LXV

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23 Décembre. 09H27.

Sibley Memorial Hospital.

5255 Loughboro Road. Washington D.C.




L'effervescence battait son plein aux urgences de l'hôpital. Les infirmières tentaient de trouver du réconfort auprès des internes qui, dépassés par la situation, ne savaient comment réagir. Il leur avait juste été transmis un appel de détresse, une poignée de minutes plus tôt, stipulant le cas symptomatique qu'éprouvait Delinda Cross. Le standard des infirmiers avait dépêché des secours jusqu'à l'Université de Georgetown. Depuis lors, les seules informations qui transpiraient, provenaient de la radio embarquée de l'ambulance. Et les nouvelles n'étaient pas brillantes.

Lorsque le véhicule sanitaire s'engagea dans le tunnel de l'hôpital conduisant directement au service d'urgentistes, Cross avait déjà été réanimée à trois reprises. Jamais un tel événement ne s'était produit, des arrêts cardiaques à répétition, surtout auprès d'une patiente aussi jeune. C'était incompréhensible. Comme si son organisme et l'ensemble de ses fonctions vitales étaient durement éprouvés.

Les ambulanciers avaient fait part de leur désarroi tout au long du trajet, désemparés par l'état physiologique de la journaliste.

Enfin, dès qu'ils l'eurent déposée dans le service des urgences, des soigneurs spécialisés s'occupèrent d'elle, soulageant les ambulanciers d'une trop lourde tâche.

Où en sont ses constantes, réclama le chef de service appelé en renfort.On n'arrive pas à maintenir un pouls stable. On a dû l'intuber car ses voies aériennes se resserraient. On ne voulait pas attendre et être obligé de pratiquer une trachéotomie. On a enfin réussi à faire tomber la fièvre mais les ambulanciers nous ont avertis qu'elle était sujette à des pics de température.Bien ! Vous avez stabilisé son rythme cardiaque. Et comment est la tension ?C'est du jamais vu. Elle est aléatoire. Elle passe de huit à seize en quelques instants. C'est de la folie. Nous ne savons pas ce qu'elle a.Un choc anaphylactique ? Une réaction allergique ?Non, rien de tout cela. J'ai demandé que les résultats de la sérologie nous parviennent dans les plus brefs délais. Ils bossent dessus mais ils restent unanimes sur le fait qu'il ne puisse s'agir d'une quelconque allergie.S'il s'agit des conséquences d'un shoot, je veux bien qu'on me dise de quelle drogue il s'agit, car c'est puissant.Vous imaginez une drogue de synthèse capable d'avoir des effets secondaires pareils ?Non, j'en sais rien. Il doit y avoir autre chose. Et qu'est-ce que c'est que ça ?

Le ventre de Cross subissait soudainement une réaction étrange. D'immondes pustules ressortaient de son épiderme. Tout d'abord comme de vulgaires boutons ou piqûres d'insectes, ils se métamorphosaient ici et là en escarres devant les yeux ébahis du personnel soignant. Peu à peu, c'est tout le bas ventre, du pubis au dessous du sternum qui fut envahi de ces déclarations allergiques. L'imagination réfrênée des médecins les poussa à envisager que le corps inerte de la patiente répulsait le mal qui la rongeait de l'intérieur.

Faites-lui une injection de 20 cc d'adrénaline.

Le traitement s'avérait tardif car les plaies se révélaient déjà purulentes.

Non de Dieu ! Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Vite. Compresses stériles et bétadine.

Les infirmières présentes n'eurent pas le temps d'appliquer les ordres du médecin que des mouvements abdominaux formant des vagues uniformes traversaient l'abdomen de la patiente. Ses muscles abdominaux étaient stimulés par des contractions anarchiques qui semblaient être les conséquences d'une réaction électroneuronale.

L'une des praticiennes ne put retenir un cri de terreur.

On se serait cru dans un film de science-fiction de série B à la différence que là, il était question de la vie d'une femme.

Le médecin leva les bras en l'air comme s'il ne fallait plus toucher le corps de Cross. Son regard était pensif et subjugué par ce spectacle affligeant.

Un alien allait-il sortir de son ventre ?

Les appareils électroniques s'affolèrent. La patiente fut alors prise de convulsions spectaculaires et incontrôlables. Tous firent un pas en arrière afin qu'ils ne rentrent pas en contact avec l'un des membres de la malade, au risque de la blesser davantage. Impuissants, il leur fallait juste attendre que la crise passe en priant pour que la violence de ces contorsions corporelles ne vienne pas provoquer un nouvel arrêt cardiaque.

Puis, tout à coup, sans que personne ne fasse rien, où bien à cause de l'effet de l'adrénaline, le corps de la patiente retomba, livide, comme démuni de toutes forces. Les bosses qui voyageaient anarchiquement sur son ventre disparurent immédiatement. Les distorsions de ses intestins s'amenuisirent. Les escarres s'estompèrent, ne laissant plus que d'immondes vergetures difformes et suintantes sur l'abdomen de la jeune femme. L'électrocardiogramme affichait un tracé constant et régulier. La tension se stabilisa. L'état de santé de Delinda Cross semblait revenir à la normal, le plus naturellement du monde.

Les résidents de l'hôpital croisèrent des regards interrogatifs et suspicieux. Le médecin chef, lui, ne cessait de scruter le corps de Cross, cherchant une explication rationnelle à ce qui venait de se produire. Il se saisit d'une lampe et visionna les pupilles de la malade. Le constat ne l'étonna guère. Délinda Cross était toujours dans le coma.

Le toubib eut alors un agissement surprenant.

Aidez-moi. Déshabillez-là intégralement.Quoi !Retirez tous ses vêtements et cherchez le lieu de contamination, c'est peut-être une piqûre, une incision, une plaie.Que se passe t-il ? Questionna l'une des infirmières ?Je veux des examens sanguins complémentaires avec une segmentation d'ADN.A quoi pensez-vous ? Demanda l'un des internes.Une contamination bactériologique. Faites évacuer le service, cria t-il en l'air, mise sous quarantaine de la patiente ainsi que de chaque personne ayant été en contact avec elle. Fermez hermétiquement le service. Nous avons un code rouge. Et contactez-moi le CDC de toute urgence.

Toutes les précautions furent prises.

Le service d'urgence fut évacué et les patients conduits vers d'autres hôpitaux de la capitale. Le bâtiment tout entier fut classé comme lieu potentiel de contamination virale.

Tandis que certaines infirmières, affolées par ce spectacle et mortes de peur, pleuraient à chaudes larmes, le médecin chef ordonna la nouvelle organisation du service. Il leur fallait faire vite. Tout s'accéléra en un temps record. Les personnes exposées durent prendre une douche en se savonnant avec un puissant désinfectant. Il leur fut remis des vêtements propres, des gants et des masques, puis, ce fut le défilé à la vaccination. Chaque personne fut vaccinée contre les principaux foyers épidémiques.

Enfin, alors que seule deux infirmières volontaires furent autorisées à servir dans la chambre de Cross, les autres victimes d'éventuels contacts avec cette dernière attendaient dans le hall des urgences, que les médecins du CDC viennent les secourir.


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