MASTERS OF THE MAN

LXVII

23 Décembre. 15H52.

A bord d'un Airbus A319. C-FYJE 258.

Quelques part au dessus du Canada.

Tout s'était quelque peu bousculé pour l'agent King. Dès que Wagner lui fit part des révélations qu'il avait précédemment transmises à Johanna Kaufman, ainsi que le lieu présumé où le minerai radioactif risquait de se trouver, il contacta le bureau de Washington, réquisitionna une équipe ainsi qu'un avion affrété spécialement pour le FBI. Le temps lui étant compté, il avait bénéficié d'une aide remarquable de la part de ses collègues washingtoniens. Contrairement à d'autres corps de métier, ou bien d'autres administrations, il n'avait pas eu à batailler pour obtenir des effectifs et du matériel. Le directeur de l'agence locale n'avait pas fait valoir ses droits sur l'enquête. Il savait juste que King était à la recherche d'un engin hautement dangereux, probablement nucléaire et particulièrement instable, voire défectueux. Sans tenter de lui mettre des bâtons dans les roues, il avait au contraire participé à l'aider dans sa quête.

Après avoir décollé du Washington Dulles International Airport, ils avaient pris leur envol vers le Nord, en direction d'un territoire encore plus froid et plus glacial. En quelques minutes, ils étaient passés au-dessus du manteau neigeux qui stationnait au dessus de la capitale américaine. Ils avaient alors subi quelques perturbations avant que d'arriver à une altitude qui convenait à leur vitesse de croisière.

Au sein de l'appareil, King commentait ses premières recommandations auprès de sa nouvelle équipe. Il n'y avait là que des agents de terrains triés sur le volet. Par chance, et ce malgré les fêtes de fin d'année, la direction locale lui avait attribué six agents expérimentés. Néanmoins, bien qu'ils aient fait leurs preuves depuis bien plus longtemps que lui, ils ne savaient pas à quel danger ils s'exposaient. Il lui fallait leur expliquer les risques avant qu'ils ne posent les pieds sur Oak Island.

Nous n'allons pas chasser n'importe quel gibier. Nous sommes à la recherche d'un engin atomique, dont la radioactivité a déjà fait vingt et une victimes. Son taux de radioactivité provoque le décès dans les vingt-quatre à quarante-huit heures. Aussi, soyez extrêmement vigilants.Comment un engin atomique peut-il être aussi radioactif ? Questionna l'un des passagers.Parce qu'il est probable qu'il soit endommagé et qu'une fuite suite à une détérioration dans le temps soit à l'origine de la libération d'un des composants principaux.Et de quelle réacteur provient l'uranium ?Nous ne savons pas s'il s'agit d'uranium, de plutonium ou d'un quelconque matériau. Et pour répondre à votre question, il ne provient d'aucun réacteur connu.C'est une bombe sale ?

Bombe. Sale. Tout était là. Par définition, une bombe ne saurait être propre. Mais en précisant le terme de bombe sale, cet agent voulait parler d'un matériel fabriqué sauvagement, par une nation concevant des armes atomiques sous le manteau. Un délit puni par l'ONU, mais qui se pratiquait néanmoins depuis la chute du régime socialiste soviétique et l'arrivée de nouveaux marchands de la mort, les Seigneurs de Guerre comme on les appelait communément dans le circuit.

Aucun des pays ayant la connaissance ou la maîtrise de la technicité nécessaire à l'élaboration d'un armement atomique n'est à l'origine de cet engin, précisa King d'un ton solennel.D'où provient-il alors ?Je ne peux pas vous en parler, c'est classé « secret défense ».

SECRET DEFENSE. C'est tout ce qu'il avait trouvé à dire pour éviter de s'engager dans une conversation fastidieuse, remplie d'interrogations, et dont il n'aurait su maîtriser les aboutissants.

Comment aurait-il pu leur spécifier que l'engin n'était répertorié sur aucun listing, aucune base militaire, ou aucune usine nucléaire. Et pour cause, il ne pouvait pas non plus s'avancer à leur dire que ce même appareil, aux caractéristiques si particulières, datait de quatre à cinq mille ans. Que ce même artefact antique était la résultante de la plus célèbre légende instaurée par la Bible et révélée par les mythes médiévaux. Ils n'auraient pas compris non plus qu'ils soient à la recherche de l'Arche d'Alliance. Et si jamais il s'était aventuré à leur soumettre toutes ces hypothèses, il lui aurait également fallu les exposer à des révélations qu'ils n'étaient peut-être pas prêts à entendre. D'ailleurs, auraient-ils accepté, sans lui rire au nez, qu'il leur soumette cette théorie alternative de néo-évhémérisme. Enfin, quelles auraient été leurs réactions dès lors qu'il leur aurait parlé des Néfilim, de leurs connaissances techniquement avancées, de leurs créations et de leurs pouvoirs célestes. Ces agents chevronné, étaient-ils aussi entraînés à raisonner avec une ouverture d'esprit plus large que le commun des mortels ? Même si cela s'était révélé être le cas, auraient-ils accepter sans broncher d'entendre qu'ils faisaient partie, au même titre que l'espèce humaine toute entière, du fruit de manipulations inimaginables orchestrées par ces dieux venus du ciel.

