propagandes de dissuasion, par discréditation des autres concurrents, et ainsi acheté à coups de millions de dollars.

En ce bas monde, l'argent appelle le pouvoir et le pouvoir vous place à la droite de Dieu, s'était dit le Président le jour même de son investiture.

C'est peut-être pour ces raisons fantaisistes que des hommes de l'ombre manigançaient pour mettre leur plan en ordre.

Le Président, depuis son élection quelques mois plus tôt, n'était qu'une marionnette au service de puissances qui le dépassaient. Ses commanditaires n'étaient autres que les maîtres d'une puissance tentaculaire qui le sucerait jusqu'à la moelle.

En acceptant de servir les intérêts de son pays, il servait avant tout les intérêts d'une toute autre cause dont il ne maîtrisait pas les tenants ni les aboutissants. Pour l'heure, il se contentait de suivre des directives qui lui semblaient, pour la plupart du temps, en désaccord avec ses convictions ou ses projets politiques, mais il se résignait à écouter et à exécuter des ordres ambigus afin de conserver sa position et son poste.

La lourde porte en chêne s'entrouvrit dans un craquement. L'un des membres de son service de sécurité entra sans même s'excuser ni même se présenter. Il tendit un courrier au Président et se retira sans dire un mot. Le chef d'état comprit immédiatement de quoi il s'agissait. Celui qui devait veiller sur sa sécurité était également à la bonne de ce puissant groupe. Tout comme lui, il exécutait des ordres, mais comment le tenaient-ils ? Avaient-ils menacé sa famille, ou bien lui avait-on promis une grosse somme d'argent ? Ce qui était certain, c'est que personne n'était à l'abri.

L'homme le plus puissant de la planète était malencontreusement tombé dans un engrenage qui le rongeait chaque jour. Il n'était maître de rien et, bien que d'impressionnantes forces de polices puissent veiller sur lui, il ne pouvait pas protéger les siens. Les règles étaient des plus claires : écouter, exécuter, nier. Les conditions optimales pour conserver le secret sur ce qui se tramait dans les très hautes sphères du pouvoir. Et ce Président savait qu'il valait mieux obéir afin de ne pas finir comme d'autres ; un accident étant si malheureux et si soudain. John Fitzgerald Kennedyi en avait fait les frais, son frère Bobbyii également. Une famille complète de révolutionnaires aux idées libres s'était trouvé aspirée par une sangsue d'un autre monde. Les coupables étaient tout trouvés, d'abord Lee Harvey Oswaldiii, puis Sirhan Sirhaniv, en somme des candidats parfaits pour susciter la peur et la curiosité. Pendant que certains perdaient leur temps à enquêter afin de dénicher la vérité au sein d'un véritable nid de vipères, les conspirateurs agissaient sans être inquiétés. Il fallait, par tous les moyens, conserver le secret pour que la cause perdure. Tout ce que ce chef d'état savait c'est que les décisions prises par ceux qui le gouvernait ne servaient pas uniquement les intérêts de l'Amérique mais également ceux de la race des hommes. L'homme était menacé d'extinction, cela ne faisait aucun doute, une éradication de la civilisation comme il y en avait tant eu dans le passé, mais, cette fois, des individus avaient décidé de s'y interposer et de lutter contre un désastre humanitaire. Les mêmes individus, qui avaient contribué à le loger à la Maison Blanche, orchestraient également un vaste réseau dont les objectifs restaient obscurs.

Le Président ouvrit le courrier remis par l'agent des services secrets et en lut le contenu. Il comprit immédiatement de quoi il était question. Ses yeux se gorgèrent, ses joues rougirent, ses mains serrèrent le papier de toute leur force, et il abdiqua en baissant la tête. Il se savait piégé et devrait répondre à la demande de ces dictateurs. Dans moins de quarante-huit heures, il devrait faire des révélations d'une importance capitale au peuple. Cette lettre n'était rien de plus que son discours de fin d'année qu'il s'obligerait de prononcer mot pour mot auprès des citoyens américains. Il y était contraint, bien qu'il se rassura en s'imaginant qu'il ne s'agisse là que d'une pierre qu'il apportait à l'édifice, sur l'autel de la sauvegarde de la vie.

Sa première réflexion fut consacrée à sa famille.

Dois-je les mettre dès à présent à l'abri afin de les protéger ? Ou dois-je encore attendre ?


i. Robert Francis Kennedy. [29 mai 1917 – 22 novembre 1963]. 35ième président des états-Unis, assassiné à Dallas. Il fut le plus jeune Président élu.

ii. Robert Francis Kennedy. [20 novembre 1925 – 06 juin 1968]. Robert F. Kennedy fut assassiné le soir de sa victoire à la primaire de Californie alors qu'il était candidat à la présidence des états-Unis. Il fut notamment ministre de la justice de 1961 à 1963, puis sénateur de l'état de New-York de 1964 à sa mort.

iii. Lee Harvey Oswald. [18 octobre 1939 – 24 novembre 1963]. Lee H. Oswald est connu pour être le principal suspect dans l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy conformément aux conclusions [très controversées] rendues par deux enquêtes gouvernementales.

iv. Shiran Shiran. [né le 19 mars 1944]. Homme d'origine transjordanienne condamné pour l'assassinat de Robert Francis Kennedy. Une théorie controversée : Public Intelligence a publié le 27 novembre 2011 un document dans lequel l'avocat de Sirhan déclare que son client était sous contrôle mental au moment des faits et que les balles qui ont tué Bobby Kennedy ne provenaient pas de son arme.


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