Tais-toi, dut-il se convaincre. Dis-en le moins possible. Ils n'ont pas besoin de savoir. Va juste à l'essentiel, arrondis les angles et fais en sorte que tous reviennent sains et saufs de cette expédition.

Est-il possible d'en savoir davantage ? A quoi avons-nous affaire véritablement ?Vous allez devoir utiliser ces combinaisons.

King, en expert des sciences atomiques, leur présenta les scaphandres qui devaient les maintenir à l'écart de doses trop fortes du venin atomique.

Et avec cela, on ne craint rien ? Demanda un autre agent.En théorie. Vous aurez également à votre disposition des compteurs Geiger afin de mesurer la radioactivité environnante. Si vous atteignez la zone rouge, n'insistez pas, prenez note du lieu de relevé et rebroussez chemin.Zone rouge, ça correspond à quoi ?

Merde ! C'est vrai, ce sont des gars de terrain exerçant en milieu urbain, ils n'ont reçu aucune formation spécifique concernant les risques atomiques.

Le flic s'improvisa en professeur et leur fit un cours rapide sur la mesure de la radioactivité et les seuils de tolérance.

Le principe en radioprotection est de maintenir l'exposition au niveau le plus bas qu'il est raisonnablement possible d'atteindre, selon le principe Alara. Il a donc été créé des zones délimitées par des débits de doses suivantes :

Unité du Système International est le Sievert [Sv].

Zone bleue : d'environ 2,5 à 7,5 µSv. h-1

Zone vert : de 7,5 à 25 µSv. h-1

Zone jaune :de 25 µSv. h-1 à 2 mSv. h-1

Zone orange : de 2 à 100 mSv. h-1

Zone rouge : > 100 mSv. h-1

Les facteurs de protection sont les suivants :

Distance [la variation du débit de dose est inversement proportionnelle au carré de la distance à la source].

Activité [vérification de toutes sources de fuites et démantèlement des objets et ustensiles en contact avec l'engin].

Temps [la dose est proportionnelle au temps d'exposition, rester le moins longtemps possible sur les lieux de seuil critique].

Ecran [plomber, recouvrir d'acier, bétonner, immerger la source].

La zone rouge est la limite à ne jamais franchir.Nous allons donc nous aventurer en terrain miné ?On peut dire cela. De toute façon, vous n'aurez pas à vous rendre directement à l'épicentre. Je m'en chargerai. Je vous demande juste de sécuriser les abords du site. Je vous rappelle que nous nous rendons sur une petite île. Une forêt de chêne recouvre les neuf dixième de la surface. Aussi, arpentez les plages à la recherche d'indices suspects mais n'emportez rien sans mon autorisation. Au besoin, pratiquez des prélèvements de terre, de végétaux et d'air. Car j'aurai besoin d'échantillons lorsque les hautes instances du FBI me réclameront des comptes.Je ne vois pas bien en quoi vous avez besoin de nous ? Vous semblez tout contrôler.

Comment leur dire la vérité, rumina t-il.

Il est probable que nous ne soyons pas seuls.Présence hostile ? Demanda fermement l'un des agents.Vraisemblable.Quelles sont les instructions ?Ne jouez pas aux héros. Les cimetières en sont déjà remplis. Annoncez-vous. Mettez en garde. En cas d'offensive franche, tirez à vue. Il est hors de question que l'engin quitte cette île, suis-je assez clair ?Limpide, agent King.Dernière chose. Il se peut qu'une jeune femme se trouve sur place. Il n'est d'ailleurs pas impossible qu'elle soit détenue contre son gré.

King se dévoilait. Ces dernières heures, il avait pris conscience que Johanna Kaufman ne pouvait pas être une terroriste internationale, tout au plus une âme mal conseillée et butée.

Je ne crois pas qu'elle ait fait toutes ces recherches et ce voyage pour dérober un engin atomique. Je suis désormais convaincu que ce qui la guide est la quête de la vérité.

Je la veux vivante.

Le pilote de l'avion fit son intervention, faisant signe à King qu'ils devaient se tenir prêts. Ils n'allaient pas tarder à atterrir sur le sol canadien.